ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




Le bâtard :

l’homme sans père



Sommaire
Prologue

La méthode

Le bâtard
- Introduction
- Le fils de Marie
- Le fils de prostitution
- Marie, femme prostituée ?
- Les récits sur Marie
- L’enfant sauvé par Yahvé
- Le samaritain
- L’homme sans père
  . La lettre aux Hébreux
  . Un texte de Jean
  . Les deux pères
- Le fils de David
- Le fils de Joseph
- Qui est ma mère ?
- La mère de Jésus
- Le père de Jésus
- Résumé

De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

La lettre aux Hébreux


   « Ce Melchisédech… qui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement des jours ni fin de vie, reste semblable au fils de Dieu, demeure sacrificateur à perpétuité » (He 7:1-3).

   L’épître se rapporte moins à un personnage historique dont nous ne saurions rien qu’au personnage de Melchisédech, tel qu’il se présente dans le récit de la Genèse (Gn 14:17-20). En effet, celui-ci ne fait aucune allusion à sa généalogie, ni à son père ni à sa mère, et reste muet sur sa mort. De ce fait il deviendrait figure de Dieu.
   Mais qui est ce dernier ? Sans doute, avant de passer à Jésus, convient-il de se rapporter à un être céleste, que Dieu engendre hors du temps et de l’espace et qui n’a donc ni commencement ni fin. Il s’agit du « fils de Dieu », tel qu’il apparaît par exemple dans l’épître aux Philippiens (Ph 2:6) : un être existant « en forme de Dieu », engendré hors du temps et de l’espace sensibles, par une génération qui n’est pas de la chair mais de l’esprit.

   Cette interprétation n’est cependant pas tout à fait adéquate à la christologie de l’épître. En effet, pour celle-ci, le fils de Dieu est, si j’ose dire, le Christ selon la chair qui, par sa mort, accomplit un sacrifice où il est à la fois l’offrande et le sacrificateur. Melchisédech est à l’image de ce Christ : il est un homme sans père ni mère, sans commencement ni fin, parce que ce Christ là est sans père et sans mère, sans commencement et sans fin.
   C’est ici que le profil du bâtard apparaît, constituant la trame historique du personnage christologique. Jésus-Christ est sans père et sans mère parce qu’il est bâtard. Il apparaît dans le monde sans que sa naissance puisse être scellée par un acte juridique, un document d’histoire. Il n’a pas d’histoire, puisqu’il ne possède pas de généalogie qui puisse l’insérer dans le lignage des ancêtres, de ce fait il est sans commencement. On ne peut pas dire qu’il est né ici ou là, qu’il est d’une famille ou d’une autre. Il surgit comme Melchisédech, comme lui il n’a pas de fin : sa mort est un événement qui ne marque pas la fin d’une vie, mais le commencement d’une autre. Au moment même où il disparaît, il est sacrificateur éternel de son propre corps, qu’il offre pour le salut du monde.
   C’est pourquoi, de même qu’il n’a pas eu de berceau, il n’a pas de tombeau, et si les évangiles parlent d’un tombeau celui-ci est vide. À la place d’un tombeau – monument qui devrait le montrer comme mort parmi les morts – on trouve au sein de la communauté qu’il a laissée la commémoration de son sacrifice et sa présence comme sacrificateur. Ce n’est pas un « mnémeion » mais une « anamnèse », c’est-à-dire un rite, une célébration dans laquelle sa mort devient offrande d’un vivant.
   L’épître, il est vrai, ne reste pas toujours dans ce cadre ; elle le déborde, cédant à la tradition qui exige que le Christ soit de la tribu de Juda et de la famille de David, mais il faut garder à l’esprit que, dans sa structure au moins, elle situe le Christ hors du code généalogique des fils d’Abraham, elle ne le relie pas à ce dernier par ses enfants mais par Melchisédech qui, dans la Genèse, est placé avant Abraham et au-dessus de lui, dans la mesure où il le bénit. Dès lors son sacerdoce aussi se situe en dehors du sacerdoce traditionnel, confié aux fils d’Aaron. À la limite, le Christ est lié à Abraham non pas parce qu’il est béni par celui-ci, comme un fils, mais parce qu’il le bénit.
   La trame phénoménologique du bâtard demeure donc, sans porter atteinte à la dignité du Christ, mais la soutenant au contraire au niveau du signe de la chair.



1984




Retour à l'accueil Jésus, homme sans père Haut de page L'évangile de Jean      écrire au webmestre

u0207100 : 06/02/2018