ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 8 - Chemins d’amour :

De Ruchama à Maria



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour
- La grâce d’aimer
- Séduction
- Mon amour de loin
- De Ruchama à Maria

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


n ouvrant les yeux, Jésus s’est exclamé :
- Quelle heureuse surprise, Maria. Ton regard d’a­mou­reuse m’atteint au plus profond de moi-même, pourquoi ? Ne m’as-tu pas déjà touché, lors de notre rencontre au puits d’Agar ? Que veux-tu me prouver ce matin ?
- Que je suis bien Ruchama, qui veut répondre à ton désir.
- Sois sans inquiétude, ton charme atteste à lui seul la beauté parfaite de Ruchama dont tu es la parabole.
- Ainsi, tu es allé en Galilée pour vérifier qu’Israël est fidèle à Dieu et que Ruchama est bien réelle ?
- Si tu veux. Je l’ai recherchée à Cana, à Naïm, à Na­zareth, à Chorazaïm...
- Et tu l’as trouvée ?
- Non !
- Et tu es revenu convaincu de cet échec ! Mais ta pérégrination devait se terminer ici, au lieu d’où tu étais parti, et tu y as retrouvé Ruchama, Rabboni !
- En qui ?
- En moi, Jésus ! Je t’ai aimé avant de connaître l’amour de Dieu, puis j’ai pris conscience que j’aime Dieu en toi et que je suis la première des filles d’Is­raël à répondre à Son amour, pour devenir Son épouse. Ruchama en parabole, je le suis également en réalité.
- Je rends grâce à Dieu de m’avoir révélé par ton in­tuition le sens de ma pérégrination !
- Raconte-moi ton voyage.

Le plaisir de te parler risque d’être assombri par le souvenir de cette errance douloureuse qui m’a mené si loin de toi que j’ai cru te perdre à jamais. D’autres prophètes avant moi, comme Osée, Ézéchiel ou Isa­ïe, avaient recherché anxieusement la fille d’Israël tel­le qu’elle était apparue le jour de ses noces et nour­rissaient toujours l’espérance de la rencontrer ; mais moi, j’étais désespéré, comme quelqu’un qui croit que les nids sur les arbres abritent pinsons, rou­ges-gorges ou grives, et qui, en s’approchant, s’aperçoit qu’ils sont vides. « Ruchama, où es-tu ? » m’écriais-je ; je gravissais le sommet des collines, entre la mer et le lac, inspectant les vignes et les oli­ve­raies longeant le Jourdain, jusqu’aux broussailles du désert de Juda. Il serait trop long et douloureux de tout te rapporter, je te raconterai seulement l’humi­liation vécue à Nazareth.
« Arrivé dans cette ville un jour de sabbat, je me suis rendu directement à la synagogue où personne ne m’a reconnu. Ayant reçu le rouleau, je l’ai ouvert par hasard au message d’Ézéchiel sur la délivrance : " Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, pour publier une année de grâce ".
« Après avoir replié le rouleau, j’ai déclaré que j’étais envoyé par Dieu pour accomplir ces choses et prépa­rer le retour du Seigneur qui s’est retiré du temple à cause de l’infidélité du peuple, la fille prostituée d’Is­raël son épouse. La maladie nous afflige et nous som­mes esclaves des puissances étrangères, avançant en aveugles sur le chemin de notre vie parce que Dieu nous a abandonnés. Malgré l’infidélité de notre mère, Il est prêt à nous pardonner, Il demeure l’a­mant épris de sa bien-aimée. C’est pourquoi Il a pro­clamé une année de grâce, où Il nous délivrera de l’esclavage et soignera nos plaies, après que nous nous soyons repentis.
« Saisi par l’Esprit, je leur ai dit : " Venez à moi, les pauvres, pour être rassasiés ; vous, les malades, je suis chargé de vous guérir ! Comme jadis à Osée, Il m’a ordonné d’épouser une de vos filles pour té­moi­gner des nouvelles noces avec le peuple, fondées sur une alliance d’amour ".
« Les gens demandaient : " Qui est-il ? D’où vient ce nouveau prophète ? " Ils me dévisageaient puis m’ont reconnu : " C’est Jésus, le fils de Maria ! " Aussitôt ils se sont levés, indignés : " Il accuse notre mère d’ê­tre prostituée pour effacer l’image de la pute qui l’a conçu ! Il nous accuse d’être fils de prostitution par­ce qu’il est lui-même bâtard, rejeton d’un adul­tère ! " Ils me poursuivaient de plus belle de leurs invectives : " Toi qui reviens comme prophète, pré­tends-tu nous guérir ? Crois-tu te réhabiliter en rejetant sur nous la honte de ta naissance illégitime ? Guéris-toi toi-même avant de soigner les autres ! "
« Vous vous indignez, ai-je répondu, mais vous de­vriez plutôt écouter Osée, le premier des prophètes, qui a épousé Gomer pour déclarer au peuple, par cet­te parabole vivante, que Dieu est l’amant d’un peuple prostitué.
- Descends de cette chaire, fils de Maria, retourne à tes planches, ta scie et ton marteau, si tu tiens encore à la vie ! Ton mariage avec une de nos filles ne te blanchit pas, car elle est souillée elle-même et ne peut plus engendrer que des bâtards. Tu rends impur tout ce que tu touches !
- Génération incrédule, sache que Dieu te rejette et m’envoie désormais annoncer sa parole chez les païens. Comme Élie fut envoyé à Sarepta chez une veuve originaire de Sidon, et comme Élisée purifia de sa lèpre Amman le Syrien, j’irai aussi chez les étran­gers, à Sidon, en Syrie, chez les Grecs, et même chez les Romains, car les païens n’adorent pas le Sei­gneur comme leur Dieu, mais ils Le craignent !
- La foule m’a chassé en hurlant et en me lançant des pierres ; ils m’auraient précipité des remparts si les responsables de la synagogue, pris de peur, ne les en avaient empêchés.


