Les motivations historiques :
Beersheba
La dernière femme, désignée par l’expression «
femme d’Urie », s’appelait
Beersheba. Elle était l’épouse d’un certain
Urie et était très belle.
David en tomba amoureux lorsqu’il la vit se baigner sur sa terrasse. L’ayant fait appeler, il coucha avec elle ; il se maria avec elle après avoir provoqué la mort de
son mari en le plaçant en première ligne d’un champ de bataille.
Le fait que
Matthieu la nomme «
femme d’Urie » est très significatif, car lorsqu’elle conçut
Salomon (raison pour laquelle elle est nommée dans la généalogie), elle n’était plus la femme d’
Urie, qui était mort, mais la femme légitime de
David : l’enfant conçu dans l’adultère était mort. Pourquoi alors,
Matthieu se complaît-il à la présenter comme femme d’
Urie et non femme de
David ?
Encore une fois, on ne peut l’expliquer que si on suppose que
Matthieu a mis en avant l’adultère de
Beersheba pour refouler le péché dont était accusée
Marie. Dès lors, le péché de
Marie se précise : il ne s’agit pas seulement de prostitution mais d’adultère. La mère du
fils messianique de
David et la mère de son
fils historique ont été traversées par le même tragique d’amour.
Au terme de cette recherche, on peut conclure que, dans le champ référentiel de la généalogie de
Jésus,
sa mère apparaît comme une femme tout à fait différente de ce que nous montre le récit à son niveau sémantique. Dans celui-ci, en effet,
Marie est plutôt une figure allégorique qu’une personne, elle se laisse entrevoir comme la silhouette d’une femme sans accent et sans personnalité, que l’écrivain dessine en regardant le modèle idéal de la mère du
fils de Dieu. C’est à l’arrière-plan de ce récit que cette silhouette prend corps et acquiert les caractéristiques d’une personne. Femme adulte, peut-être veuve, elle n’accepte pas de rester soumise à la condition que lui impose son époux ou le père de son fils.