’ouverture de ce premier discours est solennelle, presque sacrée. Elle rappelle le gnôtis eauton, nous invitant à le lire tel qu’il a été gravé dans le temple de Delphes. Cependant l’intention du jeune orateur n’était pas religieuse, puisqu’il voyait dans l’oracle la révélation authentique de la divinité de l’homme, tandis que la tradition grecque y lisait la norme suprême de l’éthique du reniement. Vico l’interprète à la lumière du De hominis dignitate.
Pourquoi cet appel ? Les réformes successives avaient placé l’Université de Naples au même niveau que les autres universités européennes, l’ouvrant aux courants de la pensée moderne, mais l’ayant coupée de la tradition humaniste (2). Le rappel de l’oracle semble donc avoir deux buts : l’un, de faire redécouvrir l’idéal humaniste dans les exigences les plus profondes de la conscience ; l’autre, d’offrir un principe de compréhension universel permettant la rencontre des deux cultures ancienne et moderne.
Sur le moment, Vico s’abstient d’insister sur les raisons objectives de rupture pour attirer l’attention sur les relations d’analogie existant entre ces deux cultures. Même lorsqu’elles s’opposent, il convient de les comprendre historiquement pour mieux les définir philosophiquement. Or le « connais-toi toi-même » représente l’instance suprême de cette approche ; il nous rapporte à l’unité de conscience qui demeure valable autant pour les humanistes que pour les cartésiens. C’est la première approche philosophique où le niveau épistémologique se confond avec l’existentiel. On atteint le réel par la connaissance de soi (conscientia sui) par laquelle nous existons en tant qu’homme.
S’agissant de conscience, la « connaissance de nous-mêmes » implique l’effort (conatus) d’une reconversion de l’esprit à lui-même, à partir des sens où il était dispersé. « Revocare mentem a sensibus et a consuetudine cogitationem abducere ». L’esprit est un processus de pensée. J’ai estimé utile de transcrire cette expression en latin, afin de mieux en faire apparaître l’origine et les affinités. Issue du platonisme, elle a été reprise par l’Académie florentine et appropriée enfin par Descartes (3). Vico l’utilise sciemment dans son ambiguïté, afin de dialoguer simultanément avec les deux écoles.