ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 6 - La fugue :

Simon lépreux



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue
- Les malheureux
- La fuite
- Simon lépreux

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


ous avons pris le chemin de Capharnaüm. À l’entrée d’un petit hameau, un lépreux est venu à notre ren­con­tre. J’en ai été surprise, car la Loi et les cou­tumes leur interdisent d’approcher les gens sains. Quand il fut près de Jésus, il lui dit : « Jésus de Na­zareth, si tu le veux tu peux me rendre pur. » Mais Jésus lui ré­pon­dit :
- Ce n’est pas à moi de le dire. Va chez le sacrifi­ca­teur, lui seul a autorité pour le déclarer.
- Non, Maître, toi seul peux me rassurer, car je n’ai confiance qu’en ta puissance.

   Disant cela, il toucha JJésus. Mesurait-il les consé­quences de cet acte insensé ? Fort irrité, Jésus le re­pous­sa. Lui, tout joyeux, se précipita vers des gens qui passaient à proximité : « Je suis pur ! Je suis pur ! J’ai touché Jésus ! »

   Il n’était plus sombre et abattu, mais fier, sûr de lui et débordant d’entrain. Je l’ai alors reconnu !
- Mon Dieu, mon Dieu, qu’allons-nous devenir ?
- As-tu reconnu cet homme ?
- Oui : c’est Simon. Le mal a dû l’atteindre à la fin du banquet, t’en souviens-tu ? Il s’était senti si mal que les serviteurs avaient dû le transporter sur une litière.
- Peut-être Dieu a-t-il permis qu’il soit frappé de la lèpre, non pour le condamner mais pour le sauver. Puis Jésus s’adressa à Céphas et Jean : Retournez seuls à Capharnaüm, je ne pourrai pas y pénétrer puis­que j’ai été touché par un homme officiellement déclaré lépreux. Je porterai cette tare jusqu’à la fin de la quarantaine. Nos adversaires auraient un trop bon motif pour nous aliéner le peuple. Je les entends d’ici : « Jésus de Nazareth, ce guérisseur de possédés et de lépreux, est frappé par la lèpre » !


Céphas et Jean partis, Jésus et moi avons repris la route, et nous nous sommes rendus dans la campa­gne où nous avions déjà séjourné.
- Si c’est Simon, je comprends pourquoi il m’a tou­ché.
- Pourquoi, Rabboni ?
Simon a péché envers moi, comme Marie envers Moïse, son frère. Te rappelles-tu qu’elle avait mis en doute son prophétisme, à la suite de son divorce et de son remariage avec une Égyptienne ? De même Si­mon a été scandalisé que j’aime une prostituée. Sans doute avait-il cette pensée quand il a découvert, à la fin du banquet, que la lèpre l’avait frappé.
A-t-il voulu que tu deviennes lépreux, toi aussi ?
- Non, il devait se dire que, puisque j’étais vraiment un prophète, je n’en serais pas affecté.
- Es-tu certain de ne pas être contaminé ?
- Non, Maria. Dieu veut sa guérison, mais ce mal aura été une épreuve pour lui.
- S’il en est ainsi, je veux partager la responsabilité de cette épreuve, car je suis fautive, moi aussi.
- Tu es si conséquente dans ton amour que tu met­trais Dieu Lui-même dans l’embarras !
- Je Lui rendrais Sa liberté, Rabboni !

   J’ai pris la main que Simon avait touchée, et l’ai portée à mes lèvres.
- Vois, à présent la lèpre peut revenir à son lieu d’ori­gine... Et Simon pourra être guéri.
- Mais nous deviendrons peut-être lépreux tous les deux !
- Je ne supporterais pas de rester en bonne santé si tu étais lépreux.

   Jésus a pris mon visage dans ses mains et l’a exa­miné attentivement : « Tu as une tache rouge sur les lèvres. Est-ce l’amour, ou la lèpre ? » Et il m’a em­brassée.


Nous avons ramassé des feuilles sèches pour en faire une couche et nous sommes étendus. Jésus s’est en­dormi de suite, moi je n’y parvenais pas. Cette tache rouge m’obsédait : « Assurément, Jésus a été au con­tact de la lèpre, mais il n’en a pas été atteint, car c’est un être pur. Mais moi ? À cause de mon im­pu­re­té, il a été méprisé et traité de pécheur. Par ma faute, per­sonne n’a voulu croire à son prophétisme. Ce n’est pas par hasard que mon nom est Maria, comme celui de la sœur de Moïse... Ah Simon, Simon, tu as cher­ché à te venger de moi, n’est-ce pas ? Tu te disais que si Jésus m’embrassait, il me transmettrait ta lè­pre ! Je comprends maintenant ta ma­lice à poser ta main sur lui. Tu m’as rendu le mé­pris que j’avais eu pour toi. Tu as détruit mon amour ! »


