Autobiographie

nfin, il m’arriva de faire ce que je n’aurais jamais dû. En cueillant des amandes au centre du jardin, je me suis rappelé que le temps de la maturation des fruits du petit poirier était arrivé. J’ai pu constater que les poires étaient bien mures, grosses et par­fu­mées. Voilà que moi aussi j’étais venu à mon tour à l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

    J’aurais dû m’en aller, mais je me suis laissé en­trai­ner par un raisonnement astucieux et tortueux et, disons-le, diabolique. Je m’étais engagé à ne toucher aux poires que si elles étaient tombées, mais puis­qu’elles étaient mures, j’ai pensé que je pourrais les cueillir pour qu’elles ne pourrissent pas sur l’arbre. En supposant que mon grand-père ait négligé de sui­vre leur processus de mûrissement, j’ai pensé que je pourrais lui montrer que j’aurais pu bien faire le tra­vail de cueillette des poires, qu’il aurait sans doute fait s’il s’en était aperçu, et empêcher la chute des poires.
    Je cueille donc une poire, et je vais chez mon grand-père, la poire étroitement serrée entre mes mains : « Iaiou ! J’ai trouvé cette poire au pied de l’ar­bre. » « Ah ! Tu l’as trouvée ? » Il regarde la poi­re, et il s’aperçoit bien que je venais de la cueil­lir. « Mets la poire sur la table et vas-t-en! » (Poni ingunis sa pira, et bairindi). Je la pose tout de suite sur la table et je m’en vais en courant, comme Rina poursuivie par le regard de Saint François de Sales ; moi, cependant, j’avais peur d’être chassé du jardin ! Le péché d’Adam et sa condamnation se répé­taient-ils en moi ? Sans doute d’une façon anec­dotique. Mais cela avait-il bien ce sens pour moi ?