ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 18 - Le jour de la Pâque :

L’aube



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque
- L’aube
- L’énigme de la mort
- Le chant du Serviteur de
  l’Éternel
- Oint par une femme
- La nouvelle alliance
- Le repas pascal

Le tombeau vide

Les semeurs


ier, je me suis abandonnée au sommeil avec le désir de mourir : j’ai prié Dieu de me délivrer par le som­meil de toute pesanteur, afin de pouvoir entrer dans le tombeau, malgré sa porte close. Je me suis en­dor­mie aussitôt, devenant si légère que j’ai pu traverser la pierre tombale comme un rayon de lumière... Le corps n’était plus là !

   Pensant que Jésus avait pu emporter lui-même sa dépouille pour l’ensevelir dans le Schéol des pères, je suis ressortie aussi facilement que j’étais entrée pour aller à sa recherche, mais la lumière du jour m’a ré­veillée avant que je l’aie trouvé. « Aube, comment pourrais-je voir l’ombre de mon ami mort, si la lu­miè­re du jour resplendit à mes yeux ? Cruelle, tu n’as pas pitié de ceux qui aiment ! Je t’en prie, retourne à ta chambre, baisse le rideau des nuées et que la nuit retombe sur la terre : je veux dormir jusqu’à ce que je retrouve le corps de mon aimé. Je laverai ses bles­sures, l’embaumerai, puis me couche­rai sur lui, mes yeux sur les siens, ma bouche contre la sienne, at­tendant que la mort rejoigne le sommeil. Mais si tu n’as pas pitié, et permets que le jour poin­te, je mar­cherai en aveugle, dans la nuit intérieure qui me désespère. Je ne pourrais pas supporter de voir les fleurs éclore, tant que le tombeau restera scellé ; il me serait trop douloureux de vivre dans le monde des vivants, alors qu’il est dans celui des morts ! »

   Ainsi parlais-je à l’Aurore. Puis, d’un bond, je me suis rendue auprès de Salomé qui dormait encore. « Salomé ! Lui ai-je soufflé à l’oreille, toi qui es enco­re dans le royaume du sommeil, regarde si tu aper­çois le corps de Jésus. Peut-être l’a-t-il abandonné au seuil des sépulcres, espérant que les morts l’accueil­leraient dans leur demeure. Prends les ailes du désir, va chercher les arômes et embaume-le. Je te trans­mets mon esprit, afin que, par toi, mes mains le caressent et que tu lui chantes la lamentation de mon cœur. »

   Je l’ai embrassée, mais dès qu’elle a senti mon bai­ser, elle m’a dit, les yeux toujours clos : « Pourquoi cherchons-nous dans le sommeil celui qui tient notre cœur en veille d’amour ? Il est en chemin à la ren­contre de notre père, et inaugure la nouvelle Pâque. Il nous enverra un signe, quand il approchera de la maison avant de nous quitter à jamais. »

   À son tour, elle m’a embrassée. Ses paroles étaient douces à mes oreilles comme le chant du rossignol, son baiser comme la rosée sur ma bouche. Salomé m’avait réconciliée avec l’aube qui m’annonçait cette bonne nouvelle. « N’est-ce pas l’aube du jour de la Pâque ? Peut-être allons-nous enfin comprendre le sens de notre parabole ? »


Je me rendais au jardin avec mon amie, quand un messager s’est approché, portant une lettre. De qui pouvait-elle être ? J’ai cru un instant à une lettre de Jésus avant son exécution, m’exprimant ses dernières volontés. J’ai pris le pli, qui m’était adressé :



À Maria de Magdala,
épouse de Jésus de Nazareth       


Chère Maria,


   Il y a quelques mois, quand je t’ai rencontrée dans ton jardin de Magdala, je n’aurais pas ima­giné que le judaïsme étoufferait si vite dans le sang la mission d’amour de ton Maître ! Venu à Jérusa­lem pour la Pâque, j’ai assisté à une partie du drame.

   Je ne connaissais Jésus qu’au travers de tes propos, maintenant j’ai compris qu’il a été fidèle à la prédication d’amour d’Osée, jusqu’à le payer de son propre sang. Je ne doute plus que tu sois cette Ruchama par laquelle Israël a répondu à l’amour de Dieu : Dieu a accompli en toi ce que signifie ton nom pour toutes les nations, l’aimée !

   Redoutant que des sectaires ne volent le corps de Jésus, te contraignant à subir les peines d’Isis, j’ai appuyé, grâce à l’autorité de notre communauté d’Alexandrie, la demande de restitution que Simon avait déjà présentée au procurateur. Nous avons re­çu une réponse positive : demain, à l’aube, tu pour­ras aller au sépulcre embaumer le corps et nous le transporterons dans son nouveau tombeau. Enfin, et tu en éprouveras une grande joie, l’autorisation t’est accordée de garder Jésus dans ton jardin.

   Je suis solidaire de ta souffrance : comme Juif de la diaspora, j’étais désolé de constater que le mes­sage d’amour d’Osée était resté sans suite, et que la parabole de son mariage n’avait pas trouvé son accomplissement. Je supportais mal que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob soit confiné aux étroites limites de la justice alors que, chez les Gen­tils, Zeus lui-même s’est converti à l’homme, com­me l’indique le mythe de Prométhée. L’accom­plis­sement de la parabole par ton mariage nous donne un motif d’espérer que l’alliance promise par Osée se réalise enfin. Nous pouvons croire à pré­sent que le ciel exauce la terre, comme sur celle-ci l’huile exauce l’olivier, l’épi le blé et le vin la vi­gne... Et l’homme exauce le désir de la femme !

   Je passerai chez toi aujourd’hui, avant de partir.


Joseph    





   Je lisais et relisais cette lettre à haute voix, pour que Salomé s’en imprègne.
- J’avais souhaité rencontrer de nouveau Joseph en Égypte, mais je n’avais plus pensé à lui depuis que j’ai manqué tragiquement mon départ ; il vient à moi, aujourd’hui, portant en lui ces nations que je pensais représenter par mon nom de « Maria » : cette coïnci­dence est explicite.
- Après tout ce qui s’est passé, tu continues à croire à la réalisation de la parabole au cours de notre vie ?
- D’autant plus que la lettre de Joseph y fait allusion ! Maintenant, je sais sans l’ombre d’un doute que, plus mon amour pour Jésus s’affirmait, plus il devenait la parabole de l’amour de Dieu.
- Pour Osée, il en a été de même.
- Oui, et pour tous : toi et moi, toi et Jean, Joseph et moi... Dieu ne peut habiter que dans le cœur des hommes, siège de l’amour. J’ai perçu l’irruption de l’aube sur la terre... L’aube de la nouvelle Pâque.




Roman achevé en 2002




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t321869 : 27/10/2020