ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 1 - La rencontre d’amour :

Au jardin



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour
- Au puits d’Agar
- Martha, ma soeur
- L’ombre de ma mère
- L’onction de l’époux
- Au jardin
- Ammi et Ruchama
- Pierre et Jean
- Nuit

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


artha et moi, nous sommes réveillées très tôt, ce ma­tin, pour vaquer aux soins du ménage et préparer la réception. J’étais très agitée, obnubilée par mes sen­ti­ments et indifférente aux soucis du moment. Martha l’a bien vu : « Écoute, chérie, arrête de tour­ner en rond ! Va plutôt au jardin nettoyer les allées et cueillir des fleurs pour garnir la table. Là, tu seras plus à l’ai­se ; tu retrouveras les couleurs, les parfums, les es­pa­ces lumineux ou les coins ombragés que ton cœur recherche. Tu es si exubérante, aujourd’hui, que la mai­son est trop petite pour toi ! »

   Martha avait raison. Il faisait très beau. Déjà les feuillages se jouaient des rayons du soleil sur le par­terre ombragé ; les recoins fleuris m’invitaient de leur parfum. Sur le mur j’ai élagué les branches de jas­min, ôtant fleurs et feuilles mortes ; j’ai ramassé et net­toyé la touffe de glycines en fleurs. L’envie me prit de parsemer de pétales de roses l’allée qui mène du portail à la porte d’entrée. « Ce sera un beau ta­pis, sur lequel il pourra marcher comme sur un sen­tier d’amour. » J’ai cueilli des roses dans un panier et, à reculons depuis le portail, j’ai lancé à la volée les pétales, comme pour une fête.


Quand Jésus a frappé, Martha venait de déposer sous le sycomore un plateau garni de figues, de dat­tes et de raisins. Elle s’est mise à courir devant moi, car je m’attardais devant le miroir pour retoucher mes cheveux ; mais elle n’a pas osé ouvrir la porte, préférant m’attendre. J’ai tiré la barre. Jésus m’est apparu moins fatigué et plus détendu que la première fois, au puits d’Agar. Mais ses vêtements étaient né­gligés et aucune femme n’avait soigné sa chevelure, cela m’a rassurée.
- Bonjour, Maria, m’a-t-il dit sur le pas de la porte.
- Entre donc, Jésus, qu’attends-tu ?
- Comment marcher sur un tapis de roses, si tu ne m’as d’abord lavé les pieds ? a-t-il répliqué avec hu­mour.
- Mon amour ! Ai-je crié, me jetant à ses pieds. Il m’a relevée et embrassée, puis s’est adressé à ma sœur : " LMartha, c’est un grand plaisir de te revoir.
- Quand m’as-tu vue, Maître ?
- Près d’une source, sans doute. Mais tu étais si pres­sée de rentrer chez toi que tu semblais fuir comme une ombre.
- Voilà qu’aujourd’hui tu me rattrapes, Maître ! Tu trouveras du repos à l’ombre de nos arbres, " a répli­qué ma sœur en se prosternant.

   Nous nous sommes approchés du sycomore, fou­lant le tapis de roses. Dès que nous fûmes arrivés, Mar­tha s’est excusée :
- Permettez-moi de vous quitter, j’ai encore beau­coup à faire. Je te confie la tâche la plus douce, Ma­ria... Vous trouverez sur le plateau de quoi éloigner toute amertume.
- Ne veux-tu pas aussi te rafraîchir avec nous ?
- Maître, ma douceur est de vous servir.

