Sur les bords du Jourdain

Les thèmes d’Osée et le message ultérieur de Jésus :

le péché du peuple

   Il existe aussi un parallélisme en ce qui concerne le péché du peuple, la plainte de Dieu contre lui et sa condamnation.

   Osée exprime le péché du peuple par la métaphore de la prostitution et de l’adultère. De même qu’Israël, l’épouse, est une prostituée et une adultère, ses enfants sont fils de prostitution (Os 1:2). Chez Jésus aussi, la métaphore qui exprime de façon dominante le péché du peuple concerne sa légitimité : les fils d’Israël sont « une race méchante et adultère » (Mt 16:4 ; 12:39 ; Lc 11:29). Dans le premier discours, mais aussi dans son message ultérieur, il accuse les pharisiens et les sadducéens (le judaïsme dominant) d’être « une race de vipères » (Mt 3:7 ; 12:34 ; 23:33) ou des « fils du diable » (Jn 8:44).
   En fait, l’adultère et la prostitution se traduisent chez Osée par le comportement de la nation qui s’adonne à des pratiques contraires à l’alliance avec Dieu. Concrètement, il s’agit d’alliance avec des puissances étrangères, de cultes païens dans les hauts-lieux, bref d’une vie paganisante et idolâtre. Si cette prostitution est reprochée au peuple, aux pères et aux mères comme aux fils et aux filles, elle concerne au premier chef les tenants du pouvoir : le roi, les prophètes, les sacrificateurs.
   Chez Jésus aussi, l’illégitimité des fils d’Abraham trouve sa correspondance dans l’attitude des responsables du peuple qui, au lieu de le conduire vers Dieu, lui barrent le chemin (Mt 23:13). Au fond, on peut affirmer que le péché est moins le fait du peuple que de la nation.

   Pour les deux prophètes, la plaidoirie découle de cette conception. De même qu’Osée appelle les enfants à plaider contre leur mère – contre le roi, les sacrificateurs, les prophètes, le sacrifice –, Jésus, en s’insurgeant contre les tenants du pouvoir, appelle le peuple à plaider contre sa mère – la tradition des pères, l’enseignement des pharisiens, l’autorité des grands-prêtres, le sacrifice et les rites de purification, les privilèges de la race, bref l’idéologie de la nation –.

   Enfin, si pour l’ancien prophète du nord, la punition de Dieu se manifeste par la réduction de la nation à un désert – sans roi, sans sacrifice, sans éphod ni statue – pour le nouveau prophète elle mène à la libération du peuple par rapport à la tradition, à la loi mosaïque, au sacrifice, au code généalogique, etc. Le peuple n’est plus fils de Dieu parce que fils d’Abraham, mais fils d’Abraham parce que vivant comme fils de Dieu.

   On peut affirmer sans risque d’erreur que Jésus mène à son aboutissement l’idéal révolutionnaire d’Osée, mais par l’accomplissement même de ce jugement qu’il voulait écarter.