ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




I- Regard critique sur les évangiles




1- L’annonce faite par Jésus de la trahison de Judas



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES
- L’annonce de la trahison
  - Aperçu des récits
  - Sens historique et sens
    théologique des récits
  - Sens référentiel des récits
    . L’annonce par Jésus
    . Connaissance par inter-
      prétation des Écritures

    . Conclusion de l’analyse
  - Genèse du discours du récit
  - Déstructuration et désalié-
    nation du texte
- Le contexte historique
- Les fêtes de la Pâque
- Gethsémani
- Le récit de la trahison
- La trahison simulée
- L’arrestation de Jésus
- Troisième rencontre
- Jésus, entre prophétie et
   politique

- La mort de Judas

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Analyse du sens référentiel du récit :
L’interprétation des Écritures et la connaissance de la trahison de Judas


   Bien que l’annonce par Jésus de la trahison de Judas n’ait pas eu lieu, il reste que le récit (et on peut penser le témoignage des apôtres lui aussi) est effectivement conditionné par la signification messianique du psaume. Sans doute, l’interpré­tation a-t-elle été faite, mais pas lors de la cène, alors quand et par qui ?

   J’ai rapporté précédemment les paroles que, selon Jean, Jésus aurait dites à ses disciples, après avoir interprété le psaume : « Je vous le dis avant que la chose arrive, afin que lorsqu’elle arrivera, vous croyez que je suis » (Jn 14:29), à savoir le Christ, qui parle dans le psaume.
   Si l’on accorde à ces paroles une valeur historique, on peut croire que Jésus a vraiment interprété ce psaume lors de la cène, non seulement pour que les disciples apprennent à l’avance la trahison de Judas, mais pour qu’ils croient qu’il est le Christ des Écritures. Malheureusement, les disciples sont restés jusqu’à la mort de Jésus incrédules à ce sujet, et perplexes quant à la trahison de Judas.
   On peut objecter, toujours concernant le témoignage des évangiles, que les disciples n’auraient pas compris les paroles de Jésus ou que, les comprenant, ils les auraient oubliées. Doit-on, dès lors, donner raison à Celse qui ironise sur les disciples des Jésus, « dix ou onze hommes décriés, publicains et mariniers fort misérables… mendiants la subsistance d’une manière honteuse et sordide » (Origène, Contre Celse, l, 62). Non ! Les paroles sont si claires qu’ils les auraient comprises si Jésus les avait dites, et ils n’auraient pas cherché dans les Écritures des arguments pour le reconnaître comme le Christ, s’ils avaient cru. Ils n’auraient pas pu oublier un événement qui, lorsqu’ils crurent en lui, les liera jusqu’à la mort.
   Il convient donc d’inverser l’information : ce n’est pas Jésus qui, par l’Écriture, a révélé son messianisme et la trahison de Judas, mais les disciples. Quant à Jésus, à supposer qu’il ait eu conscience d’être le Christ, il n’aurait pas eu besoin de trouver des arguments dans les Écritures pour le prouver, ni de se complaire en se regardant en elles comme dans un miroir !

   Que les disciples, après sa mort, aient cherché à découvrir la personnalité de Jésus de son vivant par le recours aux Écritures est une évidence dans les évangiles, surtout dans l’épisode des « disciples d’Emmaüs », rapporté par Luc.
   Les deux personnages représentent, dans le récit, les apôtres ainsi que les autres disciples de Jésus. Troublés par la mort de leur maître et s’interrogeant sur sa personne, ils avaient trouvé une raison de croire par des signes tels que le tombeau vide qu’il était le Christ.
   L’étranger qu’ils rencontrent sur le chemin d’Emmaüs est la représentation du Ressuscité, qui leur reproche leur manque d’intelligence dans la foi au Christ. Ils avaient oublié ou ignoré qu’on ne pouvait connaître le Christ que par les Écritures, qui « parlent de lui, en commençant par Moïse jusqu’aux prophètes » (Lc 24:27).

   Mais les apôtres ne connaissaient-ils pas Jésus ? Sans doute avaient-ils eu l’expérience de la vie en commun. Cependant, lorsqu’ils crurent qu’il était le Christ, ils eurent le sentiment de n’avoir rien compris de sa personne, sachant d’ailleurs qu’il était demeuré dans l’incognito de son apparence d’homme. L’expérience qu’ils avaient vécue avec lui cachait plutôt qu’elle la manifestait sa véritable nature de fils de Dieu. Ils se tournèrent donc vers les Écritures qui, à travers leurs personnages, les prophètes et l’histoire du peuple, leur révélaient en « effigie » la personnalité de Christ. S’il était le Christ, Jésus « devait être » à l’image du Christ des Écritures.
   C’est ainsi que, s’interrogeant sur Judas, désireux de savoir s’il était ou non le traître, ils reçurent la réponse dans le psaume. Oui ! Judas était bien le traître, établi par Dieu dès le commencement, parce que le fils de l’homme devait être trahi par l’un des siens, l’Écriture le déclare. Et puisque celui qui parle dans l’Écriture est le Christ, c’est donc lui, Jésus, le Christ, qui leur a annoncé que Judas le trahirait.
   Le passage de l’annonce du « Christ des Écritures » à l’annonce de « Jésus-Christ », était implicite dans le processus d’interprétation. Puisque Jésus devait être à l’image du Christ des Écritures, il était indéniable que Jésus avait accompli, de son vivant, tout ce dont les Écritures mandataient le Christ (Lc 24:26). D’où leur tentative de rechercher dans l’expérience de Jésus des paroles, des gestes et des actions qui, par analogie, pouvaient être considérées comme des signes du « Christ des Écritures ».
   C’était suffisant pour que les rédacteurs des évangiles reconstituent, à partir de ces signes, la vie de Jésus sur le modèle du « Christ des Écritures ».



juillet 1987




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t610320 : 20/11/2017