À ce récit, je me lamentai :
- Ô, ma mère, je ne suis pas l’une de tes filles, je viens de l’étranger, moi qui aime Jésus...
- Garde tes larmes pour ce que j’ai encore à te dire ! J’ai pris le chemin du retour, errant comme un hom­me maudit vers l’abjection de mes origines ! J’étais parti refaire le voyage du peuple du désert vers la ter­re promise, et je parcourais le chemin inverse, de la terre promise au désert, comme un spectre parmi les ombres fuyantes du soir. Épuisé, je me suis arrêté à la tombée de la nuit et me suis endormi.
« J’ai vu en rêve les villes d’Israël où j’étais passé ; un grondement est monté du sol, la terre s’est mise à trembler et j’ai vu les synagogues s’effondrer, les mu­railles s’écrouler, les tours se fendre comme des arbres frappés par la foudre ; et un ange est descendu du ciel, criant d’une voix retentissante : " Malheur à toi, Chorazaïm ! Malheur à toi, Nazareth ! Tu seras percée comme un hibou dans le trou d’une tour. Mal­heur à toi, Bethsaïda ! Car si les prodiges qui ont été accomplis au milieu de vous l’avaient été à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repen­ties, en prenant le sac et la cendre. Capharnaüm, tu seras abaissée jusqu’au séjour des morts ! "
« À mon réveil, j’ai repris la route sous la crainte du jugement de Dieu ; j’étais revenu à ma condition de bâtard, d’apatride et de fugitif ; je pensais que j’allais te retrouver à l’entrée de la ville maudite par l’ange pour t’annoncer que je n’étais plus Ammi, ni toi Ru­chama, ôter de ta tête la couronne d’épouse et mettre fin à notre jeu. Mais lorsque j’ai franchi la porte de la maison, le courage m’a abandonné et j’ai préféré dormir...
- Et un nouveau rêve a ouvert tes yeux à une aube nouvelle, tu as rencontré Ruchama, pas celle qui en porte le masque, mais Maria, l’aimée que Dieu t’a don­née.

   Jeanne et Salomé, nous ayant entendus de la cham­bre voisine, ont fait irruption dans la pièce, tou­tes joyeuses, et nous nous sommes mises à danser sur l’air de la berceuse chantée par Salomé :

Nouveau-né de l’amour
Donné par l’Éternel,
Tu marques le retour
À l’homme originel :
On voit briller l’image
De Dieu sur ton visage.

  CHANT  NOUVEAU
(Sur un thème de Virgile)

Prophètes de Juda, poètes d’Israël,
Chantez des exploits plus grands que la
[naissance     
D’un fabuleux enfant pour votre délivran-
[ce, 
Du mal et du péché dans un règne éternel.

Il y a du nouveau dans l’ordre universel :
Les Juifs ont perdu leurs titres de créance
Pour être un peuple élu. Dans la prime al-
[liance 
Tout homme est reconnu enfant de l’Éter-
[nel.

N’allez pas à Sion, ni au bord du Jourdain
Pour chercher le salut : vous avez la res-
[source  
Dans l’Esprit qui vous fait des hommes
[souverains.    

Depuis que le Seigneur nous a donné la
[vie,    
Sa grâce sourd en nous comme l’eau
[d’une source        
Qui étanche la soif et l’âme purifie.




Roman achevé en 2002




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t320834 : 01/06/2020