Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
INTRODUCTION
LES DISCOURS
Vico orateur
. La chaire de rhétorique
. Rhétorique et éloquence
. Sur le sillage de Pic de la Mirandole
. Le message du De hominis dignitate
. Discours d'ouverture
La connaissance de soi et la divinité de l'homme
Conscience éthique et conscience historique
La morale des intellectuels
La politique du pouvoir et la politique de l'autorité
Le droit de la guerre et la sagesse du Droit
La corruption de la nature et la méthode des études
La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico
DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE
Vue d'ensemble
La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique
La nouvelle science
La controverse des langues
Langue et méthode
Le vraisemblable et le sens commun
Le « cogito » cartésien et l'interrogation vichienne du doute
Logique analytique et logique synthétique
Métaphysique et mathématiques
DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE
BIBLIOGRAPHIE
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e jeune Vico s’était adonné aux études de latin, moins poussé par un souci professionnel que pour répondre à des exigences profondes de culture. Pour gagner sa vie, il espérait pouvoir entrer dans l’administration, après un concours à un poste de secrétaire communal. Il échoua. Ses brillantes capacités en latin étaient devenues si notoires qu’il avait attiré l’attention de M. Caravita, qui lui proposa la chaire de rhétorique devenue vacante à la mort de son titulaire (1).
Sans doute était-ce, dans l’échelle universitaire, la dernière place en dignité et en profit, mais suffisante pour lui permettre sans trop de peine et avec honneur d’entrer dans l’âge adulte. Arriviste, il eût assumé cette fonction avec un certain détachement pour mieux briguer un avancement dans sa carrière. Mais il l’exerçait avec un tel sérieux et un tel empressement qu’il trahissait un penchant naturel pour cette discipline. En effet, la rhétorique correspondait au caractère littéraire des études entreprises, mais elle lui offrait aussi la possibilité d’y associer une réflexion philosophique. En outre, ne possédant pas de limites bien établies, elle s’était toujours située entre la dialectique et la philosophie, tout en offrant une possibilité d’expression aux problèmes linguistiques et esthétiques.
Vico n’était pas homme, non plus, à se contenter d’enseigner les formes du langage en négligeant les problèmes de contenu. Ses Institutiones oratoriæ – résumé de ses cours – montrent bien qu’il se libérait de temps à autre de la « dictée » scolaire pour des divagations à caractère philologique et esthétique. Tout nous porte à croire qu’il se contentait de cette chaire à cause de la marge de liberté qu’elle lui offrait. On doit dire cependant que la liberté qu’il cherchait était ambiguë, parce qu’il voulait exercer une fonction philosophique sous le couvert de l’enseignement rhétorique. Philosophe déguisé en rhétoricien, il a été considéré par beaucoup – même aujourd'hui – comme un rhétoricien qui se voulait philosophe !
L’occasion de mettre en relief ce double rôle lui a été fournie par la coutume qui voulait qu’à un professeur de rhétorique fut confiée d’office la charge de tenir les discours d’ouverture de l’année scolaire. Cet honneur lui était sans doute revenu parce qu’il était le dernier des enseignants, mais aussi le mieux préparé à s’exprimer, selon la coutume, en bon latin. En outre, sa discipline le rendait habile à bien parler sans rien dire.
Bien que cette tradition eût été interrompue, Vico l’a reprise avec une intention bien arrêtée. De l’art du discours, il possédait une conception fort différente de celle des rhétoriciens, pour qui le discours ne tenait que dans la forme et dans l’élégance du dire. Pour Vico, au contraire, il était la science intégrale de la parole qui analyse les formes d’expression, susceptible d’offrir aux hommes l’aptitude à bien dire la réalité. C’est l’art qui fait l’orateur (2). C'est pourquoi Vico avait saisi dans ces discours d’ouverture l’occasion la plus propice de passer du rhétorique à l’orateur.
Une page de l’autobiographie nous fait connaître l’importance qu’il donnait à cette fonction oratoire. Jetant un regard sur la situation culturelle de son temps, Vico avait remarqué qu’un renouveau, tant dans les études classiques qu’en philosophie et en science, mais non dans l’éloquence, avait bien eu lieu (3). En effet – écrit-il – « malgré ces efforts, il aurait été impossible d’entendre ces discours inspirés par la sagesse grecque pour la conduite des mœurs, et par la grandeur romaine pour susciter des passions » (4). À quoi bon, alors, enseigner la rhétorique si l’orateur n’a plus de place ? Vico voulut donc combler le vide en se donnant lui-même comme orateur à l’Université.
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