ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



5-  Langue  et  méthode






51- Sur les traces de Valla



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode
Sur les traces de Valla
Le génie et la langue
L’ingenium et l’esprit
Ingéniosité et spiritualité de
  la langue
La spiritualité du français
L’italien, langue d’art
Finesse et sublimité
Culture et créativité de la
  langue
Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


appelant l’influence de Valla sur son orientation humaniste, Vico écrit de lui-même dans l’Auto­biografia : « Il fut poussé à cultiver la langue latine qu’il étudia à partir des écrits de Cicéron après une lecture des Élégances latines de Loren­zo Valla, reprises de l’œuvre des jurisconsultes romains » (1). C’était à la veille de son départ pour Vatolla.
   Envoûté par l’esthétique précieuse du Baroque selon l’esprit de l’époque, le jeune Vico était alors loin d’apprécier les anciens de la littérature latine et italienne. Il aimait, comme les gens de son âge, les concetti (locutions sentencieuses) et les argu­zie (sentences à surprise). Les compositions poéti­ques dans ce style lui offraient l’occasion de s’é­va­der des subtilités et de l’aridité de la logique de l’école. Aussi avait-il composé un bref poème sur la Rose, sujet devenu classique dans toute la tra­dition du Baroque et de l’Arcadie (2).

La lecture des introductions valliennes aux Ele­gantiarum libri exerça sur lui une influence déci­sive. Il se retira dans la forêt de Vatolla comme dans un noviciat, se consacrant au culte des an­ciens. Il partagea ses études entre la littérature lati­ne et l’italienne, associant les trois grands du Tre­cento italien, Dante, Pétrarque et Boccace, aux trois auteurs du classicisme latin, Cicéron, Horace et Virgile. Par cette méthode, il empruntait la voie royale de Bembo en y associant, néan­moins, Dante. Tout en menant simultanément l’étude des deux langues, Vico demeurait fidèle aux idéaux de Valla, car ses préférences allaient vers le latin, lan­gue modèle (3).
   Par la suite, de retour à Naples, il choisit d’a­ban­donner l’italien (le toscan), et également de ne pas apprendre le français (4). Cette décision in­dique que Vico donna son adhésion à un humanis­me radical, l’amenant à rompre avec le Baroque et le Cinquecento, pour ne s’inspirer que du Quat­tro­cento. Il voyait l’incarnation du langage et de l’humanitas dans le latin. Par cet esprit, il entra en conflit avec le renouveau littéraire, introduit à Nap­les par Buragna et Leonardo di Capio pour l’italien, et Thomas Cornelio pour le latin. En eux, il critiqua moins le style que le manque d’idéal qui avait animé les grands humanistes. Il a reconnu que Buragna et di Capio avaient abandonné le for­malisme baroque, mais il les a accusés cependant de s’en être tenus aux modèles de second ordre, tels que della Casa. Quant à T. Cornelio, il lui a re­proché de ne pas rehausser son style par la gran­deur rayonnante des auteurs latins (5).
   Même louables, les deux réformes manquaient d’esprit. La décision de devenir orateur avait mûri à la suite de ses réflexions, ainsi que j’ai eu l’occa­sion de le dire dans la première partie. Il a voulu insuffler dans l’esprit critique des jeunes, dépour­vu de poésie, un peu de la passion hé­roïque qui était la marque de l’humanisme de Valla.

Ce choix et ces préférences jetèrent et jettent en­core des ombres sur lui, parce qu’il peut apparaî­tre comme en porte-à-faux avec son époque. Mais le génie ne se soumet à son temps que lorsque ce­lui-ci est à sa mesure. Or Vico a cherché à mettre son époque en accord avec le temps qui s’accom­plissait dans son esprit, par la rencontre de l’hu­manisme du Quattrocento avec l’esprit critique. Il n’a pas étudié les anciens pour s’enfermer dans le passé, il s’est engagé pour l’homme nouveau.
   Sa participation à la querelle des langues doit être comprise dans le cadre de cette lutte. Par ses antécédents culturels, il n’est pas surprenant que Vico se soit particulièrement senti concerné par la querelle. Mais était-il en mesure d’y répondre ? En effet, il avait étudié la littérature italienne, mais il a semblé ignorer le français qu’il n’a pas voulu apprendre. Je ne pense pas qu’il faille trop insister sur cette confession parce que le refus d’appren­dre le français n’a pas établi son ignorance de la grammaire et de la syntaxe, ni même son incom­préhension du texte. De même que l’interruption de l’étude du toscan pour se consacrer exclusive­ment au latin n’a pas signifié qu’il n’a pas su lire ni écrire en italien. L’autorité avec laquelle il est in­tervenu dans la querelle des langues indique qu’il avait du français une connaissance gram­mati­cale suffisante pour en juger, tout en ne sa­chant ni le parler ni l’écrire.

La polémique des langues a toujours joué sur l’équivoque, confondant les deux niveaux lin­guis­ti­que et stylistique. Elle a manifesté aussi que les stylistes ont jugé l’italien à partir des prérogatives du français, ou celui-ci à la lumière de l’italien. On jugeait de l’excellence d’une langue sur une autre, sans avoir de principe critique de comparaison. Or, Vico a fondé la confrontation sur une base philosophique. Sans doute s’est-il servi des contri­butions des autres, mais il a eu le mérite de transformer la querelle en un problème de langue et de culture.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312510 : 07/09/2017