ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La genèse du discours de Jésus :

les références bibliques dans le processus de sublimation du complexe du bâtard



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours

Genèse du discours
- Introduction
- La purification
- La crise
- Les références bibliques
  . Introduction
  . Osée
  . Ézéchiel
  . Comparaison
- La vision d’Osée
- Le message d’Ézéchiel
- Le Dieu de Jésus
- La personnalité de Jésus
- Le discours
- Résumé

Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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Le message d’Osée


   On peut résumer ce message ainsi : la première fois, Dieu adresse sa parole à Osée en lui ordonnant de prendre comme femme une prostituée afin d’avoir avec elle des enfants de prostitution. Le prophète s’unit donc avec Gomer, dont il a trois enfants : Yizréel, Lo-Ruhamah et Lo-Ammi (Os 1). L’action est symbolique, signifiant qu’en s’alliant à Israël Dieu s’est uni à une femme prostituée.
   Dieu s’adresse une seconde fois au prophète et lui commande d’aimer une femme « adultère ». Le prophète exécute l’ordre en achetant une telle femme et en lui intimant l’ordre de s’abstenir de toute prostitution. Ici aussi, l’action est symbolique : le prophète doit aimer cette femme « comme l’Éternel aime les enfants d’Israël, qui se tournent vers d’autres dieux et qui aiment les gâteaux de raisin » (Os 3).
   Le message du prophète découle de l’image centrale de ces deux récits. La parole du prophète va de l’exhortation à la menace, selon qu’il appelle la femme prostituée à abandonner ses amants ou qu’il lui annonce le jugement de Dieu si elle persiste dans son infidélité.

   Avant d’étudier le message, il faut chercher à résoudre le problème posé par le texte. Même un regard superficiel suffit à nous convaincre que ce problème est complexe : s’agit-il d’une parabole, ou d’actes réels ? Le prophète a-t-il pris pour épouse une prostituée dans le but d’accomplir une action prophétique, ou a-t-il donné une signification prophétique à un épisode de sa propre vie ?
   Quelle que soit la réponse, la narration de ce double mariage fait problème. En effet, si le récit est biographique, il est difficile de comprendre comment le prophète a pu tomber deux fois dans la même errance amoureuse. Si, par contre, il est symbolique ou relève de la volonté de Dieu, ce doublet reste une énigme tant prophétique que littéraire, d’où les innombrables tentatives d’explication(1).

   Il semble que les deux récits disent la même chose, quoique leur rédaction soit différente et que ces différences soient très importantes. Le premier est à la troisième personne, le second à la première. Dans l’un on précise que le prophète doit s’unir avec une femme « de prostitution » (zinubim – porneias), dans l’autre on affirme que cette femme est « adultère » (menapet – moixilion). Là, cette femme a un nom, Gomer, ici par contre elle reste dans l’incognito. Dans le premier, la prostituée donne au prophète trois enfants, qui ont tous des noms symboliques, dans le second elle n’a pour fils que les enfants d’Israël (Os 3:1). Enfin, le premier récit ne manifeste pas son symbolisme et apparaît structuré selon les normes rhétoriques des récits paraboliques alors que le second, au contraire, s’éloigne de ces règles, l’image s’associant à la chose signifiée : la femme adultère doit s’abstenir de forniquer, de même que « pour longtemps les enfants d’Israël resteront sans roi, sans chefs, sans sacrifice, sans statue, sans éphod et sans théraphim » (Os 3:4).
   Ces différences nous obligent à considérer le second récit comme étant l’oracle originel, qui revient au prophète lui-même. Le premier, par contre, serait une rédaction littéraire de cet oracle, ayant pour but soit de lui donner une forme littéraire, soit d’en censurer les affirmations scandaleuses tel le mariage avec une adultère, soit enfin de le fixer dans tous ses détails par rapport à sa signification. En effet, les enfants n’ont que des noms symboliques qui expriment les phases de l’histoire d’Israël sous Tiglat Pileser.

   Si cette explication ne répond pas à toutes les interrogations que suscite le message, elle résout cependant les problèmes littéraires posés par le texte. Quant à l’action, j’estime qu’il s’agit bien d’un fait réel : le prophète s’était bien proposé de se marier avec une adultère mais, après une période d’épreuve au cours de laquelle elle aurait dû montrer une fidélité sans failles. Cette épreuve était le signe de celle que Dieu imposait au peuple, mais ce signe était à son tour signe d’un autre fait, de cette situation dans laquelle le peuple était contraint de vivre sous Tiglat Pileser, sans roi et sans sacrifice car royauté et sacrifice étaient considérés comme une prostitution.

   Il faut porter une attention toute particulière à la liaison symbolique entre l’abstention de toute prostitution et la privation de royauté et de sacrifice. L’adverbe « pour longtemps » pourrait nous amener à distinguer les deux faits, comme si après une certaine période le peuple aurait à nouveau son roi et son culte. Or il n’en est rien : s’il s’agit bien d’une période d’épreuve, celle-ci ne s’achèvera pas par le retour à la royauté ou au sacerdoce, de même que la période d’épreuve de la femme adultère ne finira pas par le retour à la prostitution.
   La fin sera marquée, au contraire, par l’instauration d’une nouvelle alliance, dans laquelle Dieu se liera au peuple non par une loi mais par l’amour, non comme maître mais comme époux(2). Il y aura donc un ordre nouveau, où Dieu lui-même sera roi et prêtre, et où le sacrifice sera remplacé par la piété. Il s’agit d’une épreuve plus eschatologique qu’historique, marquée par un retour aux origines et par une rupture totale avec l’État juif, où le peuple n’est plus une nation – donc semblable à une prostituée – mais la famille des enfants de Dieu(3).

