ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 2 - Les disciples
du Royaume :

Les prémices du Royaume



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume
- La lampe
- Salomé
- Les prémices du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


e nouveau assis en silence autour de Jésus, nous étions pris par le mystère de notre rencontre. Chacun de nous était émerveillé d’avoir été saisi par Dieu dans les actes les plus élémentaires de son existence et d’avoir chanté sous l’inspiration divine. Jésus pro­fi­ta du silence pour nous faire comprendre le sens de cette journée.


- Mes frères, nous sommes les prémices du Royau­me. Jadis, nous marchions nous aussi dans les ténè­bres, mais une lumière a éclairé notre chemin. Nous avons compris que notre démarche recouvrait des tra­ces déjà inscrites dans la Bible : nous réalisons une histoire que d’autres ont entamée. Nous jouons le rôle de nos ancêtres : Abraham et Jacob, Osée et Ézé­chiel, Judith et Esther, Ammi et Ruchama. Ces personnages revivent en nous, parce qu’avant notre naissance, nous existions en eux. Nous étions leur préfiguration, de même qu’ils se réalisent en nous. Vous avez exprimé, toi Pierre, vous Jacques, André et Jean, cette parabole dans les actes de votre exis­tence. Avant d’accomplir la mission d’Ammi, j’étais « Ammi » dans la trame de ma vie. Maria a person­nifié Ruchama dans sa vie, avant d’en poursuivre la mission. Et toi, Salomé, dernière venue parmi nous, tu nous as transmis le message de Ruth sans le sa­voir. Nous sommes fils de la lumière, parce que nous connaissons les deux faces de notre existence.
- Alors, sommes-nous des prophètes ? a demandé Jean. Nous sommes des gens simples, illettrés, sans commune mesure avec les grands prophètes. Il est prodigieux de penser que notre petite vie sans hori­zon rend la Bible actuelle dans l’histoire présente.
- Le prophète, a répondu Jésus, n’est pas celui qui a vu Dieu – cela n’est donné à personne – mais celui qui interprète Sa parole inscrite dans les événements de Sa création. Car chacun porte l’empreinte de Sa volonté et s’insère dans Ses desseins. Les étoiles et les planètes, les mouvements de la terre et de la mer, le jour et la nuit, les nuées et la pluie, la vie des hom­mes et celle des animaux, sont les signes par lesquels Dieu se manifeste. Bref, le prophète a reçu la con­nais­sance du langage de Dieu et le traduit en paroles humaines. Il a été un homme simple et ignorant, com­me vous : il était berger, paysan, ouvri­er, doué de l’intelligence des signes des choses, saisi par l’Es­prit. Il comprenait la foudre et le tonnerre ; il lisait dans les événements comme dans les rêves du peu­ple ; il déchiffrait les saisons et le vol des oi­seaux ; il connaissait le sens du mouvement des étoi­les et du soleil, les phases de la lune et les éclipses ; il pré­voyait la naissance et la mort. Il était visionnaire, chantre qui percevait au-delà des apparences. Nous aussi, nous sommes visionnaires ; plusieurs aussi par­mi nous sont chantres ; tous, nous sommes des fous pour le reste du monde.
- Cependant, la Bible nous est étrangère, Maître, a dit Jacques, car nous ne sommes pas des rabbis, et nous ignorons l’origine des mots.
- Moi non plus, je ne suis pas un rabbi. Qu’importe ? Nous ne sommes pas appelés à décortiquer les mots, mais à désigner leur impact dans l’existence. Si tu pré­fères, les mots nous intéressent moins par leur ori­gine que par les choses qu’ils désignent comme faits de Dieu en parabole. Les Écritures transposent en mots la signification des signes établis par Dieu à tra­vers les choses de la vie. Interpréter les Écritures sup­pose de les accomplir, de les actualiser dans les actions de notre vie. Nous sommes en résonance avec la Bible quand elle prend un sens actuel pour nous. Nous sommes une page neuve du livre de la création de Dieu, dont la Bible est le reflet.


-Frère, demanda l’un des disciples, quel est ce sens nouveau des Écritures ?
Dieu a établi une nouvelle Alliance d’amour : il est le Père par qui les hommes se découvrent des frères.
- Mais Dieu, reprit ce disciple, a fait autrefois alliance avec Abraham et s’y est déjà manifesté comme Pè­re : Il a rendu fécondes nos ancêtres Sara, Rébec­ca et Rachel, qui toutes étaient stériles, afin que leurs en­fants soient fils de Dieu.
- Tu as raison, mais tu oublies ce que le peuple a fait de cette Alliance. Les Juifs ont cru qu’elle n’était qu’un contrat d’adoption par lequel Dieu recon­nais­sait pour enfants la seule descendance d’Abraham ; le peuple a prétendu être l’élu de Dieu pour recueillir seul l’héritage de la filiation divine, et en exclure les autres peuples. La paternité de Dieu est devenue le privilège de ceux qui sont issus de cette génération, et l’universalité de la création a été rétrécie aux frontiè­res d’une race. Mais nous, les bâtards et les prosti­tuées, hommes et femmes privés d’héritage et de pri­vi­lèges, exclus du droit et illégitimes, dépossédés de biens et de pouvoir ; nous pour qui la vie est un dé­sert que Dieu a désigné comme espace de création et image de Sa demeure ; nous, le peuple innombra­ble, nous répondons à l’appel de Dieu. En nous, Il veut se révéler comme le Père et nous reconnaît comme ses enfants, non contre les autres hommes mais com­me la parabole que tous sont issus de Lui. Nous sommes le signe que Dieu manifeste Sa pater­nité universelle, le miroir où Il reflète Son amour.


