ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 11 - La Dédicace :

La libération



La logique ou l’art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664 





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace
- La montée à Jérusalem
- La purification du temple
- Le règlement de comptes
- La libération

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs

.....................................

es disciples sont peu à peu arrivés à la maison. Fati­gués, déçus, meurtris, ils tremblaient de peur, crai­gnant d’être recherchés par la police. C’était vrai­ment un troupeau sans berger ! Judas était le seul à se montrer maître de lui. Bien que très affecté par l’échec de l’entreprise et la capture de Jésus, il n’en laissait rien paraître : il avait un plan, on aurait pu croi­re qu’il attendait cette occasion pour se mettre en valeur ! Il s’adressa aux disciples qui se lamentaient :
- Frères, on ne résout pas les problèmes avec des lar­mes ! Nous avons tous été défaillants et lâches, c’est vrai, mais peut-être que la situation en est res­pon­sa­ble. Si nous avions cherché à sauver notre Maî­tre, nous aurions tous été capturés, jetés en prison et con­damnés avec lui. C’eût été la fin de la cause pour laquelle nous luttons. Certes, notre entreprise a été un échec, mais nous n’avons pas tout perdu, il est de notre devoir de continuer.
- Sans lui ?
- Ah non ! Sans lui, notre combat n’aurait aucun sens. Il vaudrait mieux pour chacun reprendre son ancien métier ! Notre premier effort doit être de le libérer.
- Mais voudra-t-il être sauvé ?
- Frères, je pense que notre seule possibilité est de le sauver, et non de lui demander s’il le souhaite !

   Les paroles de Judas nous réconfortaient. Il s’en rendait compte, et cela lui donnait un tel ascendant sur nous qu’il se comportait comme un chef :
- Tout n’est pas perdu, car je connais des gens dispo­sés à nous aider. Si nous n’avions pas eu ces appuis, Jésus n’aurait pu chasser les vendeurs. Le monde est un univers piégé : une action n’est possible que si l’on parvient à déjouer ces pièges. Pour libérer Jésus, nous aurons certainement le concours des zélotes, qui sont intéressés à son plan. Ce sont des hommes capables, experts en guérilla.
- C’est bien, ai-je répondu. Cette fois, nous pourrons collaborer avec toi. Si tu peux disposer du concours des zélotes, je me fais forte de lever les pièges dont tu parles et de trouver des déchirures dans le filet des policiers.
- Je m’en doutais, Maria. J’avais déjà pensé à toi pour cette action. Pierre ne te disputera pas cette fa­veur.

   Toute rougissante, je me sentais flattée. J’ai fixé Judas dans les yeux, car ma fierté me commandait de sauver Jésus pour lui-même, et non pas pour « la cause », et j’avais conscience que cette tâche me revenait.
- Avant d’étudier notre future stratégie, a poursuivi Judas, analysons objectivement ce qui s’est passé. Nous avons commis plusieurs erreurs : À l’issue de votre mission, vous avez assuré à Jésus que les gens étaient opposés aux grands prêtres et aux pharisiens. C’était une fausse appréciation, car même s’ils s’en plaignent, ils n’osent pas se révolter. Le peuple est toujours lâche, il ne se coalise que quand son exis­tence est en jeu. Or qu’avons-nous constaté, lorsque Jésus les a entraînés à chasser les vendeurs ? Ils ont oublié leurs belles motivations pour s’adonner au pil­lage dès que les guichets ont été renversés et les ca­ges ouvertes.
« L’autre erreur est le refus de Jésus de s’en prendre aux prêtres à l’intérieur du temple. Sans doute avait-il ses raisons, mais je constate l’inefficacité de l’action. Je suis prêt à parier que Dieu se serait manifesté au temple pour proclamer la nouvelle alliance, mais il fallait gagner la bataille afin d’accomplir le signe. Si nous étions entrés en force dans le temple pour en prendre possession après avoir capturé les prêtres, nous aurions gagné. Les Romains ne s’y seraient pas opposés, puisqu’ils ne peuvent pénétrer dans l’en­cein­te. Une fois le pouvoir aux mains du peuple, les Ro­mains n’auraient pas protesté, à condition que nous reconnaissions leur souveraineté : la révolte se­rait restée une affaire interne juive.
« Peut-être est-il prématuré de parler de la stratégie future, je crois cependant que le plan initial reste va­lable si nous savons tirer les leçons de nos erreurs pas­sées. Après une bonne préparation, nous répéte­rons le coup d’État dans une occasion plus favorable. Je sais que les zélotes viendront en force : si la victoi­re n’est pas absolument assurée, elle est très proba­ble !
- Mais que dira Jésus de ce plan ?
- Je ne saurais le dire. Mais ce n’est pas un homme craintif, regardant en arrière après un échec. J’espère que ce plan correspond à sa lecture de la parabole de Dieu.


