Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
- L’impasse
- Recherche de structures nouvelles
- Expériences nouvelles
- Vers la crise
. Introduction
. Synode de Charleville
. Le rapport Keller
. La Commission des structures
. La dernière assemblée
. Une lettre collective
. Synode d’Hargicourt
La crise
Épilogue
. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .
|
Le synode extraordinaire d’Hargicourt (9 avril 1967)
La conjoncture économique n’était pas bonne dans la région depuis de nombreux mois. Déjà, au synode de Charleville en novembre 1966, Paul Lew avait annoncé aux délégués des Églises de la région que « l’heure de vérité sur le plan financier » allait sonner, ce qui laissait entendre que, si la situation financière, qui révélait un grave déficit de trésorerie, ne s’était pas assainie au printemps 1967, plusieurs postes pastoraux devraient être supprimés dans la région ! Cette dramatisation recélait l’aveu que, sous les embarras financiers (qui n’étaient donc pas l’apanage de la petite communauté tourquennoise) un profond malaise se faisait jour. C’était la reconnaissance indirecte que le diagnostic que nous portions depuis plusieurs années et le cri d’alarme que nous lancions désespérément était bien le signe que le malaise atteignait l’ensemble des Églises du Nord, et pas seulement Tourcoing et le secteur des Flandres.
Le président du Conseil régional annonçait la tenue d’une session extraordinaire du synode à Hargicourt au printemps 1967. Celle-ci fut fixée pour la journée du neuf avril.
Nous avions ressenti comme une contradiction entre cette menace de suppression de postes pastoraux (Tourcoing, qui bénéficiait depuis de nombreuses années d’une solidarité financière régionale importante, était particulièrement exposé), et la décision de ce même synode de Charleville de susciter une Commission appelée à préparer l’implantation d’une expérience pilote à Tourcoing. L’avortement de celle-ci (1) dès sa séance inaugurale, le dix-sept janvier, sous le regard attentif du président du Conseil régional, était-il fortuit, ou n’avait-il pas été plus ou moins consciemment programmé ? Le soupçon allait bientôt nous gagner ! De toute évidence, le « constat de carence » dressé par le Conseil régional à l’issue de cette unique rencontre, et adressé habilement pour information au Secrétaire général de l’Église réformée de France, simplifiait les données du problème et laissait le champ libre à la menace de la fermeture du poste de Tourcoing.
C’est pourquoi, conscients que sous le formalisme démocratique de ce processus synodal se profilait cette éventualité qui anéantirait définitivement les actions entreprises et mettrait un terme irréversible à toute collaboration avec le Centre de recherche du Nord et son directeur Ennio Floris (2) (qui, eux aussi, étaient farouchement et sournoisement contestés, et allaient connaître, un an plus tard, un destin comparable), les membres de la communauté de Tourcoing avaient pris les devants et adressé, à l’issue de leur dernière assemblée générale de février 1967, la motion citée précédemment (3) au Conseil régional.
La « lettre collective » (4) signée par les membres du groupe de recherche biblique (5), également destinée au Conseil régional, espérait de son côté contenir la menace de leur propre disparition. Ainsi, membres protestants de la paroisse traditionnelle et bénéficiaires extérieurs au protestantisme des ouvertures nouvelles comptaient bien pouvoir, les uns et les autres, convaincre les délégués du synode d’Hargicourt que l’espoir de surmonter le malaise passait par le courage de la foi, et non par une manœuvre en retraite qui ne garantirait même pas ce qu’on croyait sauvegarder !
Quelques-uns des membres du groupe de recherche biblique proposèrent, même sans représentativité officielle, d’assister en témoins discrets à la session synodale du neuf avril aux côtés des délégués de la paroisse de Tourcoing.
La brève session du synode, qui ne devait durer que quelques heures, allait réserver la plus amère surprise à ces amis, qui assistaient pour la première fois à une assemblée délibérative de l’Église réformée de France. Ils furent les témoins d’une session d’enregistrement de décisions déjà prises par le Conseil régional, et présentées avec habileté dans le rapport de son président aux délégués, qui les entérinèrent sans discussion, puisqu’on ne leur laissait pas d’autre choix devant l’urgence dramatique de la situation financière de la région !
Alors, sans que le pasteur de Tourcoing ait obtenu la parole pour poser une seule question ou apporter des éléments d’information pour que les délégués puissent se former un jugement différent, le vote de l’assemblée fut acquis : le poste de Tourcoing était « mis en sommeil » pour une durée indéterminée à partir du premier octobre 1967. Le synode national, réuni à Vabre en mai 1967 devait confirmer cette décision régionale, ce qui impliquait, avec le départ prochain du pasteur, l’arrêt brutal et irresponsable d’une expérience en plein essor. Nous ne parvenions pas, les uns et les autres, à ce moment-là, à écarter de notre esprit que nous venions d’assister, impuissants, à une mise en scène dégradante, où le conservatisme le plus obtus ricanait d’une satisfaction revancharde !
Sans attendre le terme de la séance synodale, nous avons tous quitté la salle dans le silence triste d’une colère contenue.
Désormais, la crise était ouverte…
______________
(1) Voir le compte-rendu de cette Commission. 
(2) Voir une brêve biographie d’Ennio Floris par Jacques Lochard (1986), l’autobiographie d’Ennio Floris (2012), et son autobiografia (2005). 
(3) Voir le texte de la motion. 
(4) Voir la lettre. 
(5) Voir l'histoire du groupe de recherche biblique de Tourcoing. 
|