ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 12 - Correspondances :

Un enfant me sera donné



Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances
- En quête de nous-mêmes
- Un enfant me sera donné
- Sur le chemin de l’allégorie

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


Maria de Magdala,
à Jésus de Nazareth, son époux    
Salut !


   Tu as raison de m’écrire que je suis une femme comblée : comme tant d’autres, j’ai dû emprunter les chemins de la souffrance, car je ne parvenais pas à affirmer mon identité par mon amour. Tu le sais, et je ne voudrais pas t’ennuyer en me répétant.

   Je n’ai jamais mis en doute la réalité de ton amour, mais ma sensibilité féminine était frustrée par ta manière de vivre notre relation amoureuse. Pour paraître telle que tu me désirais, j’ai joué le rôle de Ruchama, personnage pour lequel je ne res­sentais aucune affinité ; l’union prophétique était le seul ciment de notre rencontre. Je semblais joyeuse, j’étais en fait profondément triste, con­sciente de n’être plus qu’une femme délaissée. Pourtant, j’ai gardé l’assurance que l’amour n’a pas pour seule raison d’être la fidélité, mais est une force en­va­his­sante qui nous dépasse.

   Ma foi n’a pas été déçue, l’amour s’est révélé l’uni­que voie pour me libérer de la répression du mariage prophétique, au point que tu as ressenti toi-même le besoin de fonder une union nouvelle. Ammi et Ruchama sont devenus des images idéales, mais Jésus et Maria ressuscitent, pour ainsi dire, pour prétendre à des noces nouvelles.


   Oui, je suis comblée : l’amour a vaincu l’ins­ti­tu­tion, et la réalité son apparence, et pourtant une pré­sence me manque encore, celle d’un enfant. Quand tu le refusais, autrefois, je t’approuvais puis­que nous comprenions notre existence comme la perfection de l’homme des origines. Maintenant que notre union n’est plus liée ainsi, je dois devenir mè­re pour atteindre la plénitude de la femme.

   Cet enfant ne sera pas une entrave à ta mission future, au contraire ! Signe de l’ère nouvelle annon­cée dans ton message, il n’aura d’autre mérite que d’être un homme, fruit de l’amour.

   Le temps est révolu où un nouveau-né, pour être reconnu et vivre en homme, devait présenter les si­gnes de la légitimité ou vivre sous l’autorité pa­ter­nelle ; désormais seule l’énergie de Dieu fondera la légitimité de l’existence humaine. Je me souviens du temps où tu exhortais les malades à se guérir eux-mêmes en recourant à cette énergie inspiratrice de Dieu en eux. Ils ne semblaient pas avoir con­science de leur force et de leur dignité, et atten­daient leur guérison d’un sauveur ! Je désire mettre au monde un enfant par la même énergie de Dieu en moi. Ma maternité prolongera l’acte créateur de Dieu, comme nos ancêtres Sara, Rébecca et Rachel en ont eu le privilège.

   Mais est-ce un plaidoyer pour mon droit à la ma­ter­nité ? Ton amour et ton message m’ont prépa­rée à cette attente ! L’amour, qui ravit ma féminité, me donne de l’éloquence !


   Je t’embrasse, déjà transportée dans mon rêve !


Maria    





Jésus à Maria de Magdala,    
son épouse bien-aimée,
Salut !


   Si je t’ai offert ce que ton cœur désire, cette fois tu m’as forcé la main ! Tu as été si convaincante dans ton plaidoyer ! Même si je n’en avais aucune envie, je ne pourrais pas m’y opposer : ton désir nou­veau provoque en moi le don de l’amour. Oui, Maria, un enfant te sera donné. L’amour nous en a rendus dignes, il sera le signe de mon message.

   Je souris ! Je me souviens en effet que les phari­siens m’ont demandé un signe. Mais le signe, c’est l’énigme même de mon existence. L’enfant que nous donnerons au monde sera tout aussi énigmatique : il rendra plus criantes les contradictions de la con­science humaine.


   Je ne suis pas le premier à annoncer au monde la naissance du fils de Dieu. Les prophètes, dans le judaïsme, et les poètes chez les Gentils, ont toujours fait référence à un enfant prodige, au fils du roi dont l’origine remonterait à Dieu. Moi, je n’ai en vue qu’un simple homme, sans apparat. Rappelle-toi, Maria ! Selon la Genèse, quiconque est né d’une femme est un fils de Dieu, car il vient au mon­de par le souffle de son Créateur. Tu as bien dit ! L’unique source des valeurs humaines réside dans l’homme lui-même. Notre enfant gagnera son droit à l’existence parce qu’il n’aura pour titre de gloire ni la noblesse des origines, ni la légitimité de la race, ni un charisme particulier, mais seule­ment d’être né d’une femme.

   Royal, noble, miraculeux, un acte gratuit dans le monde, voilà ce qu’il sera dans sa commune huma­nité ! Mon message est là, tout entier ramassé : si tout homme est un fils de Dieu, aucun ne prévaudra contre un autre car nous sommes tous des frères. Pour leur gouvernement, les hommes se passeront du législateur ou du prophète qui, du haut du Sinaï, recevait la Loi de Dieu ! Cette Loi est déjà au cœur de l’existence humaine : chacun doit se comporter à l’égard d’autrui comme il souhaite qu’autrui le con­si­dère lui-même. C’est affaire de justice qui s’en­racine dans l’amour. Tous les privilèges qui op­posent hommes et femmes, libres et esclaves, élus et rejetés, mais aussi les temples faits de la main de l’homme, s’écroulent.

   Prophètes et poètes ont décrit le règne de Dieu sous les traits de la grandeur éclatante des cieux et de la terre. Je dis que ce règne manifeste ici et au­jour­d’hui ce que les hommes contemplent à l’instant où l’amour les unit. Chaque homme, à sa naissance, doit s’ouvrir sur cet horizon : œuvrer pour que le monde atteigne la plénitude de l’être, à quoi il est destiné.


   Mais, comme toi, je m’évade, porté par l’Esprit de Dieu qui m’anime. Peut-être t’attendais-tu à recevoir aussi des nouvelles de ma vie quotidienne : ce que je mange, comment je parviens à supporter la peine de chaque jour. Tu l’apprendras dans mes autres courriers. Pour l’heure, je n’ai d’autre souci que de t’assurer de mon amour, et que tu es aussi chère à mon cœur que précieuse à ma mission.

   Je te parlerai une autre fois du jour et des dé­marches nécessaires à notre départ. Il faut en effet le préparer soigneusement, à cause de ma situation de fugitif et aussi de ma responsabilité envers mes disciples, qui veulent toujours prendre le temple pour me rendre mon honneur perdu et m’imposer comme le prophète de tout le peuple d’Israël. Ils ignorent le bouleversement radical de ma mission et notre engagement nouveau en amour.


   Je t’embrasse,

Jésus    





UN ENFANT ME SERA DONNÉ

Que l’étincelle de ta vie, Seigneur,
Éclate dans mon sein, comme la graine
Que dans la terre jette le semeur
Pour qu’elle germe en plante souveraine.

Tu donneras à mon enfant vigueur
De ta main puissante qui l’entraîne
Par le chemin d’un mystérieux bonheur
À prendre forme dans la nature humaine.

En te portant, ô fils, dans ce berceau
J’irai heureuse visiter le monde
En inversant la route de nos pères.

Comme couché dans un petit bateau
Tu vogueras en te berçant sur l’onde
Au regard d’hommes qui seront tes frères.




Roman achevé en 2002




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t321245 : 05/10/2020