ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 19 - Le tombeau vide :

On l’a dérobé !



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide
- On l’a dérobé !
- Ne me touche pas
- Ressuscité en esprit
- Le jugement de Maria
- La myrrhephore pénitente

Les semeurs


ebout avant l’aube, je me suis habillée en hâte et suis partie pour le sépulcre avec les fioles de baume. En chemin j’ai pris peur, car il faisait encore nuit ; je me suis mise à courir, comme poursuivie par des fan­tô­mes !
   Parvenue sur place, je me suis demandé si je m’é­tais égarée : la pierre du tombeau que je croyais re­con­naître comme celui de Jésus était ôtée. J’ai re­gardé alentour pour bien me repérer, puis ai examiné la pierre : pas de doute, je me trouvais bien devant le tombeau de Jésus, mais les Juifs en avaient retiré le corps ! Accablée, immobile sur le seuil, je me suis mise à pleurer sans avoir le courage d’y pénétrer. « J’ai été stupide, hier, de prétendre accomplir le rite funèbre coûte que coûte. J’ai mis les responsables du Sanhédrin sur leurs gardes et ils me l’ont interdit de fait, rendant vaine notre démarche auprès du procu­ra­teur pour recueillir le corps ». Je me sentais cou­pa­ble.

   N’apercevant personne, je suis rentrée à la maison avertir les frères. Je me suis rendue directement à la chambre où dormaient Céphas et Jean et les ai ré­veillés : « Levez-vous, venez vite au sépulcre ! On a enlevé Jésus ! » Je suis repartie sans les attendre. Par­venue au tombeau, je suis restée comme la pre­mière fois en pleurs sur le seuil.

   Arrivé avant Céphas, Jean l’a attendu pour le lais­ser pénétrer le premier. Quand ils sont sortis, leur visage n’était plus hagard mais apaisé. J’ai interpellé Jean :
- Avez-vous découvert le corps de Rabboni ?
- Non, mais des signes qui nous autorisent à croire !
- Croire quoi ?
- Viens, Maria, ne pleure plus. Je t’en parlerai à la maison.
- Partez, moi je reste pour garder le sépulcre... De toute façon, j’ai rendez-vous avec Joseph.

   En hâte et presque enjoués, ils sont repartis tandis que je restais là, toujours en pleurs. Intriguée par ce que Jean m’avait dit, je repris courage et pénétrai à l’intérieur du tombeau. Au début, les yeux encore éblouis par la clarté de l’aube, j’avançais à tâtons. Trois ombres se détachaient dans la pénombre de la chambre, trois dalles qui devaient servir à déposer les corps des condamnés.

   Me penchant sur la première, je perçus un parfum subtil, celui dont j’avais oint le corps de Jésus sur la croix. Je ne sais pourquoi, mais je me suis sentie soulagée, comme si ce parfum remplaçait son corps. « Il a été déposé là... Les pieds ici, et la tête là-bas ! Il a passé une grande partie de la nuit seul ; il m’attendait pour l’ultime onction ». Assise à terre, je caressais la dalle comme si elle avait été le corps de Jésus.
   Familiarisée avec la pénombre, je voyais mainte­nant distinctement. L’antre était profond, creusé à mê­me la roche. Sans doute y mettait-on les cadavres des condamnés aussitôt déposés de la croix, avant de les ensevelir selon les prescriptions de la Loi. Le corps de Jésus avait été enlevé avant le temps légal de son ensevelissement, il s’agissait bien d’un vol ! Je cherchais le moindre indice. Dans un coin se trou­vaient des bandelettes roulées, ainsi qu’un suaire plié. Ce ne pouvait être celui qui avait recouvert le visage de Jésus, puisqu’il ne portait aucune trace de sang. Peut-être servirait-il pour le prochain crucifié ? Les Juifs avaient certainement dérobé le corps de Jésus pour que je ne puisse pas accomplir le rite et qu’il ne soit pas enseveli dans le Schéol des pères.


L’angoisse m’a de nouveau saisie. Le rêve que j’avais fait à la suite du conte d’Isis me revenait, songe prémonitoire où j’étais Isis en quête du corps dépecé d’Osiris. Je pensais les Juifs capables d’avoir démembré le corps de Jésus, comme l’avait été celui d’Osiris, afin de mieux le faire disparaître. Affolée, j’ai quitté le sépulcre pour rechercher le corps de mon époux. « Mais où ont-ils bien pu l’abandonner ? L’ont-ils dispersé, comme le semeur répand les grains de blé au creux de la terre ? Qu’ont-ils fait de sa tête ? » J’ai erré aux alentours, fouillant du regard les fentes des rochers, les fossés, les recoins des murailles, les creux des oliviers, toutes les cavités... En vain ! J’étais épuisée, désespérée, mon cœur bat­tait la chamade.

   Puis je me suis rappelée le jour où nous avions échangé nos cœurs : « Pourquoi chercher les restes de son corps, quand son cœur est en moi ? » Je suis donc revenue au sépulcre consolée : je me tourmen­tais moins pour moi que pour le mépris que les Juifs lui avaient manifesté. Agenouillée près de la dalle où il avait été placé, j’ai exhalé ma lamentation, comme une pleureuse à qui on aurait ravi l’époux.

Vous l’avez enlevé
.....lorsqu’il prêchait l’amour
.....En ville et alentour,
..........irradiant la grâce ;
Vous l’avez enlevé :
.....il prêchait le retour
.....Du Seigneur dans sa cour,
..........lors de la Dédicace.

Vous l’avez enlevé
.....par ignoble traîtrise
.....Au signe d’une bise
..........d’un de ses compagnons ;
Vous l’avez enlevé
.....afin qu’il s’épuise
.....Sans aucune remise,
..........sur la croix des larrons.

Pourquoi enlevez-vous
.....à la mort elle-même,
.....Invoquant l’anathème,
..........un mort qui lui est dû ?
Pourquoi refusez-vous
.....de concéder l’extrême
.....Onction comme baptême
..........à un homme pendu ?

Qui me dira le lieu
.....mon époux se cache,
.....M’indiquera sa trace ?
..........Il a mon cœur séduit,
Mon esprit est anxieux
.....et la vigueur me lâche ;
.....Vous vous cachez la face
..........dans ce jour qui luit.




Roman achevé en 2002




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t321975 : 31/10/2020