ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Les  Discours  (1689-1717)



1-  Vico  orateur




14- Le message
du De hominis dignitate



Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur
La chaire de rhétorique
Rhétorique et éloquence
Sur le sillage de Pic de la
  Mirandole
Le message du De hominis
  dignitate

Discours d'ouverture

La connaissance de soi et la divinité de l'homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l'autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico


DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d'ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l'interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691 vant de relever au cours de cette étu­de les différents thèmes du De hominis dignitate, il est utile d’en trouver les lignes maîtresses. C’est un des premiers écrits de cet auteur, mort jeune, qui s’inscrit dans la tra­dition huma­niste et exprime une révolte contre la culture ambiante. Lucide dans son analyse de la société, cette brochure contient un message pas­sionnant – et passionné – par l’idéal et par l’esprit prophé­tique qui l’animent. Il refuse la séparation entre l’homme et la culture, il condamne la justifi­cation des études par le profit, il dénonce le triom­phe de la forme sur le contenu, de la rhétorique sur la philosophie : en bref, l’atteinte portée à la dignité de l’homme.

La Renaissance commençait à donner les signes d’un profond malaise. Triomphante dans la cul­tu­re des cours et des élites sociales, elle marquait le pas au seuil des Universités, encore régies par la méthode, l’esprit et la pensée du XII° et du XIII° siècles. Les Universités demeuraient encore en­voûtées par l’esprit du Moyen-Âge, alors que l’humanisme, par l’opposition qu’il leur manifes­tait, était resté à l’écart de ce grand courant de pensée.
   Lorsque Pic de la Mirandole se rendit à la Sorbonne, il découvrit le vide philosophique et théologique de la culture de la Renaissance. Les humanistes et les théologiens scolastiques s’étaient engagés, en effet, dans des controverses à armes inégales qui ne pouvaient que les épuiser. Ils étaient parvenus à s’enfermer, les uns et les autres, dans un univers formel : les théologiens dans la logique, les humanistes dans la rhétorique. Dans son écrit, Pic de la Mirandole dénonce la division de la culture en elle-même et sa vacuité. Sous le couvert de ses paroles apparaît la convic­tion que l’idéal de l’humanisme était en danger, et, partant, toute culture.

Il aurait été impossible d’atteindre le but des hu­manistes – d’un Valla ou d’un Coluccio Salutati, d’un Bruno ou d’un Petrarca – sans réaliser aussi une philosophie au sujet de cet homme dont la nouvelle culture tirait son nom (10). Le De homi­nis dignitate est le manifeste de cet idéal, qui est d’autant plus important que Pic de la Mirandole n’est pas le seul à le proclamer. Au même mo­ment d’autres que lui, comme Ficino ou Val­la (11), avaient fait la même analyse. Dans cette prise de conscience, l’humanisme s’accomplissait comme culture. Pic de la Mirandole en fut le catalyseur et le prophète. Tout en lançant une savante invi­ta­tion à un colloque de la pensée, il traça aussi les lignes fondamentales d’une philo­sophie fondée sur la liberté de l’homme.

Au coeur du texte il inscrivit ce mot d’ordre : « Connais-toi toi-même ». Bien que les paroles de cette maxime soient aussi anciennes que la religion grecque, le sens en est nouveau. Ce n’est pas l’appel à la prise de conscience de nos propres limites, comme les textes religieux et toute la tra­di­tion pythagoricienne et platonicienne l’interpré­taient, mais celle de la méditation cosmique de l’homme. En effet, « qui se connaît lui-même, connaît en soi toutes les choses ».
   L’intuition caractérise la démarche philo­sophique de l’Académie florentine, qui transpose en l’homme la fonction médiatrice et créatrice reconnue au démiurge par Platon. L’homme est la jonction (copula) de deux mondes – immatériel et matériel – (12), unis dans l’œuvre de sa propre création. Ce nouveau démiurge n’était, sans dou­te, que le portrait idéal brossé par ses architectes, ses sculpteurs, ses peintres, tels que Brunelleschi, Donatello et Masaccio, qui faisaient évoluer les hommes dans des espaces et des volumes, au milieu d’objets créés par l’art. La nouveauté de la philosophie de Ficino et de Pic de la Mirandole relève de l’approche du réel sur l’être à partir de l’œuvre des hommes (13). À cet égard, la Renais­sance est pour eux l’événement exemplaire.

Qu’est-ce que l’homme ? À cette interrogation, les philosophes ont tenté de répondre par la caté­gorie de la nature. Pic de la Mirandole seul – que je sache – renonce à ce terme. Dans une interpré­tation imagée et presque théâtrale de la Genèse, il fait intervenir l’homme lors de l’achèvement de l’univers, qui épuise à ce moment précis tous les archétypes possibles.
   Mais l’homme peut-il pénétrer sur la scène de l’univers s’il ne lui offre pas une nature ? Certes, il le peut, dans la mesure où il s’approprie la nature des êtres, célestes ou terrestres. En cela, il existe dans un acte de libre choix, son essence étant sa propre existence. Son choix n’est pas décisif seulement pour son existence, mais aussi pour l’univers lui-même, qui sera accompli si l’homme devient esprit, ou inachevé s’il se fait sens. Sa dignité réside dans ce rôle de média­tion (14). Dieu lui-même ne pourra contempler l’accomplissement de son œuvre que dans celle de l’homme.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




Retour à l'accueil Sur le sillage de Pic de la Mirandole Haut de page Discours d'ouverture    Imprimer

t311140 : 14/04/2015