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Qui a reçu de toi un tel dommage.
La plainte de Salomé a été suivie d’un lourd silence : profonds étaient l’horreur et le dégoût qu’elle avait suscités chez les auditeurs. L’insouciance de la jeune danseuse s’avérait plus monstrueuse que le crime lui-même. Sous le poids de la honte, tous les yeux s’étaient abaissés. Un homme bronzé, petit et gros, les yeux brillants d’émotion, se précipita sur le chaland et lança son réquisitoire :
Malheur au roi tueur
De notre bienfaiteur !
Je ne suis pas pleureur, mais un vengeur
Du sang versé du prophète Baptiste.
Quel prix devrons-nous mettre sur la liste
Que nous présenterons à l’empereur ?
Qu’il soit banni des coins de notre terre
Qu’il a ensanglantée, rendue maudite ;
Qu’il soit jeté dans le désert, qu’il erre
Car la rentrée lui sera interdite.
Périsse l’imposteur
Du peuple et du Seigneur !
Comment décrire l’agitation provoquée par la plainte de Jésus, les lamentations des pleureuses, le chant de révolte de Salomé et l’invective de l’homme ? Les gens se pressaient les uns contre les autres, des poings menaçants se dressaient, des bras s’armaient de bâtons, partout on n’entendait que cris et imprécations, malédictions et jurons.
Maudit soit l’assassin
qui a voulu sa fin !
Qu’on brûle les mains
de ces sales putains !
Qu’on crève les yeux
du roi, ce vicieux !
Des hérodiens et des huissiers, qui étaient venus pour s’emparer de Jésus une fois l’assemblée dispersée, furent surpris par cette émeute. Persuadés qu’il ne pourrait pas s’échapper de la barque, ils se mirent à repousser la foule par des cris, des coups de poings et de bâtons, en attendant l’arrivée de renforts. Mais Jésus, profitant de ce délai, descendit dans la barque légère et, sous les coups de rame de Céphas et André, prit rapidement le large. L’autre barque, dirigée par Jean et Jacques, le suivait de loin. J’ai appelé Salomé, l’ai cachée sous mon manteau, et nous nous sommes enfuies.