ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 1 - La rencontre d’amour :

Nuit



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour
- Au puits d’Agar
- Martha, ma soeur
- L’ombre de ma mère
- L’onction de l’époux
- Au jardin
- Ammi et Ruchama
- Pierre et Jean
- Nuit

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


près le repas nous nous sommes séparés, nous sou­haitant une bonne nuit. J’ai mené Jésus à ma cham­bre, spacieuse et ouverte sur une terrasse agrémentée de plantes odoriférantes. Un citronnier, que j’aimais beaucoup, était chargé de fruits ensoleillés et aromati­sés. Mon lit, large et confortable, avait des matelas de soie et des oreillers de plumes. Un voilage blanc brodé descendait du plafond, formant une coupole. Aussitôt entrée, j’ai soulevé le rideau à la tête du lit et me suis assise.
- Ton lit est paré pour une nuit de noces, a dit Jésus.
- Ne te plaît-il pas ?
- Pourrais-je ne pas aimer ce que tu aimes ? Mais pour se reposer, doit-on s’enfermer dans une cage do­rée, comme des oiseaux captifs ? Ne préférerais-tu pas dormir sur la terrasse ?
- Cette nuit ne ressemblera à aucune autre !
- Oui, ce sera notre nuit d’amour. Aimer serait-il si blâmable qu’on devrait se cacher pour ne pas dés­honorer la lune et les étoiles ?
- J’aurais honte de faire l’amour à ciel ouvert. Com­prends ma pudeur, qui est le lot des femmes; depuis qu’Adam et Ève ont été chassés du Paradis, la cou­tume veut qu’hommes et femmes fassent l’amour dans la pénombre d’une chambre. Je rougirais si je devais découvrir ma nudité.
- Si tu rougis, c’est que tu as honte de commettre un péché, ou du moins de te souvenir d’un péché com­mis.
- Peut-être le péché d’Ève, refoulé dans ma con­scien­ce de femme, refait-il surface ?
- Serait-ce le péché qu’Ève a commis en invitant Adam à faire l’amour tout nus ? Mais peut-on faire l’amour autrement ? Serait-il lui-même un péché, si Dieu en a fait le premier commandement ? Non, Ma­ria, l’homme éprouve cette honte à cause du déclin de sa pureté originelle.
- À leur origine, l’homme et la femme étaient-ils purs ?
- Par notre amour, nous ne faisons qu’accomplir l’œuvre de Dieu, qui réalise l’unité de l’être masculin et féminin ; alors pourquoi rougir, quand Dieu lui-même a vu notre nudité pour s’en réjouir ? Il a ou­vert nos yeux, Il s’est reflété en eux ; Il a vu qu’ils étaient beaux. Il a contemplé les seins de la femme s’épanouissant comme des grenades ; Il a vu qu’ils étaient désirables. Il a formé leur sexe, et Il a vu qu’il était pur comme une source. Nous renouvelons l’acte de création de Dieu, nous accueillons de nouveau son souffle quand nos bouches s’unissent dans un baiser. Maria, nous ne devons pas rougir de faire sur la terrasse ce que nous jugeons bon et sain d’accomplir dans le secret.


J’ai senti un souffle frôler ma peau et une douce chaleur m’envahir. Mes vêtements, mes bandes bro­dées et mes dentelles m’empêchaient de respirer. Je me suis dévêtue. Immobile devant moi, Jésus me con­templait longuement, passionnément.
- Pourquoi ne te déshabilles-tu pas aussi ? À ton tour de rougir de ta nudité sous les étoiles !
- C’est la première fois que je découvre une femme entièrement dévêtue ! Tu es très belle... On croirait voir les beautés cachées du ciel se refléter sur ton corps et briller dans tes yeux ; couler le lait et le miel sur la terre promise, foisonner les lis dans les champs, briller d’argent les ondes du lac.


