Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
- Introduction
- Le fils de Marie
- Le fils de prostitution
- Marie, femme prostituée ?
- Les récits sur Marie
- L’enfant sauvé par Yahvé
- Le samaritain
- L’homme sans père
- Le fils de David
- Le fils de Joseph
- Qui est ma mère ?
- La mère de Jésus
- Le père de Jésus
. Klopas
. Panthère
- Résumé
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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Klopas
Nous avons cherché à connaître la mère de Jésus à partir des femmes de son entourage. Nous avons ainsi abouti à formuler une hypothèse séduisante, à savoir que cette Marie qui, dans l’évangile de Marc, est appelée « mère de Jésus » est, en réalité, si on suit le quatrième évangile, la sœur de sa mère.
J’ai avancé cette hypothèse à la suite d’une série d’équations qui m’ont conduit à identifier Marie, mère de Jacques et de Joset, que nous retrouvons au pied de la croix selon les synoptiques, à la fois à Marie, sœur de la mère de Jésus selon le quatrième évangile, et à Marie mère de Jésus selon Mc 6.
En transposant les équations de ces femmes à leurs maris, on trouve que Marie, mère de Jacques le mineur et de Joset est femme d’Alphée, puisque Jacques le mineur est fils d’Alphée d’après Mc 9:18 ; Mt 10:3 ; Lc 6:15 et Ac 1:13. On constate aussi que Marie, sœur de la mère de Jésus est considérée comme femme de Klopas. Mais puisque Marie, mère de Jacques, a été identifiée à Marie, sœur de la mère de Jésus, la femme d’Alphée est la même personne que la femme de Klopas.

Cette identification se heurte au fait qu’elle nous oblige à affirmer qu’Alphée serait la même personne que Klopas, dès lors on devrait conclure qu’Alphée est une traduction ou une altération de Klopas, ou vice-versa. Mais si l’on procède à l’analyse philologique de ces deux noms, toute assimilation est impossible(1). C’est pour cette raison que des exégètes ont renoncé à la tentative d’identifier les deux Marie.
On peut cependant se demander si les deux noms sont du même genre. On constate en effet que, dans les évangiles comme dans l’histoire de la politique ou de l’art, certains hommes ont deux noms dont l’un est propre alors que l’autre est un surnom venant de leur ville, du caractère de leur œuvre, d’un événement de leur vie ou d’une autre source encore(2). Il faut ajouter aussi que, dans les milieux religieux, le nom propre est souvent remplacé par un nom d’élection. Le nom change aussi dans la littérature allégorique, toujours prête à personnaliser des faits, des situations ou des concepts.
En considérant que le nom de Klopas se trouve dans le quatrième évangile, dont le discours est allégorique, on peut supposer qu’il a été formé à partir de l’allégorisation d’un fait accompli par le mari de la sœur de la mère de Jésus, ou qu’il s’agissait d’un surnom, d’autant plus que je n’ai pas trouvé dans l’histoire biblique ou profane, pas plus que dans la mythologie, d’exemple d’une personne appelée Klopas. Le nom est grec, tiré du verbe « klopeo » qui signifie « voler » ; Klopas signifierait donc « voleur », de la même façon que « klopa » signifie « vol ». Il se trouve aussi que, dans le lexique grec, « klops » est uni à « pator » dans le mot « klopo-pator », qui désigne le père d’un bâtard, dans la mesure où il s’agirait d’un père « furtif ».
L’auteur du quatrième évangile aurait-il alors mis auprès de la croix, à côté de la mère de Jésus, sa sœur Marie, femme de Klopas, pour y faire apparaître le père naturel – furtif – de Jésus ? Dans ce cas, l’homme qui a fécondé la mère de Jésus serait son beau-frère, l’oncle maternel de son fils. Le quatrième évangile révèlerait donc le père de Jésus sous l’énigme de son allégorie. Il s’agirait d’une révélation destinée à accomplir l’exigence théologique du texte, plutôt qu’à informer le lecteur : la situation de l’écriture voulait que l’autre protagoniste de la vie terrestre de Jésus, son père naturel, fut présent sur la scène de la croix avec sa mère, première protagoniste.
Par cette lecture, le champ du non-dit du quatrième évangile correspondrait à l’arrière-plan de la généalogie de Matthieu, où le père naturel de Jésus transparaît derrière l’union incestueuse de Tamar. La mère de Jésus se serait-elle donnée à son beau-frère pour se faire justice par elle-même, après avoir été abandonnée par l’homme auquel elle avait droit ? Rien n’est certain, mais la correspondance de ces deux champs référentiels nous donne des raisons de le soupçonner.
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(1) Les deux noms ont en effet des racines différentes : Klopas de Klopeuo (voler, dérober) ; Cléophe (Lc 24:18) de Kleio (célèbre), d’où aussi les noms de Cléopâtre, Héraclès, Kléothera, etc. 
(2) Abram = Abraham (Gn 17:5) ; Sara = Sarai ( Gn 17:15) ; Jacob = Israël ( Gn 32:2) ; Simon = Képhas ( Jn 1:42) ; Saul = Paul ( Ac 13:9). 
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