À ces mots, les disciples furent emplis de joie. Cer­tains se levaient, d’autres se mettaient à sauter, d’au­tres encore s’envoyaient des bourrades, ou se ser­raient la main, ou s’embrassaient en bredouillant des bribes d’hymnes. André s’adressa à Jésus :
- Frère, et le temple ? À quoi sert-il ?
- Nous le découvrirons à mesure que nous lirons la parabole de Dieu. Je vous dirai déjà que les temples faits de main d’homme sont des lieux de prière et de réunion, non des abattoirs. Dieu hait les holocaustes. Pour pardonner nos péchés, Il n’exige ni bœufs, ni moutons, ni pigeons, mais le sacrifice du cœur. En témoigne l’oracle d’Osée : « J’aime la compassion et non le sacrifice ». Il attend que nous offrions aux frè­res nos biens et notre argent, notre savoir et nos ex­pé­riences, notre sollicitude et notre aide, comme Il le fait Lui-même. Il nous appelle à remettre leurs dettes à nos frères, comme Il remet les nôtres, ce qui est plus difficile que de tuer des animaux et de les offrir en sacrifice. Vous vous vantez d’aimer le pro­chain, parce que vous vous asseyez avec les pauvres pen­dant le culte, mais les invitez-vous aussi à votre ta­ble ? Mes frères, le temple abonde de riches, de pri­vi­légiés, de voleurs et de tueurs d’animaux, mais il manque d’hommes bienveillants, miséricordieux, hum­b­les et doux de cœur. Sachez que nous sommes le Temple de Dieu, nous à qui Dieu a inspiré son souffle de vie.


- Réflexion faite, frère, a poursuivi Pierre, il vaut mieux être pêcheurs de poissons que pêcheurs d’hom­mes ! Comment parviendrons-nous à faire en­ten­dre cette doctrine ? Et comment la mettre en pra­tique, alors que nous sommes prisonniers de nos cro­yances et de nos traditions ? Il faut être bien té­mé­raire pour se battre contre l’ordre du monde !
Céphas, tu devrais plutôt dire « l’ordre des puis­san­ces du monde », car les hommes sont soumis aux es­prits du mal, qui les détournent des fins pour les­quelles ils ont été créés et les entraînent vers la con­voitise et l’argent, l’égoïsme et le pouvoir, la rési­gna­tion et la soumission. Créé pour veiller à l’ordre du monde, l’homme, dominateur de la nature, en est de­venu l’esclave ; né pour l’intelligence de la vie, il se résigne à la mort ; engendré par amour, il vit dans la haine. Cela est vrai aussi des pauvres et des exploités qui, au lieu de se dresser contre leurs oppresseurs, sont résignés, comme des animaux sans intelligence. Par la nouvelle alliance, Dieu nous appelle à re­de­ve­nir l’homme des origines, auquel Il a confié le gou­ver­nement du monde et de la vie. Il invite les boiteux à marcher, les aveugles à voir. Il interdit aux hommes la prostitution afin qu’ils se livrent à l’amour. À cha­cun, Il fixe sa part de res­ponsabilité dans le travail, afin que chacun mange à sa faim. Il ne supporte pas qu’il y ait des hommes libres et des esclaves, des en­fants légitimes et des bâtards, car tous sont Ses fils et Ses filles. Hommes sans intelligence des Écritures com­me de la vie, pourquoi avez-vous perdu la dignité de votre origi­ne ? Pourquoi demeurez-vous soumis aux puissances du mal ? Vous êtes nés pour réaliser l’homme ori­ginel, triomphant des conditions serviles de l’exis­tence.


Le jour déclinait ; déjà quelques étoiles apparais­saient à l’horizon, des colombes voltigeaient encore autour de l’esplanade, comme pour une dernière sa­lu­tation au jour finissant ; la voûte du ciel couvrait la terre d’un voile de soie brodé d’or.
- Voici l’heure de la prière, a dit JJésus. L’univers de­vient Temple, où nous nous réunissons pour louer Dieu avant d’entrer dans le jour du sabbat, l’astre qui éclaire la nuit monte lentement à l’horizon... Avez-vous encore du blé ?
- Oui, quelques épis.
- Jetez-les sur le sol, que les colombes présentent une dernière fois au Créateur le sacrifice de notre cœur. Élevons les yeux vers le ciel et prions :

Notre Père, qui es aux cieux,
nous glorifions Ton nom,
nous appelons Ton règne !
Nous accomplirons Ta volonté sur la ter-

   Nous sommes retournés dans nos maisons, tandis que les colombes avaient repris leur vol, accomplis­sant le rite de notre offrande.




Roman achevé en 2002




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