ette compréhension du sujet pensant par le dépassement de l’humanisme et du cartésianisme a voulu être aussi une réponse à la crise de civilisation qui s’était manifestée au cours de la controverse des Anciens et des Modernes. Alors que les humanistes s’étaient situés par rapport aux Anciens comme des frères cadets, le rapport fut inversé à partir du Maniérisme, car les modernes se reconnurent comme les véritables anciens. Les temps modernes ont ainsi été caractérisés par la prise de conscience que les hommes étaient parvenus à l’âge de leur maturité, tandis que leur enfance était représentée par les anciens. Descartes s’est inscrit dans cette conscience, en reconnaissant le seuil de la maturité dans l’expérience de la pensée et dans une rupture vis à vis de l’enfance. On devenait adulte en refusant l’autorité de ceux qui avaient précédé et en se délivrant des préjugés qui, par cette dépendance, avaient retenu dans l’enfance.
Vico a, lui aussi, compris les temps nouveaux en termes de maturité. Il a constaté cependant, dans l’emploi de la métaphore de la croissance, qu’on passait de l’enfance à l’âge adulte en négligeant de considérer la jeunesse. À l’égard du cartésianisme, il a surtout manifesté la crainte, devenue certitude par la suite, qu’en rejetant l’enfance on renie aussi la jeunesse. L’âge adulte de Descartes lui est apparu déjà marqué par la vieillesse, dans la mesure où il reniait l’imagination et la création, la poésie et les arts. Vico a envisagé son époque comme un âge de jeunesse. Jeunesse signifiait pour lui la domination de l’ingenium, qui faisait des hommes les créateurs d’une nouvelle culture et d’une nouvelle histoire.
Cette fonction médiatrice, exercée par les mathématiques au niveau épistémologique, était assumée au niveau de la civilisation par la jeunesse, devenue le véritable enjeu de l’évolution de l’histoire. Sans la jeunesse, l’humanité resterait brisée dans son processus de croissance, tiraillée entre une enfance qui l’asservit aux préjugés des sens, et une maturité qui la dessèche dans une raison sans imagination. Les jeunes sont la personnification historique de l’ingenium, lieu humain où les enfants deviennent adultes, mais où les adultes puisent aussi dans les sources profondes d’un élan poétique.