Dans le non-dit des textes :
La conséquence inéluctable

   Ces péripéties ne pouvaient pas ne pas conduire l’existence de Judas vers une tragédie. Simuler une trahison, même s’il s’agissait de sauver son ami et son maître, amenait Judas à risquer sa vie et son honneur et livrer par méprise cet ami. La simulation désignait l’instant où la fiction devenait la réalité, puisqu’on ne jouait plus au traître mais qu’on agissait en traître.
   Lorsqu’on est supposé être un traître parce que les autres exigent qu’on le soit, pour se débarrasser du crime de trahison ou pour servir d’alibi à leurs soupçons, alors on est traître dans l’âme. L’est-on non seulement vis-à-vis des autres, mais dans la vérité de sa propre conscience ? Notre propre vérité n’a d’effet que si elle est reconnue, et on ne la reconnaît qu’au moyen d’un code de valeurs qui demeurent équivoques. Une même action peut être appréciée différemment, selon les codes par lesquels elle est interprétée. Notre vie ne prend un sens qu’au travers de l’image que les autres se font de nous.

   Puisqu’on le croyait traître, Judas était à l’image du discours dont le sens était donné par son interprétation. Il se trouvait ainsi exposé à une inversion de valeur puisqu’il était pour les autres ce qu’il n’était pas en réalité. Son être véritable, refoulé, laissait apparaître ce qu’il n’était pas.