ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 20 - Les semeurs :

Les épis de l’alliance



La logique ou l’art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664 





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs
- La rencontre avec Joseph
- Le retour de Jean
- Les épis de l’alliance


a glane d’une valeur inestimable que JJoseph nous avait offerte était restée sur la table.
- Pour qui sera cette glane ? Ai-je demandé.
- Mais pour nous tous, tu le sais bien ! Puisque nos compagnons n’y ont pas prêté attention, nous allons nous-mêmes accomplir sa destination. Pris par les derniers événements je n’y avais plus pensé, mais voici venu le moment favorable pour partager ces épis avec les pèlerins : à la tombée de la nuit ils s’af­fairent pour préparer leur voyage de retour. Al­lons, nous avons le temps, le repas n’est que ce soir !

   Nous nous sommes rendus sur la place près de la porte de Jéricho. Tout autour, les tentes étaient enco­re dressées, mais les femmes s’activaient à remplir sacs et outres, à donner leur pitance aux ânes. Joseph s’avança : « Israélites ! Je me nomme Joseph, de la tribu de Benjamin et je réside à Alexandrie, en Égy­pte. Comme vous, demain, je regagnerai ma patrie étrangère, mais auparavant je vais vous faire un ca­deau. Depuis des générations, ma famille conserve avec fierté et jalousie une glane qui, selon la tradition, a été transmise par notre patriarche Joseph, afin d’être semée en temps opportun. Ce blé serait un res­te de celui que lui-même, alors surintendant du Pha­raon, avait donné aux fils d’Israël au temps de la famine et grâce auquel il avait pu reconnaître ses frè­res qui, jadis, l’avaient vendu aux Égyptiens comme esclave.
« Par l’héritage de cette glane, notre patriarche a vou­lu nous rappeler cet événement ancien et en faire le signe d’un événement à venir : l’union des nations conscientes que tous les peuples sont frères. Isra­éli­tes, que vous viviez en d’autres pays ou dans votre patrie, sachez que le temps est venu d’accomplir cet événement : Jésus de Nazareth, notre dernier prophè­te, l’a déclaré dans le message pour lequel il a donné sa vie. Venez donc, prenez chacun un épi et semez-en les grains dans votre terre d’adoption, afin de ma­ni­fester que toutes les nations de la terre consti­tuent désormais un seul peuple, sous le regard d’un Père unique ! »

   Une grande effervescence régnait parmi tous ces gens qui s’approchaient de Joseph, agitant les bras et criant dans la plus grande confusion :
- À moi, je suis Samaritain !
- Je viens de Syrie !
- J’habite la Grèce !
- Un épi, c’est trop peu, j’en voudrais au moins cinq !
- Je demeure en Phénicie !

   Les épis tombaient dans leurs mains comme des pièces d’or, ils se bousculaient pour atteindre cette manne.
- Il y aura trente épis, dans mon petit jardin.
- Chez moi soixante, car j’en ai pris deux !

   Au milieu du brouhaha, un homme prit la parole :
- Moi, je n’ai pas l’intention de semer ces grains ! Je demeure si loin de la terre que Dieu a donnée à nos pères que mon cœur s’obscurcit comme le jour à l’ap­proche de la nuit. Cet épi est trop précieux pour le semer en terre : les mains de nos pères l’ont tenu, il a exprimé leur souffrance, il est aussi porteur de leur joie. Je l’enfermerai comme un secret du cœur, dans un coffret d’albâtre cerclé d’or, afin que son parfum se conserve à jamais.
- Frère, suis-je intervenue, permets à une femme de te répondre, puisque dans la nouvelle alliance de l’amour, elles ont droit à la parole comme les hom­mes. Tu dois semer ces grains pour accomplir le vœu de notre patriarche. Ce ne sont pas des bijoux ni des pierres précieuses, mais des semences ; elles ne vi­vent que si elles meurent en terre pour germer et porter des fruits. Ils sont le symbole de la nouvelle alliance, que Dieu a annoncée par la bouche du pro­phète Osée et que Jésus a révélée par sa parole et par son mariage d’amour. Ces graines ne sont pas des choses, elles contiennent l’Esprit de Dieu. En les se­mant dans ton champ, tu partageras en même temps avec ton prochain l’Esprit de Dieu présent en toi,

