La résurrection de Lazare :
Analyse critique du récit
Allégorie de la crise de Jésus
Si la résurrection de
Lazare fait allusion, par le biais de l’allégorie, à la résurrection de
Jésus-Christ, il devient évident que
Marthe et
Marie n’ont fait parvenir à
Jésus aucune nouvelle de la mort de leur frère, et qu’en conséquence
Jésus ne l’a pas ressuscité. Il demeure cependant que
Jésus s’est rendu chez
Marthe et
Marie, sans que, pour autant, on sache pourquoi. Ce qu’il a dû faire ou dire a été refoulé sous la signification théologique de la résurrection. Il convient donc, selon le principe de la méthode, de rechercher les apories du récit.
On y découvre en effet, des fausses notes, des incohérences et des ruptures de sens. Pour nous en convaincre, il suffit de souligner les modalités de la résurrection, ainsi que le comportement de
Jésus envers
Lazare. En effet, il s’agit plus d’une technique d’exorcisme que d’un acte de création : «
Lazare, sors ! ». De même, nous avons dit que
Jésus ne manifeste aucun geste d’amitié à l’égard du ressuscité, qu’il aimait pourtant. Enfin, le grand conseil le condamne à mort pour avoir ressuscité un homme, et même décide de tuer le ressuscité (
Jn 12:10) !
Toutefois, ce n’est pas parce que
Jésus a ressuscité un homme que le grand conseil le condamne mais parce que, poursuivi en justice et fugitif, il réapparaît à
Béthanie. Depuis qu’il avait échappé à l’arrestation au
Temple, lors de la Dédicace, il avait disparu et personne ne savait où il se cachait. Était-il encore vivant ? Désavoué par son
Dieu et reconnu par le
peuple comme faux prophète, il était un homme mort : il n’aurait pas pu vivre longtemps dans la solitude du
désert. S’il revenait au grand jour, quiconque était autorisé à le dénoncer, et même à le lapider. Se serait-il suicidé ? Les
pharisiens l’avaient pensé, quand
Jésus leur avait déclaré qu’il irait là où personne ne pourrait venir (
Jn 8:22).
Dans l’espoir qu’il avait eu la fin qu’il méritait, les
grands prêtres avaient suspendu les recherches. Mais voilà, à peine un mois après la Dédicace, on leur assure qu’il a été vu à
Béthanie, tout près de
Jérusalem. Non, il ne s’était pas donné la mort, il tramait une vengeance, prêt à tenter une nouvelle fois, lors de la Pâque, l’occupation du
Temple, qu’il avait ratée à la Dédicace.
Il fallait donc le condamner de façon claire et légale, imposer à quiconque de dénoncer sa présence et surtout faire en sorte qu’il ne puisse pas venir pour les fêtes de Pâque ou, sinon, qu’il fut pris aussitôt.
La mise entre parenthèses de la résurrection de
Lazare, en raison de sa signification christologique, a permis de relever dans le texte la présence de deux informations :
Jésus se rend à
Béthanie, le grand conseil se réunit pour condamner
Jésus. Ces deux informations se trouvant en continuité historique, il apparaît que la résurrection de
Lazare se présente comme une allégorie de la venue de
Jésus à
Béthanie, et celle de sa résurrection. Du coup, la résurrection de
Lazare joue un double rôle : projeter la résurrection de
Jésus avant sa mort, et faire apparaître le fait refoulé qui a convaincu
Jésus de se rendre à
Béthanie. Dès lors, nous pouvons tenter de reconstituer ce fait en interprétant l’allégorie.