ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




Le bâtard :

la mère de Jésus



Sommaire
Prologue

La méthode

Le bâtard
- Introduction
- Le fils de Marie
- Le fils de prostitution
- Marie, femme prostituée ?
- Les récits sur Marie
- L’enfant sauvé par Yahvé
- Le samaritain
- L’homme sans père
- Le fils de David
- Le fils de Joseph
- Qui est ma mère ?
- La mère de Jésus
  . Récits de la conception
  . Le quatrième évangile
    - Théologie
    - Mythologie
- Le père de Jésus
- Résumé

De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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La mère de Jésus dans le quatrième évangile :

approche théologique


   Dans le récit des noces de Cana (Jn 2), je retiens les paroles que Jésus adresse à sa mère, qui lui fait remarquer qu’il n’y a plus de vin : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? » (Jn 2:4).
   Cette expression est typiquement sémitique, elle est employée par une personne toutes les fois qu’une autre se mêle de ses affaires, soit en sa faveur, soit à son encontre. Il s’agit d’une expression par laquelle on revendique sa propre liberté d’initiative et d’action : qu’est-ce qui s’est passé entre toi et moi, pour que tu deviennes mon ennemi (Jg 11:12), pour que tu te venges à ma place (2 S 10:10), pour que tu interviennes dans ma vie au point de faire mourir mon enfant (1 R 17:18), pour que tu exerces sur nous un pouvoir d’exorciste (Mc 1:24 ; 5:7 ; Mt 8:29 ; Lc 4:34 ; 8:28). Cette expression employée par Jésus à l’adresse de sa mère ne peut avoir d’autre signification. La traduction de la Bible de Jérusalem « Que veux-tu, femme » est fausse et motivée par une idéologie théologique.
   Marie dit à son fils « ils n’ont plus de vin » (Jn 2:3) avec l’intention inavouée de le pousser à opérer un miracle, elle prend l’initiative sur le choix du moment où Jésus commencera son activité. Jésus lui répond alors « qu’est-ce qui s’est passé de nouveau entre toi et moi, pour que tu t’occupes de mes affaires ? ». C’est une réponse semblable à celle que Luc rapporte dans la bouche de Jésus enfant, quand « ses parents » (Lc 2:41) lui reprochent de s’être éloigné d’eux : « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon père ? » (Lc 2:49). Si le Jésus du quatrième évangile avait parlé le français contemporain, il aurait dit à sa mère « occupe-toi de tes oignons » !

   La réponse de Jésus suppose que sa mère dépasse les limites de sa relation maternelle pour s’ingérer dans les affaires qui lui sont propres en tant que fils de Dieu. L’évangéliste fait jouer ce rôle à la mère avec l’intention de réfuter, par la bouche de Jésus lui-même, un courant théologique déjà catholicisant, selon lequel Marie aurait été mère par rapport au fils de Dieu. Jésus remet sa mère à sa place : le fait d’être sa mère par la chair ne lui donne aucun droit sur sa personnalité de fils de Dieu.
   Cette attitude de Jésus envers sa mère apparaît de façon encore plus claire dans le récit de la crucifixion. « Auprès de la croix se tenaient la mère de Jésus et la sœur de sa mère… Jésus voyant sa mère et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à la mère : femme voilà ton fils. Puis il dit au disciple : voilà ta mère. Et de ce moment, le disciple la prit chez lui » (Jn 19:25). La dernière phrase nous induirait à interpréter le récit de façon réaliste, mais ce serait oublier que le récit est allégorique or, dans l’allégorie, le fait ne sert que de trame littéraire destinée à supporter le sens idéal, théologique ou philosophique. La trame n’a pas valeur de signifié mais de signifiant, pour comprendre cette valeur il faut d’abord cerner ce sens.

   Dans le quatrième évangile, il faut distinguer le fils de Dieu (le Logos) de son incarnation. Le Logos ne s’est pas incarné pour devenir fils de Dieu – puisqu’il l’était déjà – mais pour se manifester comme tel au monde. Dans la chair, le fils de Dieu est comme un signifié dans son signe ; étant charnel, ce signe est appelé à disparaître, et il disparaît précisément à la suite de la mort de Jésus, c’est pourquoi l’élévation de Jésus sur la croix est aussi le signe de sa divinité. Selon cette théologie, la mère de Jésus n’est pas la mère du fils de Dieu, mais de l’incarnation du fils de Dieu : elle est le lieu où le fils de Dieu a pris la chair de sa manifestation, elle est mère moins au sens de maternité que de matrice.

   La mère de Jésus apparaît auprès de la croix pour jouer, en l’accomplissant, le même rôle littéraire qu’aux noces de Cana. S’il est vrai qu’elle ne parle pas, il est aussi vrai que sa présence muette devant Jésus qui meurt comme fils de Dieu devient parole. En tant que mère, elle prétend être la mère du fils de Dieu, comme elle avait prétendu choisir le moment de son action dans le monde. Jésus parle pour la remettre à sa place : « femme voilà ton fils » (Jn 19:26), le fils que tu cherches à t’approprier, ce n’est pas moi mais un autre. Jésus présente cet autre dans la personne du disciple qu’il aime ; ce disciple ne symbolise pas le Jésus fils de Dieu, mais le Jésus de sa manifestation dans la chair, la femme n’est mère que par rapport à ce dernier.
   Nous sommes bien loin de l’Église catholique – déjà en germe en Matthieu et Luc – qui fait Marie mère du fils de Dieu, et donc de Dieu, comme de l’Église protestante, qui banalise la mère de Jésus.



1984




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