Dans le non-dit des textes :
La situation tragique de l’existence de Judas
Il est impensable d’imaginer que
Judas, lié à
Jésus par le serment du sang, ait pu rester étranger au tragique de l’existence de son ami. Il y fut certainement entraîné quand il accepta ou décida, pendant la cène, de jouer le rôle de traître pour délivrer son maître de l’impasse où il se trouvait. En effet, il était devenu un agent actif, revêtant ou ôtant le masque du traître selon qu’il était devant les
sacrificateurs ou devant
Jésus et ses
disciples. Devant
Jésus et ses
disciples, il avait le sentiment d’emprunter un autre masque, vivant une scène différente, où la réalité devenait en partie fiction, et la fiction en partie réalité.
Judas ignorait sans doute que les véritables maîtres du scénario n’étaient ni lui-même, ni
Jésus, mais ses ennemis avec qui il avait négocié la trahison. Quand il se précipita vers
Gethsémani pour avertir
Jésus de s’enfuir, assuré de ne pas être, à ce moment, acteur du drame de la trahison simulée, il donna à
Jésus le baiser de l’ami et du compagnon. Cependant il s’aperçut, mais trop tard, qu’il jouait encore son rôle de traître : en effet ceux qui le suivaient et pour lesquels il jouait ce personnage, comprirent ce baiser comme le signe effectif de la trahison négociée.
Ce jeu de la traîtrise devint l’acte de sa vie. Traître simulateur dans une intention de salut, il fut traître par méprise en livrant, sans le vouloir et sans s’en apercevoir, son maître à ses ennemis. Le malheureux acteur ne pouvait plus ôter son masque, qui restait figé sur son visage, acteur condamné à endosser son personnage sur la scène de sa vie, « traître » à jamais.
Cette tragique méprise fut aggravée parce que tous, les
sacrificateurs comme les
disciples et les camarades, l’ont enfermé définitivement dans ce rôle.