ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa rupture cartésienne et la naissance
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Le De nostri temporis studiorum ratione (1708)5- Langue et méthode |
56- L’italien, langue d’art |
Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
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lors que le français se fonde sur les relations distinctives du sens, l’italien s’appuie sur les relations de similitude. Alors que le premier est une langue abstraite, le second est une langue concrète, née plus pour « susciter des images » que pour signifier des concepts. Le français a couronné une tradition linguistique tendant à subordonner l’expression à la signification, l’italien, par contre, a marqué l’aboutissement d’un travail stylistique orienté essentiellement vers l’expression. Vico a fait allusion aux arts en réponse à une insinuation du P. Bouhours, pour qui la langue italienne « songe plus à faire de belles peintures que des portraits, et parce que ses tableaux plaisent, elle ne se soucie pas trop qu’ils ressemblent » (33). Ces remarques se justifient par la culture française, dans laquelle les arts ne trouvaient qu’une place subordonnée, et qui avait une fonction plus littéraire qu'expressive. Il est possible que le P. Bouhours se soit laissé gagner par la finesse et la spiritualité de la langue française que Clouet avait transposée dans ses portraits. Aussi s’est-il penché sur la littérature italienne sous l’influence de la littérature baroque, dont le but était éminemment pictural. Il est regrettable que Vico se soit borné à souligner le caractère artistique de la langue italienne, sans se soucier d’en mettre en relief les prérogatives comme il l’avait fait pour la langue française. Sans doute l’a-t-il laissé deviner, puisque la dialectique des deux langues sous-entend que l’une est abstraite et l’autre concrète. Si le français est arbitraire, l’italien ne peut être que motivé ; si une langue est œuvre de l’esprit, l’autre l’est de l’ingenium. La ligne de partage des deux langues passe par la métaphore. Tandis que le français s’en tient à des métaphores raisonnables, l’italien retrouve dans la métaphore elle-même l’instrument de sa propre création. Langue « toujours en acte, elle transporte l’esprit des auditeurs dans les choses les plus lointaines et les plus reculées par la puissance des similitudes » (35). Le mot « en acte » (actuosa) transfère sur la langue italienne une qualité propre à la métaphore. Vico l’a repris de la Rhétorique d’Aristote, mais il l’a aussi retrouvé dans les courants esthétiques de la Renaissance et du Baroque. Par le mot « energeia », Aristote voulait désigner une métaphore « qui met la chose sous les yeux », c’est à dire qui ne joue pas seulement le rôle de signe signifiant, mais de symbole poétique représentatif de la chose. Or la métaphore serait surtout « en acte » quand il s’agit d'animer les choses matérielles en leur donnant une personnalité et une action (36). Vico a fait de la métaphore « en acte » le fondement de la philosophie du langage. Il l’a considérée alors comme une forme active et créatrice de la langue, et non comme une figure du discours. « Langue toujours en acte » signifiait langue « métaphorisante », poussée par une fureur poétique l’obligeant à transgresser au niveau du syntagme les lois propres à son système sémantique. Elle se dérobait aux contraintes lexicales et syntaxiques pour créer des mots nouveaux et de nouvelles liaisons au niveau de l’expression. Cette fureur était sans doute l’ingenium. Ingenium et esprit, métaphore et signification. Vico parlait alors de cette opposition en linguiste et en esthète, mais il pensait déjà dépasser ces limites en découvrant la cause et la solution de l’opposition des méthodes. Cette œuvre de « conciliation » n’apparaîtra pas secondaire et presque épisodique lorsque l’opposition entre l’esprit et l’ingenium mettra en conflit avec les langues la philologie et la philosophie, l’existence et l’essence, ainsi que le « mens hominis » et le « mens dei ». |
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t312560 : 08/09/2017