Il s’est alors déshabillé. À cette vue, j’ai ressenti une violente émotion, puis j’ai éprouvé le désir de revenir à la source de mon existence. Nous nous sommes enlacés sur la terrasse et nous sommes allongés sur la natte. La lune éclairait nos corps.
- Regarde, lui ai-je dit en élevant les bras, je saisis la lune, qui illumine l’œuvre que Dieu accomplit en nos corps. Sa bouche s’est ouverte à mes baisers.
- Ta bouche est exquise, Jésus.
- Ton baiser est pur, Maria ; tes seins sont lisses com­me les dunes du désert.

   Nous nous sommes aimés. Le rouge de la honte avait disparu de mon visage, chassé par le feu de l’amour. Dans notre étreinte, ses bras faisaient un avec les miens, comme si je me serrais contre moi-même. Les battements de nos cœurs s’accordaient, je vivais en lui et lui en moi. Un souffle nouveau nous habitait ; détendus, nous goûtions enfin la dou­ceur du repos, nos corps s’offraient à Dieu pour qu’il vienne Lui-même s’y détendre.
- Que doit penser Osée de notre amour, lui qui a pro­phétisé notre mariage ? Ai-je murmuré.
- Sans doute s’en réjouit-il, puisqu’il aperçoit l’aube de l’accomplissement de l’oracle dont son amour était la parabole.
- Sa joie doit être parfaite : les enfants que nous en­gendrerons ne seront pas des fils de prostitution.
- Notre union est moins la parabole de la génération que celle de la plénitude de l’amour.
- Et nos enfants, alors ?
- Nous en aurons lorsque notre mariage se réalisera pleinement. L’important aujourd’hui n’est pas d’a­voir des enfants, mais de nous aimer d’un amour par­fait, unique, gratuit, jusqu’à la mort, pour té­moi­gner de la nouvelle relation d’amour entre l’homme et la femme, de la nouvelle alliance entre Dieu et les hommes. Nous sommes aujourd’hui partenaires uni­ques, l’« enfant » de notre parabole.
- Oui, Jésus, c’est un amour jusqu’à la mort... Jus­qu’à ta mort comme père et la mienne comme mè­re...
- Afin que Dieu se manifeste comme père dans l’amour, au-delà de la génération, et que nous deve­nions fils dans l’amour... fils de Dieu selon le message d’Osée. Ainsi naîtront les hommes, dans le « surhumain ».



LE PREMIER AMOUR

Nous retournons, Seigneur,
au temps des origines,
quand Tu nous as formés
de la glaise du sol.
Nous revenons à Toi
pour que Tu nous façonnes
en une seule chair,
à Ton image.

Approche-toi, ô lune,
de ta lueur de lampe,
pour éclairer la voie
au Dieu qui vient.
Découvre-lui nos corps
qui s’entrelacent nus,
hantés par le désir.
Déjà le berceau s’ouvre
au surhomme qui naît.
Déjà l’âme s’égare
en rêvant le retour
à l’Esprit créateur.

Tu passes sur nos chairs
de ta main de potier ;
Tu creuses et Tu remplis,
Tu dessines des courbes
Tu arrondis, polis,
Tu lisses et Tu caresses.
Oh ! Le jeu de Tes doigts
qui frôlent notre peau
et flattent notre chair.

Mon sang court, ô Ruchama,
derrière ton cœur qui bat,
et ma sueur s’assèche
au velours de tes mains.
Ma bouche, Ammi, est lasse
du feu de tes baisers :
elle est déjà amère
en te donnant du miel.

Avant que Tu n’insuffles, Sei-
[gneur, 
Ton souffle dans nos bouches
liées par un baiser,
va au jardin du lac
aspirer le parfum des lis,
l’haleine du jasmin.
Va vite à Nazareth,
où se froissent les vents,
embaument les cyprès.

Où sommes-nous, Ammi ?
Au temps des temps, Ruchama
Quand la lumière a quitté les
[ténèbres,    
le jour s’est détaché de la nuit,
la terre a émergé des eaux.
Que vois-tu, Ruchama ?
Je vois, Ammi, la terre se cou-
[vrir 
d’herbes et de plantes, d’arbres et de fruits ;
je vois des animaux courir au



Roman achevé en 2002




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t320108 : 06/04/2020