Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
La nomination
Accueil
Clermont-l’Hérault
À pied d’œuvre
Les jeunes
Communauté active
Ouvrir la communauté
- Veillées et sorties
- Manifestations publiques
Une porte s’ouvre
Difficultés
Un pasteur communiste ?
Point d’orgue
Parole d’utopie
Fin de partie
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
La crise
Épilogue
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Le forum
Enfin, Paul aborda dans ses pérégrinations à travers l’empire romain ce lieu privilégié, où les Méditerranéens ont toujours aimé se rassembler pour échanger les nouvelles et discuter des grands problèmes de la cité et du monde, comme des questions philosophiques les plus fondamentales : le forum, la place publique. On l’a vu, par exemple, interpeller la foule grecque sur l’Aréopage d’Athènes… et s’y faire abondamment siffler !
Alors pourquoi n’aurions-nous pas cherché nous aussi à rencontrer les Clermontois dans leurs lieux privilégiés : la rue et la place du marché, ou les salles de café, et les inviter aussi au théâtre de la ville ? Je crois pouvoir dire que nous en avons largement profité au cours de ces années, lançant par voie d’affiches ou par le truchement folklorique du « Fabreguettes » (le crieur public) battant tambour à travers les rues, des campagnes « d’évangélisation » menées avec l’appui d’équipes de jeunes de Montpellier ou de la région, les appelant aussi à suivre des conférences publiques présentées au théâtre ou en d’autres lieux par des « ténors » protestants.
Sans doute cette présence active dans la cité connut des fortunes diverses, mais le plus souvent les Clermontois lui témoignèrent un vif intérêt et un accueil attentif et amical, mais également une perplexité stupéfaite au sein de l’Église catholique officielle. Ainsi, au cours d’une de ces campagnes, menée avec le concours d’André de Robert et de son équipe des six « compagnons de la paix », un médecin, bras séculier du curé-doyen de la ville, vint nous déclarer : « Ah ! Vous avez un certain culot de vous attaquer à Clermont ! ». Mais ces manifestations publiques permirent de rencontrer d’autres personnalités locales ; avec certaines – Monsieur Perret et sa famille – s’établit une longue et fidèle amitié qui devait porter bien des fruits par la suite.
Entre 1951 et 1953 trois équipes de jeunes, dont certains étaient des comédiens, participèrent – généralement au printemps de chaque année – à une campagne, plusieurs jours durant, où alternaient le colportage, des séances théâtrales et la conférence publique.
En mai 1951, le pasteur Idebert Exbrayat vint à Clermont avec une équipe de jeunes bénévoles. Après du colportage en ville, ils présentèrent une pièce intitulée Askiounov, deux-cents personnes emplissaient le théâtre.
En avril 1952 les « compagnons de la paix », ces six garçons accompagnant le pasteur André de Robert, « occupèrent » Clermont une semaine entière. Un tract avait annoncé : « Un homme qui change vaut mieux qu’un million d’hommes qui disent : il faut que ça change » et invitait la population dans la salle municipale réservée aux bals publics, à deux conférences. L’une portait sur le thème « il n’y a pas de quoi se décourager », l’autre posait la question « la paix est-elle possible ? ». Cent-trente personnes répondirent chacun de ces deux soirs à l’invitation. Les autres jours de cette semaine eurent lieu trois veillées : deux dans des familles du quartier réunirent quinze à vingt personnes, la troisième au Foyer, qui déborda de ses cinquante participants.
Lors d’un week-end de mars 1953, une équipe de jeunes montpelliérains vint à son tour, fit du colportage en ville et joua en soirée au théâtre la pièce La vigne de Naboth, donnant à la fin un message sur le thème de cette pièce d’inspiration biblique.
En avril de cette même année, une nouvelle équipe, dénommée « Les comédiens de l’Étoile » anima, toujours au théâtre, une soirée destinée à faire rire et réfléchir autour de trois courtes pièces, La jalousie du Barrouillé, La complainte des quatre saisons, et Le pari du diable, inspiré du livre de Job. Cent-cinquante personnes assistèrent à la soirée. Le lendemain, dans une salle de café, l’équipe se présenta à une quinzaine d’assistants, et expliqua ce qui motivait son action.
Les conférences publiques données au théâtre et présidées par un unique orateur, même s’il était un « ténor » du protestantisme languedocien (comme le professeur Georges Crespy ou le pasteur Jean Pellegrin), ou parisien (comme le pasteur Jean-Paul Benoît, président de la Société centrale d’évangélisation) mobilisèrent très peu de Clermontois (entre cinquante et soixante-dix personnes dans un théâtre de deux-cents places). Une conférence du pasteur Francis Bosc, du Foyer de la mission populaire de Paris-Grenelle, n’en fit déplacer que vingt-cinq… Un four !
Toutefois l’exiguïté de la salle du Foyer, qui n’offrait qu’une quarantaine de places, nous contraignit à rechercher en ville des lieux de réunion plus vastes. Les cabarets furent les mieux adaptés, sans doute à cause de leur neutralité et de la simplicité de leur accueil. Ainsi, lorsqu’en décembre 1951 la fête de Noël fut célébrée dans la salle d’un café de quartier, soixante-dix personnes (dont cinquante enfants) ont envahi les lieux, puis, quand le pasteur Exbrayat fut à nouveau invité en mars 1953 pour parler du pain, de la paix et de la liberté, soixante-dix personnes s’entassèrent encore dans un autre cabaret.
En vérité, sur le « forum clermontois » nous avons rencontré beaucoup de citoyens, et la parole échangée se répercuta en écho dans bien des demeures.
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