ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



5-  Langue  et  méthode






58- Culture et créativité
de la langue



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode
Sur les traces de Valla
Le génie et la langue
L’ingenium et l’esprit
Ingéniosité et spiritualité de
  la langue
La spiritualité du français
L’italien, langue d’art
Finesse et sublimité
Culture et créativité de la
  langue

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


ico a établi la caractéristique des deux cultures sur le double aspect du pouvoir créateur de l’homme : l’un, spirituel, orienté vers la pensée, l’autre, « in­génieux », vers l’œuvre. Ces deux activités affec­tent aussi bien l’homme que la langue. Mais s’agit-il vraiment d’une dimension linguistique, ou bien d’une dimension rhétorique ? Vico n’aurait-il pas projeté au niveau de la langue ce qui est spé­ci­fique à la parole et à la littérature ?

Il convient cependant de chercher à saisir la théo­rie de Vico, non à partir de la dichotomie saussu­rienne langue – parole, mais de la tripartition remontant à Valla entre grammaire, langue et parole. Ainsi le caractère créateur atteindrait la langue à son second degré, c’est à dire dans sa réalité d’usage.

À propos de création, il n’est pas sans intérêt de confronter la théorie vichienne avec les recher­ches de Chomsky sur le caractère créateur du lan­gage dans la linguistique cartésienne. Selon l’émi­nent linguiste, Descartes, la grammaire de Port-Royal et la logique d’Arnauld font remonter l’origine du langage à l’esprit. Descartes, pour qui l’esprit est opposé à la matière, n’a pas considéré la langue comme un produit mécanique de la sen­sibilité, mais comme l’activité créatrice de la pen­sée.
   La façon dont cette tradition cartésienne expli­que le caractère spirituel de la langue est schéma­tisée par Chomsky de la manière suivante : dans le langage, deux structures apparaissent dont l’une est appelée « profonde », ou « de base », et l’au­tre « de surface », correspondant l’une et l’autre aux niveaux syntaxique et syntagmatique du lan­gage. La première, structure de signification, demeure cachée et remonte à l’activité logique de l’esprit ; la seconde est l’aboutissement d’une activité « transformationnelle », non créatrice, qui opère par des règles de suppression, de réarrange­ment et d’adjonction (44).

Si l’on devait confronter la théorie vichienne à ce schéma, il apparaîtrait qu’elle le rencontre au ni­veau de l’activité « transformationnelle ». En ef­fet, les deux formes du dire affectent le syntagme, l’ordonnant l’une à la signification, l’autre à l’ex­pression de l’œuvre. Mais aussitôt elle modifie le schéma sur deux points. La linguistique cartésien­ne ne présente de structure opérationnelle qu’au niveau de la signification. Au contraire, Vico a employé deux structures, toutes deux nécessaires au langage. De plus cette double structure opéra­tionnelle a amené Vico à reconnaître deux struc­tures de base, l’une dépendant de l’esprit, l’autre de l’ingenium.

Chomsky ne paraît pas s’être aperçu des limites de la linguistique cartésienne, parce qu’il ne con­çoit dans le langage qu’une fonction de significa­tion. Cependant il a failli pénétrer dans le vif de ce problème, en affirmant que dans sa conception de l’esprit, Descartes aurait subi l’influence du livre de Huarte L’examen de ingenios. Mais il n’a pas tenu compte de ce que l’ingenios de l’écrivain es­pagnol ne correspond en aucune manière à l’esprit de Descartes, bien que traduit par ce mot (45). Chomsky a été également victime de la méprise de la traduction d’ingenium par esprit, ne recon­naissant dans l’homme qu’une activité créatrice déductive. Sous cet angle, sa linguistique s’inscrit bien dans la tradition de la linguistique cartésien­ne.
   J’estime qu’une meilleure connaissance de Vico aurait pu l’amener à découvrir deux traditions lin­guistiques, l’une fondée sur l’esprit, l’autre sur l’ingenium, qui est à la base de la linguistique romantique de Schlegel et de Humbolt.

Dans cette première œuvre, Vico a considéré l’ingenium et l’esprit comme des activités com­plémentaires, en les appliquant à deux fonctions du langage. Dans sa conception ultérieure du lan­gage, il se séparera plus nettement de la linguis­tique cartésienne, car la relation entre l’esprit et l’ingenium sera conçue dialectiquement : ceux-ci ne se partageront plus alors les fonctions du lan­gage, puisque chacun d’eux prétendra à la totalité, le premier par la raison, le second par l’imagina­tion. Toutefois, dans cette dialectique, l’ingenium occupera une place privilégiée en devenant la véritable source créatrice du langage (46). Alors, une confrontation avec Chomsky est susceptible de devenir plus intéressante, puisque la structure de base de l’ingenium prévaudra sur celle de l’esprit.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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