ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisChronique de Marie-MadeleineRoman |
Au puits d’Agar |
Présentation Texte intégral : La rencontre d’amour - Au puits d’Agar - Martha, ma soeur - L’ombre de ma mère - L’onction de l’époux - Au jardin - Ammi et Ruchama - Pierre et Jean - Nuit Les disciples du Royaume Le banquet des noces Itinéraire d’un bâtard Le défi La fugue Sur le pont du bateau Chemins d’amour Dalmanutha Transfiguration et insurrection La Dédicace Correspondances Béthanie Gethsémani Le procès Golgotha L’enterrement Le jour de la Pâque Le tombeau vide Les semeurs |
e matin, très tôt, je suis allée puiser de l’eau au puits d’Agar ; les buissons étaient couverts d’une fine couche de givre et le figuier paraissait ensommeillé, avec ses feuilles recroquevillées. J’ai laissé courir la corde jusqu’au fond. J’avais à peine rempli ma cruche, qu’un homme s’est approché, la barbe grisonnante et le regard sombre. Il semblait venir de loin, car il traînait les pieds ; une ceinture de cuir, où pendait une gourde vide, ceignait ses flancs. - Jeune fille, peux-tu me donner à boire ? Il s’est courbé, j’ai incliné la cruche. Alors, j’ai pu voir que ses yeux noirs brillaient et cherchaient à me fixer dans le scintillement des gouttelettes. Je me sentais rassurée, mais comme dans un rêve. - L’eau est très fraîche et pure, a-t-il dit en s’essuyant la bouche d’un revers de sa main calleuse, aux longs doigts effilés, comment s’appelle ce puits ? Un frémissement m’a traversée. Heureuse que son nom soit aussi égyptien, je lui ai déclaré : « Peut-être nous sommes-nous rencontrés en Égypte, quand tu étais Isa et moi Maria. » J’ai fermé les yeux, cherchant à retrouver en Égypte ce temps dont j’avais perdu la mémoire, où j’étais Maria et lui Isa. Puis je me suis assise sur la margelle, à côté de la cruche. Jésus s’était appuyé au tronc du figuier. Des rayons de soleil perçaient l’ombre du feuillage et flottaient sur lui. Par coquetterie, j’ai ôté mon voile et libéré mes cheveux, qui ondoyaient sur mes épaules. - Nous trouver ensemble, près de ce puits, doit avoir un sens, s’il est vrai que nous nous sommes rencontrés ailleurs, ne serait-ce qu’à travers notre nom. Je me suis sentie faiblir et me suis appuyée à la cruche. Une fois remise, je lui ai dit : « je suis captive de la parabole, et la rencontre de Jacob et de Rachel se renouvelle en nous ; c’est extraordinaire !»
Sortant de l’ombre du figuier, Jésus s’est dressé face au soleil, comme pour se plonger dans sa lumière. Il s’est penché sur le puits et, tout en regardant, m’a demandé : - J’ai souvent été intrigué par le jeu des images. Une image est un double de nous-même et des choses ; elle s’en détache et va là où nous ne pourrions aller, puis elle revient dans le puits, jusque dans nos yeux. - Oui, grâce à elle nous quittons notre solitude et découvrons les choses les plus lointaines, pour nous réjouir en elles. - Mais les choses ne seraient-elles pas, elles-mêmes, images d’autres choses ? - De quoi ? - De Dieu, Maria. Quand Dieu a créé le monde, après l’avoir contemplé, Il le trouva beau et parfait. Le monde a été créé selon la perfection de l’Être divin, Dieu s’est vu lui-même dans cette contemplation. Dieu a fait l’être humain masculin et féminin, Il l’a regardé et son image s’est projetée dans les deux individualités. Alors, l’homme et la femme ont été saisis du profond désir de s’unir. - Veux-tu dire qu’au moment où l’homme et la femme se découvrent, l’image de Dieu se recompose en eux, les invitant à réaliser l’œuvre de la création ? - Ils connaissent la joie de la béatitude originelle, qui devient comme une source d’eau vive qui sourd du cœur et s’épanche des yeux. - Je n’ai jamais pleuré ainsi, lui ai-je répondu en me remémorant les rencontres amoureuses de ma vie. Aucune ne m’avait jamais permis d’accomplir le désir de mon être, comme le reflet de l’image divine.
Des femmes, la cruche sur la tête, s’approchaient du puits en chantant. |
t320101 : 11/05/2013