ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
Ennio FlorisChronique de Marie-MadeleineRoman |
L’onction de l’époux |
Présentation Texte intégral : La rencontre d’amour - Au puits d’Agar - Martha, ma soeur - L’ombre de ma mère - L’onction de l’époux - Au jardin - Ammi et Ruchama - Pierre et Jean - Nuit Les disciples du Royaume Le banquet des noces Itinéraire d’un bâtard Le défi La fugue Sur le pont du bateau Chemins d’amour Dalmanutha Transfiguration et insurrection La Dédicace Correspondances Béthanie Gethsémani Le procès Golgotha L’enterrement Le jour de la Pâque Le tombeau vide Les semeurs |
on père avait raison de me dire que j’avais un penchant pour la prostitution : il savait bien que j’étais le fruit d’un amour illégitime. Mais l’ombre de ma mère est apparue pour me protéger et faire disparaître tous ceux qui voulaient abuser de moi. Je m’égare ! Pourquoi les esprits des parents chercheraient-ils à se venger par leurs enfants des injustices et des vexations subies dans leur existence ? Je m’étonne de vivre toujours à l’ombre de ma mère, son image me protège comme l’aile de la tourterelle couvre ses oisillons au nid. Si ma mère savait combien je désire la voir m’apparaître ! Un cauchemar m’est venu à l’esprit. En faisant disparaître ceux qui tentent de m’assujettir, l’image de ma mère me détruit ; sa présence fantomatique m’empêche d’aimer. Ce n’est pas moi que recherchent ceux qui m’approchent, mais leur fille ou leur mère ! Je me suis remise à pleurer.
Je me suis rendue chez Martha. En me voyant, elle s’est écriée : Nous nous sommes embrassées, et aussitôt après les pleurs nous avons ri. Se penchant à mon oreille, Martha m’a dit :
Le souci de me préparer à cette rencontre était tel que la dépression du matin avait fait place à une tension fébrile, où la soif de vengeance s’associait au désir d’amour. J’allais d’une chambre à l’autre, à la recherche d’un objet qui s’avérait inutile par la suite. Je m’attardais devant le grand miroir de bronze poli pour ajuster ma coiffure ou retoucher mon rouge à lèvres, car je voulais être belle. Cette agitation m’ayant mise en nage, j’ai pris un bain chaud, m’enduisant d’huile d’amandes, massant mes joues avec de la crème, rehaussant l’arc de mes sourcils. Dans mon coffre, j’ai choisi une tunique blanche et une ceinture dorée. « Et sur ma tête ? Bien sûr ! Le diadème de Simon. » Je suis arrivée chez Simon alors que le repas était déjà commencé. Les serviteurs qui attendaient à la porte se sont empressés de m’introduire dans la salle. Les convives, allongés autour d’une longue table, piquaient de la viande dans un grand plat et buvaient dans leurs coupes. Aux deux extrémités de la table, Jésus et Simon se faisaient face. Je me suis installée au milieu, ignorant la place libre à côté de Simon, qui m’avait accueillie d’un clin d’œil. Je me suis tournée vers Jésus, surprise que son regard évite le mien comme s’il ne m’avait pas vue. J’étais métamorphosée en vierge de marbre par un tour de sorcellerie ; seul mon regard brillait d’une lueur spectrale. J’ai regardé Simon, mais lui aussi gardait les paupières baissées. Dans mon émoi, le diadème a glissé de mon front et mes cheveux se sont défaits : je me suis sentie libérée. J’ai couru vers Jésus, m’agenouillant devant lui, en larmes. Puis, apaisée, j’ai essuyé ses pieds de mes cheveux et, brisant le vase d’albâtre, je les ai oints de baume. Le parfum m’enivrait. J’ai bondi sur le coussin où Jésus avait posé la tête et j’ai répandu le baume sur ses cheveux. Mes larmes coulaient comme des gouttes d’eau sur des feuilles d’acanthe ; mes mains ruisselaient de myrrhe. Enfin, prise de langueur, je me suis abandonnée sur sa poitrine, les yeux clos. J’entendais les lits craquer, les gens ricaner, des murmures confus d’étonnement, des exclamations indignées, des vociférations scandalisées, méprisantes :
Simon, s’efforçant de rester maître de lui, a demandé, sur un ton détaché : « Maître, veux-tu être libéré de cette importune qui compromet ta dignité et offense ton honneur ? » Puis il s’est tourné vers moi, m’a pris la tête dans sa main droite et m’a embrassée sur la bouche. Un grand silence a envahi la salle, les serviteurs ont même suspendu leur office, le temps a paru s’arrêter. Jésus, se redressant sur son lit, a poursuivi : « Aujourd’hui, la parole du prophète est accomplie dans ta maison : "la femme recherche l’homme". Grâce à l’amour de cette femme, les filles d’Israël renonceront à leur désir de séduction et à leur penchant à la prostitution, pour se convertir à l’amour. Cette conversion, Dieu l’attendait depuis le message d’Osée. En vérité, en vérité je te le dis, Osée a pris pour épouse Gomer, la femme prostituée, en signe de l’amour de Dieu pour son peuple infidèle ; moi, je prends cette femme pour épouse, en signe de l’amour de Dieu envers un peuple à nouveau infidèle. » Puis, se levant du divan, il m’a pris la main : « Le royaume de Dieu est semblable à la femme qui se donne à l’homme qu’elle a oint du parfum de son amour. Va, Maria, demain je serai chez toi. » En sortant, j’ai entendu des gens courir chez Simon. « Seigneur, me suis-je demandée, que lui est-il arrivé ? » LA PREMIÈRE ONCTION DE MARIA
Pourquoi ne m’as-tu pas regardée |
t320104 : 06/04/2020