   Jésus a pris alors sur le plateau quelques grains de raisin et les lui a offerts avant qu’elle ne s’éloigne. Sai­sie moi-même par la gourmandise, j’ai pris du rai­sin que j’ai tendu à Jésus.
- Pardonne-moi ma folie d’hier soir !
- Tu as reçu une grande grâce, pour cette folie. La femme de Loth n’a pas obtenu pareille miséricorde, car elle est restée à jamais figée dans une statue de sel.
- Qui était-ce ?
- Ne connais-tu pas cette histoire, racontée au livre de la Genèse ? Loth était un parent d’Abraham. Avant la destruction de Sodome et de Gomorrhe, l’an­ge de Dieu lui apparut, l’invitant à fuir avec sa femme et ses enfants, sans rien emporter ni se re­tourner pour ne pas périr. Loth, avec femme et en­fants, s’enfuit alors que la ville était en flammes. Mais sa femme, saisie par la curiosité, se retourna et fut changée en statue de sel.
- Pourquoi de sel ?
- Peut-être, dit Jésus avec un sourire, parce qu’elle avait pleuré en se pétrifiant ! Tu sais bien que les lar­mes sont salées comme l’eau de la mer.
- Alors, je ne suis pas la seule à avoir subi cette épreuve ?
- Tu n’es pas la première et tu ne seras pas la der­nière, Maria. La femme de Loth est la parabole de tous ceux qui regardent en arrière, au lieu d’avancer d’un pas ferme dans leur existence.
- Cette parabole m’aide à mieux comprendre ce que j’ai vécu à ce moment-là. Il ne m’a pas été facile de participer au repas d’hier ; j’étais tiraillée entre Simon et toi, entre le luxe et l’amour... et j’ai fait le choix décisif. Mais lorsque je me suis trouvée à mi-chemin entre vous, je ne me suis tournée vers Simon qu’un bref instant.
- Oui, j’en suis sûr, mais c’est subitement que Dieu nous a tirés du néant. L’instant où on reçoit la vie et celui où elle nous quitte recouvrent toute l’étendue de l’être et du non-être.
- C’est vrai : aussitôt, j’ai entrevu la vie à laquelle je devais renoncer, la richesse, les bijoux, les fêtes, la danse. Mais pourquoi ne m’as-tu pas fait un signe, où j’aurais compris que tu m’offrais ta présence ?
- Tu devais choisir seule, Maria ; seule, tu pouvais vivre ou mourir.
- Mais alors, qui m’a sauvée ?
- L’amour ! Assoiffée, tu as creusé le sol aride jus­qu’à la source, et tu as reçu la grâce en répandant tes larmes.
- Et je n’ai pas été transformée en statue de sel com­me la femme de Loth !


Je me suis réfugiée dans ses bras. Il a essuyé mes lar­mes et m’a dit : « Elles sont encore amères », puis il a ri. J’aurais voulu demeurer longtemps ainsi, mais la porte s’est ouverte : Martha était suivie d’un hom­me de taille moyenne, d’aspect débonnaire, cheveux frisés et pieds nus, qui marchait en se dandinant et tenait un poisson à la main.
- Maître, a dit Martha, un de tes disciples nous ap­porte un cadeau. Aussitôt, celui-ci s’est jeté au cou de Jésus.
Pierre, je ne t’attendais pas avant dîner. Qu’y a-t-il de nouveau ?
- Rien, Maître. J’étais au petit port, et j’ai eu envie de pêcher. J’ai pris cette belle carpe que tu auras plai­sir à déguster.
Céphas, Céphas ! Toi aussi tu regardes en arrière ? N’es-tu pas devenu désormais un pêcheur d’hom­mes ?
- Oui, Maître, mais ce nouveau métier est ardu ; les hommes ne se laissent pas prendre aussi facilement que des poissons. Puis, se tournant vers moi :
- Es-tu la compagne de notre Maître ?
- Oui.
- Me permets-tu de l’embrasser ? A-t-il demandé à Jésus.
- Bien sûr, elle est ta sœur désormais.

   Donnant le poisson à Martha, il m’embrassa, puis il nous présenta la carpe en déclarant : « Les eaux vous offrent ce poisson pour votre bonheur ».




Roman achevé en 2002




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t320105 : 06/04/2020