« Esprit de sagesse et d’intelligence,
« Esprit de connaissance et de respect de Dieu,
« Esprit de ferveur et de compassion,
« Esprit d’affliction et de joie,
« Esprit d’amour.

   Salomé s’approcha à son tour et, soulevant son voile, les yeux ardents, fixa l’assistance : « Frères, j’ai levé mon voile pour que vous me regardiez en face. Je suis Salomé, la fille élue de Dieu pour chan­ter l’amour le jour de ses noces avec les hommes. Écoutez le chant de l’alliance nouvelle :

Que serrez-vous dans vos mains, frères ?
Des perles pour faire un collier pour votre
[épouse ? 
Des pierres précieuses pour orner ses ha-
[bits ?  
Non, mais des dons beaucoup plus esti-
[mables    
que les larmes perlées des coquilles de la
[mer,  
que les pierres enluminées du sous-sol de
[la terre.  
Ce sont des semences, dont la vie
est encore en sommeil dans la moelle de
[leur cosse.   
Elles rêvent le jour
où elles deviendront à nouveau des épis
aussi nombreux que les hommes de la ter-
[re, 
pour que chacun mange à sa faim
et apaise ses soucis,
selon la vision du père Joseph.

Hâtez vos pas, frères,
rentrez dans vos maisons
pour semer ces grains dans les jardins,
dans les champs de vos pays d’adoption.
Ils germeront dans le sol fécond,
ils deviendront des plantes couronnées
[d’épis,      
que le soleil chauffe et dore
et que le vent berce
au chant des alouettes.

Charmée par le songe de mes pères,
je rêve moi aussi les temps à venir.
Je vois dans les champs des moissonneurs
venus de tous les coins de la terre,
de l’Asie mystérieuse et de la Grèce,
de l’Orient ensoleillé,
des plaines neigeuses du Nord.
Leurs faucilles se croisent,
sans les blesser,
tandis que des filles ramassent les épis
sans froisser leurs mains.
Elles chantent,
des gerbes sur leur tête
et le cœur à la bouche :
Embrassez-vous, ô hommes qui avez
[moissonné,       
car vous êtes des frères issus du même
[père,     
de même que les grains que vous partagez
sont des germes du même blé.
C’est le temps de l’alliance
où les cieux exaucent la terre
et Dieu exauce le désir des humains,
dont Il devient l’amant
comme l’époux de l’épouse
qui le charme et qu’il chérit.

   Chacun revint à sa tante, un épi à la main. Je re­gar­dais les feux s’allumer auprès des bivouacs et j’écou­tais le chant des femmes qui pétrissaient la pâte pour préparer les galettes. Dans la fumée les chau­ves-souris tournoyaient, faisant la chasse aux mous­tiques. Le soleil couchant souriait en glissant derrière les mon­ta­gnes, pour resplendir sur d’autres terres et ré­veiller des yeux encore assoupis par la nuit.
- Nous devons rentrer, dit Joseph, pour être à temps au repas chez Simon.
- Le repas chez Simon ! Me suis-je exclamée. Que de souvenirs ! Mon cœur est en fête, mais mon vase de nard est vide, car j’ai tout répandu sur le corps de celui que j’aimais.
- Il te reste encore des épis, dont tu pourras orner ta tête et semer les grains dans ton jardin.
- Même pas ! J’ai offert aux pèlerins celui que j’avais gardé. Pourtant une semence s’épanouit en mon sein, qui répand la joie dans mon cœur !




Roman achevé en 2002




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t322082 : 03/11/2020