   Ces considérations nous permettent de mieux comprendre la parénétique du message, qui prend la forme d’une plaidoirie. Dieu accuse Israël parce qu’il ne poursuit pas l’épreuve et continue à s’adonner à la prostitution : le peuple veut demeurer nation. Dieu confie cette accusation aux enfants de son épouse : « Plaidez, plaidez contre votre mère » (Os 2:4) : les enfants rejettent sur leur mère la honte de leur naissance illégitime. Tout le message du prophète prend sens dans cette plaidoirie, qui en constitue le centre. On notera l’accusation (Os 2:1-10), la menace de la peine, qui coïncide avec celles des femmes adultères : la mise à nu de la femme et enfin sa mort.

   À cela s’ajoute une troisième partie, dans laquelle l’accusateur manifeste l’intention de rester toujours époux de l’accusée, poussé par un profond et mystérieux désir d’amour. Il veut donc conduire l’infidèle dans le désert, pour nouer avec elle une nouvelle alliance. Le sens de cette troisième partie est équivoque, car on peut la comprendre comme une alternative offerte à l’accusée : l’accomplis­sement des noces promises si elle revient, ou la condamnation si elle persiste dans la prostitution. Mais on peut y voir aussi une résurrection, une nouvelle naissance de l’épouse après sa purification par la mort.
   La suite du message nous incline à retenir cette seconde explication : « Il nous a déchirés mais il nous guérira. Il nous prendra la vie deux jours, le troisième jour il nous relèvera » (Os 6:1-2) ; « Je les rachèterai de la puissance du séjour des morts. Je les délivrerai de la mort. Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction ? » (Os 13:14). Ainsi la punition définitive de l’épouse a eu lieu, Samarie a été détruite, les enfants ont été déportés, voués à la mort. Couverte par les montagnes et les collines qui lui sont tombées dessus, la terre de Samarie devient un tombeau.
   L’appel amoureux de Dieu aurait été presque moqueur et insolent, s’il n’avait été qu’une simple alternative, mais il s’agit au contraire d’une nouvelle création d’Israël à partir de l’amour de l’époux. Dans cette vision, le désert devient une image dense de poésie et de signification : le désert est Israël, « morte de soif » dans l’abandon où Dieu l’a laissée. Elle est « semblable à un désert, à une terre aride », comme au jour de sa naissance (Os 2:5). Le désert étant le lieu d’origine d’Israël comme de Dieu, Dieu anéantit son épouse parce qu’il l’abandonne en revenant à sa demeure originaire, au désert. « Je m’en irai, je reviendrai dans ma demeure » (Os 5:15) : la demeure de Dieu coïncide donc avec celle où se trouve sa fiancée, revenue à sa situation originelle par la mort. La fiancée peut renaître parce que Dieu est là, la punition a reconduit Dieu et Israël au temps reculé de leur premier amour.

   Les oracles qui suivent cette page centrale du message ne font que préciser les détails du péché de prostitution de l’épouse et de la punition de Dieu. Les étapes de celle-ci suivent les degrés du péché : la punition a d’abord une fonction d’avertissement, puis d’épreuve, enfin de condamnation.
   Le compilateur a exprimé ces trois étapes en les personnalisant dans trois enfants : Yizréel, Lo-Ruhamah et Lo-Ammi. Le premier est le symbole de l’avertissement, le deuxième de la fin du pardon de Dieu, le troisième enfin de la condamnation.

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(1) Voir J. F. Cragham, « Le livre d’Osée et l’interprétation récente », in Bulletin de théologie biblique (1), 1971, pp. 87-103. Dans ces interprétations, je noterai deux tendances fondamentales.
La première interprète l’ensemble du message comme une parabole, en niant tout fondement à l’hypothèse d’une expérience matrimoniale du prophète. Voir à cet égard J. Coppens, « L’histoire matrimoniale d’Osée. Un nouvel essai d’interprétation », in Altestestamentliche Studien, F. Botscher – P. Honstein Verlag, Bonn, 1950 : pour l’auteur, le récit n’aurait qu’une valeur métonymique.
La deuxième tendance considèrerait le message comme une interprétation de son expérience existentielle par le prophète : H. H. Rowley, « The message of Osee », in Men of God, op. cit. pp. 66-97. Au sein de cette tendance, l’interprétation analytique de M. Allwchon mérite une attention toute particulière : « Die Ehe der Prophetes Hosea », in Psychoanalystichen Belienchtung, Topelmann, Giessen, 1926.   Retour au texte

(2) « En ce jour-là – oracle de Yahvé – elle m’appellera " mon homme " (’isi), elle ne m’appellera plus " mon maître " (bahaly) » (Os 2:18). L’opposition entre ’isi et ba’ly ne peut être comprise que comme un renoncement du mari à se comporter en maître, pour ne plus être considéré que comme époux : « je te fiancerai à moi pour toujours » (Os 2:21).   Retour au texte

(3) L’ordre futur est exprimé par ces paroles : « Après cela, les enfants d’Israël reviendront : ils chercheront l’Éternel leur Dieu, et David leur roi et ils tressailliront à la vue de l’Éternel et de sa bonté, dans la suite des temps » (Os 3:5). Selon toute probabilité, l’expression « David » est une interpolation, les message originel étant « l’Éternel, leur Dieu et leur roi ». En tant que Dieu, l’Éternel abolit le sacrifice, en tant que roi il rend superflue la royauté. Cette interprétation me paraît répondre de façon directe à la recherche de J. Swaim, pour qui le message d’Osée a une dimension politique, plus que familiale ou éthique (voir J. Swaim, « Osea the Statesman », in Biblical and new eastern studies, W. B. Eerdmons Pub, Michigan, pp. 177-183).   Retour au texte



1984




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u0931000 : 08/04/2018