Prophétie et révolution :
Judas et la tentative d’occupation du Temple
La visée politique de la purification apparut à l’évidence lors de l’émeute provoquée par la fuite de
Jésus : celle-ci fut d’une telle ampleur qu’on dut faire appel à la Cohorte de la
tour Antonia.
Jésus n’était pas venu seul au
Temple, comme
Jérémie, mais accompagné de ses
disciples et des gens qui l’avaient suivi pour cette entreprise, sous la conduite de
Judas, le « compagnon ». Or puisque, selon le récit, les vendeurs ont été effectivement chassés du
Temple avec leurs bestiaux, alors que
Jésus était en fuite, il est légitime de penser que l’initiative de cette action purificatrice revenait à
Judas. Sans doute a-t-il voulu empêcher que
Jésus fût pris.
Aussi saisirent-ils l’occasion d’occuper le
Temple et de vaincre la résistance des
sacrificateurs et des gardiens. Selon le texte, déjà cité, du quatrième évangile, l’exploit ne fut pas difficile. «
Ayant fait un fouet avec des cordes, il (
Jésus)
les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs » (
Jn 2:15). Mais puisque
Jésus était en fuite, celui qui a employé le fouet ne pouvait être que
Judas. Seulement, il n’avait pas eu besoin de faire ce fouet, même s’il en avait eu le temps, puisque il y en avait de pendus dans les enclos des bêtes. Il ne l’a pas utilisé contre les vendeurs mais contre le bétail qui, dans sa course folle et désordonnée, entraîna la fuite des vendeurs. L’auteur du quatrième évangile a inversé l’action, en l’attribuant à
Jésus.
Mais
Judas échoua dans son action. Peut-être aurait-il pu, avec l’aide du
peuple, maîtriser les
sacrificateurs et les gardiens, si la cohorte n’était pas intervenue. Les synoptiques ne la nomment pas, mais le quatrième évangile en fait mention dans l’arrestation de
Jésus (
Jn 18:3).
L’attribution à
Judas de l’expulsion des vendeurs du
Temple n’est donc pas une information indirecte, issue d’une aporie des évangiles ; elle est un postulat dans le cadre de la recherche. Il n’en demeure pas moins qu’elle nous éclaire sur les raisons de l’engagement de
Judas auprès de
Jésus, précisément à partir de la purification.
On ne peut pas dire qu’il s’est engagé en tant que
disciple, puisque les autres
disciples y sont demeurés étrangers, soit qu’ils aient ignoré la situation de
Jésus, soit qu’ils n’aient eu aucune responsabilité.
L’engagement de
Judas se situe au-delà même de sa relation comme « compagnon », parce qu’il demeure lié à
Jésus comme un ami, personnellement responsable de sa situation. En effet, en supposant son initiative, il aurait aggravé la portée de la fuite de
Jésus, devenue celle d’un « brigand », qui avait organisé l’occupation du
Temple pour prendre le pouvoir.
Judas a agi en homme responsable mais, ayant entraîné son maître dans le malheur, il s’est aussi senti coupable envers lui. À travers
Judas,
Jésus est devenu un prophète dont la parole a revêtu une portée politique, même si cette politique a constitué la visée de sa prophétie.