ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



2-  La  controverse  des  Anciens  et  des  Modernes
et  la  conscience  historique






23- La révolte baroque



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique
L’humanisme et l’étude des
  anciens
Maniérisme et première querelle
  des Anciens et des Modernes
La révolte baroque
Jeunes et adultes

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE


BIBLIOGRAPHIE


n dépit de la nouvelle valeur historique, le Manié­risme accentuait le caractère paternaliste de la relation entre les anciens et les modernes. Alors que, chez les humanistes, le poète ou l’artiste se rapprochaient des anciens comme d’un frère aî­né, dans le maniérisme, il s’attachait à lui comme à une mère, son œuvre devenant la norme idéale de l’expression. Or ce caractère trahissait chez les artistes l’abandon de leur liberté créatrice pour se soumettre à l’autorité d’un maître.
   Aussi cette soumission entraînait-elle la capitu­lation en face de l’autorité de l’Église, qui impo­sait à leur art son idéologie. Sous les « maniè­res » de Raphaël ou de Michel-Ange, d’Arioste ou de Tasso, on pouvait reconnaître le projet de la Contre-réforme, qui avait assumé ces « maniè­res » comme des catégories de culture. Ainsi, l’artiste ou le poète, l’écrivain d’essai ou de pen­sées restaient-ils liés à la double autorité des maî­tres quant aux formes d’expression, et de l’Église quant au projet humain de contenu.

La fin du XVI° et le commencement du XVII° siècles sont marqués par la révolte contre cette double autorité. On remarquera avant tout, chez les auteurs, la prise de conscience de la fin de l’humanisme. Le projet d’homme qui avait tenté Coluccio Salutati et Valla, Pic de la Mirandole et Ficino, Machiavel et Tasso, avait échoué. L’é­chec portait non sur l’homme au niveau des œu­vres peintes ou sculptées, mais sur l’œuvre qui était l’homme lui-même dans son existence histo­rique. La Renaissance avait donné naissance à des grandes individualités, elle avait transformé la matière mais non les hommes eux-mêmes. De plus, le Maniérisme et la Contre-réforme lui avaient ôté la liberté de penser et de créer.

L’homme chez qui cette prise de conscience et cette révolte prirent une dimension tragique au­tant que retentissante dans l’Europe entière fut Giordano Bruno. Le premier à voir dans l’hypo­thèse copernicienne le défi lancé par l’homme moderne contre l’aristotélisme et le clérica­lis­me (16). Bruno rompait avec la tradition en bri­sant la hiérarchie des valeurs éthiques et reli­gieuses, ébranlant le principe d’autorité partout où il se cachait. S’il n’a pas été l’auteur de la révolution culturelle, il en a été néanmoins le détonateur le plus violent ainsi que le témoin le plus courageux. Après lui, la révolte s’est déclan­chée en deux directions : dans le domaine artis­tique et littéraire, et dans celui de la philosophie et de la science.

La révolte esthétique et littéraire a été supportée par ce vaste mouvement culturel qui prit le nom de « baroque ». Les études récentes (17) nous ont obligé à effacer l’image qu’en avaient donné les dictionnaires, surtout français, comme le Lit­tré, qui ont assigné à ce mot le sens de « bi­zar­rerie choquante », étrange, extravagant, artifi­cieux, tordu, etc. À la suite de cette étude, la critique de Croce, qui ne pouvait pas reconnaître la valeur d’un style, est dépassée (18).
   Style original et culture, le baroque a été, avant tout, un mouvement révolutionnaire, ayant pour objectif la libération de l’art de son asservis­se­ment à une forme imposée et figée. Il visait à ce que l’artiste fut créateur de son expression. C’est pourquoi il s’affirmait par une action de désacra­li­sation du classicisme. Il rompait, en effet, l’es­pa­ce euclidien que la Renaissance avait transposé en peinture, il détournait l’axe des per­spectives, il ne tenait pas compte de la hiérarchie des valeurs formelles, rompant les courbes pour y imbriquer des angles. Surtout, il a su jumeler l’espace pictu­ral imaginaire et l’espace réel par une architecture devenue décor. Les colonnes se tordent et se plient, les voûtes s’entrelacent dans un mouve­ment de fugue ; à juste titre, on a re­marqué que le Baroque est une culture rhétori­que (19).
   Il convient cependant de préciser qu’elle est une rhétorique créatrice, recherchant la produc­tion de figures nouvelles parce que, précisément, le poète, l’architecte, le peintre, le sculpteur, l’écri­vain et le musicien, condamnés à vivre sans contenu, veulent le retrouver par une création purement formelle. Le concept d’ingenium, qui aura une place de première importance dans la philosophie de Vico, surgit de cette fureur poéti­que. Ainsi, par ce biais, l’esthétique baroque est essentiellement métaphorique. En effet, l’inge­nium ne produit que des métaphores en littéra­ture, aussi bien qu’en peinture, en sculpture, en musique ou en architecture (20).
   Pour parvenir à jumeler les formes les plus disparates, le poète doit se délivrer de toute con­trainte ; il vit dans l’attente d’une révélation mé­ta­phorique de l’être. C’est pourquoi cette même rhétorique a conduit le Baroque à une expression théâtrale du réel (21), où les places des villes se trans­forment en scènes, les hommes en person­nages, et les faits en actions d’un drame. C’est la représentation métaphorique d’une vie rêvée parce qu’impossible à vivre, à dimension cosmi­que.

En même temps que le Baroque libérait les for­mes, une révolte se déclenchait grâce aux pion­niers de la « nouvelle science » contre l’autorité qui rendait captive la vérité. Ces hommes, aux­quels plus qu’à tous autres nous sommes rede­vables de notre modernité, furent Galilée, Bacon et Descartes. Peut-être serai-je injuste à l’égard de Copernic et de Newton, mais je ne les exclus pas. La grandeur relève de l’œuvre révolution­naire de ces trois précurseurs.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312230 : 15/08/2017