Présomption d’une trahison simulée dans le récit de la cène :
Seconde hypothèse

   On peut aussi supposer que Jésus, voulant mettre à l’épreuve la fidélité de ses disciples, leur ait annoncé la nécessité que l’un d’entre eux le dénonce aux grands-prêtres, afin de rendre impossible son arrestation avant son départ. Il les aurait aussi informés que Judas avait accepté de le faire, mais qu’un autre pourrait aussi bien s’en charger à sa place. Lequel d’entre eux aurait ce courage ? Les uns après les autres, ils auraient décliné l’invitation, refusant ce rôle infamant, même comme simulacre, en en craignant les conséquences cachées.
   Jésus leur ôta ce scrupule. Il confirma sa confiance en Judas, et il consacra cette élection par le serment du sang : il trempa le pain dans sa coupe, et le donna à Judas. Désormais ils étaient liés l’un à l’autre pour la vie et pour la mort, par le sang.

   Cette hypothèse donne au texte la lisibilité de son double sens : l’annonce et le déclenchement de la trahison, ainsi que le repas pascal. L’oubli des disciples devient également compréhensible. À cause du refoulement, ils oublièrent que Jésus les avait invités à jouer le rôle de traître simulé et qu’après leur refus, il avait confié ce rôle à Judas. Du tombeau de cet oubli, la trahison de Judas sortit comme « anamnèse » de la parole de Dieu.