yant précisé les moyens de parvenir à la connaissance de la divinité de l’homme, Vico se met à parcourir toutes les facultés de l’esprit, des sens à l’entendement, afin de contempler la splendeur du simulacre de Dieu. La rapidité de la sensation, la créativité de la fantaisie, la puissance synthétique du jugement, comme aussi l’extension du raisonnement, toutes ces activités ne font que « démontrer et montrer la divinité de l’esprit ». Page sans doute oratoire, mais dont le but précis dans le contexte du discours est de nous introduire au plus haut degré de la pensée. Il manifeste aussi l’intention de rejoindre Descartes, passant du niveau de l’art à celui de la philosophie, de l’homme artisan à l’homme cogitans.
Ce résumé de l’itinéraire cartésien se rapporte plus directement aux Méditations qu’au Discours : premier texte par lequel Vico se rapproche du grand philosophe.
« Bien que l’entendement humain remette en doute toutes choses auxquelles il s’attache, il ne peut cependant douter de penser, car douter c'est penser ». Ainsi, à partir du doute, il parvient à déterminer la res cogitans, l’infinitude de l’idée, l’existence de Dieu. Bref mais précis, ce texte témoigne des lectures cartésiennes poursuivies par Vico avec M. Doria. À ce moment-là, en dépit de ce qu’il en dit dans l’Autobiographie, était-il lui-même un cartésien (7) ? D’un cartésianisme qui ne l’asservissait pas à l’école.
Il convient cependant de remarquer qu’il assimile la pensée du maître d’une façon personnelle, l’adaptant à sa propre terminologie, donc à ses catégories de pensée. L’idée est traduite, en effet, par notio ; le cogito est une cogitandi conscientia, soulignant le fait qu’il s’agit non d’une connaissance fondatrice de science, mais de conscience. Enfin, la perception de l’infinitude de l’idée est exprimée par sentit, verbe qui semble renvoyer à la gnoséologie campanellienne (8). S’il est impossible qu’il ait entrepris une critique fondamentale du cartésianisme, du moins peut-on dire qu’il la porte en gestation.
Quoi qu’il en soit, la contestation du cartésianisme l’intéresse moins que son assimilation. L’accent est mis principalement sur l’infinitude de l’idée. « Par la suite, il perçoit (sentit) de posséder la notion de quelque chose d’infini... et il en déduit (colligit) que cette notion de quelque chose d’infini provient d’une réalité infinie ».
Or son attention est portée à ce point de l’itinéraire cartésien, parce qu’il rejoint cette infinitude d’être par laquelle Pic de la Mirandole et Ficino avaient défini l’homme. Les deux écoles aboutissent donc au même résultat, l’une en mettant l’accent sur l’œuvre, l’autre sur la pensée, elles ont tracé un chemin de conversion de l’esprit en lui-même, jusqu’à découvrir l’existence de Dieu. « Oh ! admirable puissance de l’esprit (mentis) humain, qui nous conduit à la connaissance du Bien suprême, Dieu O. M. par le fait qu’il revient (conversa) à lui-même ». En même temps est affirmée la découverte de la divinité de l’homme – découverte de soi-même – l’élevant à un sommet tel qu’il rejoint Dieu. « Oh ! admirable connaissance de soi, combien haut tu nous portes et nous élèves ! ».
Ainsi la connaissance de soi devient le lieu de la rencontre entre l’humanisme et le cartésianisme.