Sans être débordante de joie, je retrouvais l’espoir. J’étais sûre que Simon ferait tout pour libérer Jésus, non seulement pour moi, mais aussi pour lui. Je ne l’avais pas encore vu depuis mon arrivée à Jéru­salem, aussi ai-je décidé de lui rendre visite. Je ne craignais pas d’être reconnue car, en tant que fem­me, person­ne ne pouvait me soupçonner d’intrigue politique.

   Simon me reçut avec joie. Il était, bien sûr, au cou­rant de la tentative de purification du temple, et de l’arrestation de Jésus. L’évasion lui paraissait pos­si­ble car Jésus n’avait pas été mis en prison, mais jeté au fond d’un puits asséché : vengeance des sadducé­ens accusés d’avoir transformé la maison de prière en une caverne de voleurs. Il serait donc plus facile de tromper la vigilance des gardiens et de permettre la fuite. Simon était prêt à accueillir Judas pour tout mettre au point. Il comptait aussi sur le silence des pharisiens, qui n’avaient pas approuvé la façon dont les sadducéens avaient traité Jésus : fidèles à la Loi, ils refusaient que quiconque soit condamné sans un procès en bonne et due forme, or la condamnation de Jésus tenait plus du règlement de comptes que de l’acte de justice.

   Je remerciais Simon de tout mon cœur, mais je sou­hai­tais aussi savoir ce qu’il pensait de Jésus. « Sans doute le Maître a-t-il perdu beaucoup de son prestige, mais son engagement, sa souffrance, et mê­me la peine qu’il subit le rendent très proche de Jé­rémie. Cette image ne peut s’effacer de la mémoire des gens, peut-être l’énigme de Jésus repose-t-elle des­sus ». Avant de le quitter, je l’ai embrassé comme si j’étais sa fille. La souffrance ressemble à un fleu­ve, elle polit les sentiments les plus nobles et les plus sacrés. Ai-je trouvé en lui le père, comme en Jésus l’époux ?


Jésus fut libéré le lendemain. Il était si affaibli qu’il avait peine à parler. Il traversait une période où tout était remis en cause, même notre amour, qui n’était justifié que comme la parabole du mariage de Dieu avec le peuple, et donc désormais privé de significa­tion. Jésus me l’a redit à plusieurs reprises, pour que je me sache libre, même si mon cœur lui restait lié.
- Que m’importe que la parabole s’évanouisse, si l’amour demeure !
Maria, je crois que la parabole subsiste aussi, mais elle s’ouvre désormais sur un horizon inconnu. Pour l’heure, ma conscience est obscurcie et toute décision est suspendue. Même toi tu m’es invisible, comme si la nuit t’avait enveloppée pour mieux t’amener aux premières lueurs de l’aube. Je ne peux t’aimer que de loin, pour le moment.


Après trois jours, il avait repris des forces et s’ap­prê­tait à reprendre la route. Il voulait se retirer dans les lieux de sa première expérience, de sa rencontre avec Jean-Baptiste, et il comptait aussi se rendre en Sama­rie, près de Sichar.
- Pourra-t-on se revoir ?
- Tout dépendra de la durée de l’éclipse, a-t-il répon­du dans un sourire.
- Me permettras-tu, du moins, de t’écrire ?
- Ne rédiges-tu pas déjà ton journal ?
- Précisément, c’est pour cela ! Je voudrais lui con­fier mes lettres d’amour !

   Nous nous sommes mis à rire, puis il s’est éloigné rapidement à travers les oliviers...




Roman achevé en 2002




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t321143 : 03/10/2020