ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La genèse du discours de Jésus :

le message d’Ézéchiel et la première tentative de résolution de la crise



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours

Genèse du discours
- Introduction
- La purification
- La crise
- Les références bibliques
- La vision d’Osée
- Le message d’Ézéchiel
  . Introduction
  . Ézéchiel et Jean Baptiste
  . Le discours de Jean
  . Résolution de la crise
- Le Dieu de Jésus
- La personnalité de Jésus
- Le discours
- Résumé

Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Tentative de reconstruction thématique du discours de Jean



   Comme nous avons dû attribuer à Jésus le discours que Matthieu avait mis dans la bouche de Jean, nous pouvons avoir l’impression que celui-ci est pour nous un prophète muet, semblable à Zaccharie, son père présumé selon le récit de Luc (Lc 1:20), muet non parce que nous l’avons rendu tel, mais à cause de la censure de l’Église qui a remplacé son discours par celui de Jésus.
   La question se pose de savoir s’il est possible de reconstruire de quelque façon son discours pour lui redonner la parole. Si nous n’avions pas déjà analysé le discours de Jésus et si ses sources nous étaient encore inconnues, cette recherche serait prématurée. Elle a maintenant quelque chance de réussite, dans la mesure où les sources du discours de Jésus (surtout Ézéchiel 36, qui est le texte principal de référence) nous ont permis de connaître celles du message de Jean.
   C’est donc à partir de ce texte que nous pouvons tenter la reconstruction non, certes, du discours lui-même, mais des thèmes qui l’ont déterminé : s’il est vrai qu’Ézéchiel 36 a constitué le modèle thématique de l’appel de Jean, ce chapitre doit être considéré comme le miroir, sinon littéraire du moins théologique, de cet appel. Pour que cette recherche ait une assise textuelle, je la ferai précéder d’un schéma synoptique mettant en parallèle le passage d’Ézéchiel et la thématique du message de Jean, telle qu’elle apparaît dans les récits néo­testamentaires.

Schéma synoptique

   J’ai divisé ce schéma en deux parties, selon que les thèmes mis en parallèle sont concordants ou discordants. Cette distinction est très importante pour notre recherche, puisqu’elle montre que le message d’Ézéchiel a eu deux sortes d’influence sur les récits évangéliques concernant le Baptiste, selon que les auteurs l’ont approché selon une méthode herméneutique ou dialectique : dans la première démarche le sens est repris, dans la seconde au contraire il est retourné.

   Il se trouve aussi que ces deux influences se partagent chacune une zone des récits évangéliques : la première celle concernant la personne et l’activité de Jean, la seconde celle de son discours. Alors que le récit descriptif nous présente le message de Jean comme une interprétation d’Ézéchiel, son discours (celui que Matthieu met dans sa bouche) rompt avec ce message. La contradiction – que j’avais mise en relief et qui est la base de l’ensemble de cette recherche – entre la prédication présumée de Jean et son discours se trouve ainsi confirmée. Elle ne disparaît que si l’on ôte ce discours de la bouche de Jean pour l’attribuer à Jésus.
   L’opposition ne serait alors plus entre Jean et son discours, mais entre Jean et Jésus au moment où il a prononcé son discours. Dès lors, Jean se serait inspiré positivement du message d’Ézéchiel, alors que Jésus s’en serait détaché : tout en en gardant la thématique, il en aurait renversé le sens. On est donc amené à supposer que Jésus, après avoir été conditionné par le message d’Ézéchiel, s’en est séparé par son discours ; cette rupture s’est opérée lors de la deuxième résolution de sa crise par sa rencontre avec Osée.
   Ces thèmes discordants nous sont utiles, non seulement pour connaître la nouvelle solution de la crise, mais aussi pour comprendre la prédication de Jean. Ainsi l’ensemble de ces thèmes recouvre à la fois le message d’Ézéchiel contenu dans son chapitre 36 et le noyau essentiel, le Kérygme, de celui de Jean.

   Les thèmes concordants sont au nombre de quatre : le rassemblement, la purification par l’eau, la conversion du cœur, l’Esprit.
   Jean rassemble le peuple selon la visée du rassemblement d’Ézéchiel, non parce qu’il est déporté, mais parce qu’il est divisé entre des royaumes étrangers, hérodien et romain. Le peuple ne pouvait échapper à cette souillure qu’en se rassemblant en vue de ce royaume dans lequel il aurait retrouvé son unité.
   La mise en relation du baptême avec la purification par l’eau d’Ézéchiel confirme qu’il n’avait pas en lui-même le pouvoir de purification des péchés, mais qu’il permettait de considérer avec espérance l’événement futur du salut. Cet événement est la purification par une eau pure donnée par Dieu lui-même, purification efficace dans la mesure où elle était suivie par un changement radical de l’homme.
   La repentance comme regret du péché et la conversion étaient précédées par une action divine qui changeait l’homme, le créant à nouveau, son cœur de pierre redevenant de chair.
   La thématique de l’Esprit ne faisait que compléter cette idée : l’homme devenant un corps, l’Esprit prenait la signification du souffle de Dieu, destiné à donner à ce corps une âme vivante.

   Les thèmes discordants nous permettent, en inversant leur sens, de déterminer ensuite le message. Alors que, dans le discours de Jésus, la repentance tombe dans la sphère de la liberté humaine, puisqu’elle est objet d’un impératif de Dieu – « produisez des fruits de repentance » – ici elle est une œuvre de Dieu lui-même, résultant de la purification qu’il donne.
   Quant à la génération d’Abraham, quoique Jésus en vienne à contester son rôle, elle demeure dans le message d’Ézéchiel et de Jean le sujet unique des promesses de Dieu. Ces promesses trouvent leur accomplissement dans l’abondance du blé et des fruits de la terre, alors que dans le discours de Jésus la référence au blé n’exprime que le jugement de Dieu.
   Le thème du repentir surgit, selon les deux messages, non de la crainte du jugement mais de la prise de conscience de la bénédiction de Dieu.
   Enfin, le message d’Ézéchiel vise au rétablissement de la nation – Dieu rebâtit ce qui était abattu et replante ce qui était dévasté – alors que, dans le discours de Jésus, Dieu fait tout le contraire, puisqu’il coupe les arbres jusqu’aux racines.

   Pour conclure, je dirai que Jean appelait le peuple à s’inscrire dans la vision du rétablissement final d’Israël par une profonde réforme des mœurs. Sa prédication était à la fois éthique et mystique, constituant un double logos, commun (koinos) et sacré (hiéros), dans la mesure où il prêchait la réforme de conscience en l’inscrivant dans une visée eschatologique de purification. Quant au baptême, il n’était qu’un geste signifiant à la fois l’engagement moral et l’insertion dans la perspective du rétablissement final : gage de fidélité pour tous, signe des réalités futures pour les initiés.



1984




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u0952000 : 13/04/2018