Sans répit, je me retournais sur ma couche, cachant de ma main la tache de mes lèvres. Enfin, je me suis endormie et j’ai rêvé. Je me trouvais avec Jésus dans une oliveraie, près d’une source dont j’entendais le ruissellement. Vêtue seulement d’un long voile blanc, je lui disais : « Je vais me baigner ». L’eau jaillissait d’un rocher et, en s’écoulant vers le ruisseau, s’éta­lait en une large flaque, réfléchissante comme un mi­roir. Je m’y contemplais : mon visage semblait fan­to­mati­que, le contour de mes yeux était incertain, mon teint mat, une tache rouge se diffusait sous une peau jaunâtre. J’ôtais le voile pour examiner mon corps, qui était couvert de taches blanches comme neige. Effrayée, je me précipitai vers Jésus en criant : « Jésus, Jésus, je suis lépreuse ! » Dans ce cri je me suis réveillée ; Jésus m’avait entendue, il s’est levé et, s’approchant de moi :
- Qu’as-tu, Maria ?
- Rabboni, regarde-moi ! Je suis impure !

   Prenant ma tête dans ses mains, il s’est penché sur moi : « La tache est encore là, mais elle a pâli. Tu es toujours pure, Maria !» 

   J’ai bondi de joie, j’étais enfin délivrée de mon cauchemar.


Peu de temps après, Pierre et Jean nous apportèrent du pain, du lait et du miel. Céphas nous raconta que Simon, aussitôt entré en ville, accostait les passants en leur disant : « Je suis pur, car j’ai touché Jésus ! »

   Mais la peur les éloignait tous de lui. On lui con­seillait : « Si tu es vraiment guéri, tu dois aller chez le sacrificateur, pour qu’il déclare que tu es pur. »

   Après qu’il eut accepté, on le conduisit chez le sacrificateur, qui fut ravi en le voyant : il ne croyait pas à sa guérison et espérait exploiter ce cas contre Jésus. Toutefois, il devait respecter les formes. Il examina attentivement la main de Simon et constata que la plaie ne s’était pas approfondie et qu’elle n’était pas entourée de poils blancs, mais au contraire qu’elle avait pâli en restant circonscrite. Il fut bien obligé de lui déclarer : « Je te déclare pur. Va, tu es guéri. »

   Simon fit un nouveau tour de la ville, annonçant partout : « Le sacrificateur m’a déclaré pur ! Jésus de Nazareth m’a guéri ! »

   À la suite du récit de Pierre, Jésus décida de ren­trer en ville. La foule se pressait autour de lui, mais Simon, se frayant un passage de force, le rejoignit. Il se prosterna à ses pieds : « J’ai péché contre toi, mais Dieu m’a guéri quand je t’ai touché ». Puis, se tour­nant vers moi : « Maria, tu es pure, sinon la lèpre aurait recouvert ta peau. »

   Je le relevai et l’embrassai sur le front : « Simon, mon frère ! »


Avec peine, nous sommes parvenus à nous dégager de la foule. J’étais folle de joie : j’avais compris que ces derniers événements étaient la parabole de la dé­livrance du mal qui rongeait mon cœur. Comme une tache de lèpre sur ma peau, la honte de mon an­cien­ne vie avait resurgi. À présent, j’en étais défi­niti­ve­ment lavée. Sur un pas de danse, je composai un chant d’amour qui exprimait mon affection in­défectible à celui à qui mon cœur s’était donné.



......JE SUIS À TOI
...Ballade, sur un thème
du Cantique des Cantiques

Je suis à toi
car tu m’as prise pour épouse
sans me rendre jalouse.
Je suis à toi
car tu m’as faite très amoureuse
et me rends heureuse.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
par les délices de ta couche,
la douceur de ta bouche.
Je suis à toi
par les caresses de tes mains,
la vigueur de tes reins.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
quand je te fixe dans les yeux
ou frise tes cheveux.
Je suis à toi
quand je t’étreins dans le bateau
ou quand je lisse ta peau.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
toutes les fois que tu t’éloignes
ou que tu m’accompagnes.
Je suis à toi
lorsque tu es dans le sommeil
ou que tu es en éveil.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
pour le bonheur que tu me donnes,
les oublis que tu me pardonnes.
Je suis à toi
pour la parole qui m’incite,
la vertu qui m’habite.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
par l’évangile que tu proclames,
ton zèle pour les âmes.
Je suis à toi
par la grâce qui te nourrit,
l’amour qui t’attendrit.
Embrasse-moi !

Je suis à toi
car le SSeigneur m’a fait la grâce
et m’a donné l’audace
de te blesser de mon regard,
de t’embaumer de mon nard.
Embrasse-moi !




Roman achevé en 2002




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t320627 : 23/05/2020