Présentation
Texte intégral :
La rencontre d’amour
Les disciples du Royaume
Le banquet des noces
Itinéraire d’un bâtard
Le défi
La fugue
Sur le pont du bateau
Chemins d’amour
Dalmanutha
Transfiguration et insurrection
La Dédicace
Correspondances
Béthanie
Gethsémani
Le procès
- La cause
- L’accusation
- La défense
- La sentence
- Noctula
Golgotha
L’enterrement
Le jour de la Pâque
Le tombeau vide
Les semeurs
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ilate se rend au milieu du prétoire, encadré par les licteurs. Concentré, pénétré de sa fonction, il caresse l’anneau de sa main gauche pendant que des esclaves posent sur ses épaules un manteau écarlate ; puis, s’adressant à l’assistance :
" Conseillers du Sanhédrin, peuple de Jérusalem, vous m’avez présenté cet homme pour des accusations qui relèvent de deux juridictions : celle de votre loi et celle du Droit romain. Je dois donc le juger comme si j’avais affaire à deux inculpés ; d’ailleurs, vous me l’avez présenté vous-mêmes sous deux noms : Barabbas, fils du père, et Jésus de Nazareth.
" Concernant Barabbas, je ne peux le juger que pour ce qui est des transgressions à votre loi, donc sur le délit de magie. J’ai considéré attentivement vos accusations, la déposition des témoins et la plaidoirie de la défense, je n’y trouve aucun acte de magie. Il est donc acquitté de ce délit. Pour ce qui est de sa culpabilité envers vos lois, vous le jugerez en conséquence, mais je déclare qu’elle ne mérite pas la mort.
- À ces paroles, c’est le tumulte dans le peuple et chez les grands prêtres, mais Pilate leur impose silence en levant la main :
" Je suis le représentant de l’empereur, César parle par ma bouche !
" Jésus de Nazareth, par contre, est bien responsable d’une émeute populaire, mais il n’a pas commis le crime d’atteinte à la sûreté de l’État. En effet, ou il était fou et je ne peux pas le juger, ou il ne l’était pas, et les moyens qu’il a utilisés étaient inefficaces et ridicules pour une telle entreprise. La défense a eu raison de dire que le mobile n’était pas la chute du pouvoir. Il serait indigne de la puissance de l’empire de considérer cette émeute comme un crime contre l’État. En conséquence, je punirai Jésus de Nazareth selon la gravité de son délit : qu’il soit flagellé jusqu’au sang de soixante coups alternés ! Qu’il sache que Rome ne peut tolérer que quelqu’un, fût-il prophète, mette en péril l’ordre qu’elle a établi.
- À ma grande surprise, le peuple ne réagit pas et semble satisfait du verdict. Des soldats s’approchent alors, avec des fouets à lanières de cuir munies de crochets de fer. Ils entraînent Jésus au milieu du prétoire, lui ôtent ses vêtements et le frappent à coups rythmés, comme des rameurs sur une galère. Aux premiers coups, Jésus s’affaisse ; le sang ruisselle de ses blessures, mais il n’exhale aucune plainte. Pilate, qui s’est retiré derrière les tentures, réapparaît à la fin de la sanction, souriant et comme soulagé. Ordonnant à Jésus de se relever il le montre à la foule :
" Voici votre roi ! " Mais les gens, pris de fureur, se mettent à hurler : " Ôte cet homme de notre vue ! Nous n’avons pas de roi ! Qu’il soit crucifié !
" Noble Pilate, intervient un grand prêtre, nous ne pouvons pas recueillir cet individu, que nous offre ta pitié plus que ta justice. S’il échappe à ton jugement, il tombera sous celui du peuple qui ne pourra pas supporter un homme qui revendique la royauté. Sans doute le lapidera-t-il, et nous ne pourrons rien y faire. D’ailleurs, nous serons tiraillés entre le souci d’éviter un crime et celui de satisfaire le besoin de justice du peuple.
- Le procurateur, furieux, s’adresse à eux avec tout le mépris dont il est capable :
" Jusques à quand, ô grands prêtres, abuserez-vous de ma patience ? Je n’ai pas prononcé une sentence de clémence, mais de justice. Ceux qui s’y opposent sont des ennemis de Rome ! Ignorez-vous que j’ai le pouvoir de vous maintenir dans vos offices ou de vous en déchoir ?
" Que le procurateur ne s’irrite pas contre nous, car nous désirons rester soumis au pouvoir de Rome. Mais nous deviendrions des ennemis de Rome si nous tolérions parmi nous quelqu’un qui a prétendu se faire roi. Nous ne reconnaissons d’autre roi que César !
" Est-ce au juge des affaires intérieures de la province, ou au lieutenant de l’empereur que vous vous adressez ?
" Nous n’agissons pas en tant qu’accusateurs, mais en chefs responsables du peuple, de par l’autorité que César nous a conférée. Nous livrons au procurateur un homme qui a osé usurper le pouvoir de César.
" Reconnaissez donc que le procès s’est déroulé dans les formes légales et soumettez-vous à la sentence. Mais, dans une autre instance de mon pouvoir, comme chefs du territoire vous faites acte d’allégeance à l’autorité romaine, en reconnaissant que seul César est et restera votre roi.
" Oui, nous ne connaissons pas d’autre roi que César !
" Je ne pourrais pas, dans le même temps, accepter votre soumission et refuser l’exécution du prisonnier que vous me livrez. Qu’il soit crucifié, comme tous ceux qui se dresseront pour se faire proclamer roi : en reconnaissant César comme seul maître, vous me livrez le dernier roi des Juifs, en cet homme, je supprime votre roi ! Puis, s’adressant à la cour : Que Jésus de Nazareth soit condamné à la croix en tant que roi des Juifs. Notez cet attendu dans les actes du procès et sur un écriteau suspendu à son cou.
- Le peuple exulte, mais les grands prêtres protestent :
" Tu ne dois pas le condamner parce qu’il est le roi des Juifs, mais parce qu’il s’est prétendu tel !
" Je ne l’ai pas jugé comme quelqu’un qui se prendrait pour le roi des Juifs, mais je l’ai condamné à mort en gage de votre fidélité à César. Vous m’avez livré celui que vous nommez, vous-mêmes, le ’ roi des juifs ’, ce qui est écrit est écrit !
- Ceci dit, il ordonne qu’on lui apporte de l’eau. Un esclave lui présente alors un bassin, il fait couler de l’eau sur ses mains puis les essuie.
- Pourquoi a-t-il agi de la sorte ?
- Il est difficile d’en saisir le vrai motif. Peut-être par mesure d’hygiène, mais peut-être a-t-il manifesté ainsi qu’il laissait la responsabilité du jugement aux autorités juives, tout en exprimant son mépris et son aversion. Il n’ignorait pas qu’il était tombé dans un piège et il s’efforçait de sauver son autorité en cachant sa faiblesse sous son dédain.
- Et Jésus, pourquoi ne s’est-il pas défendu ?
- De quoi et contre qui ? Il savait qu’il était condamné d’avance. Extérieurement, l’homme parle et lutte, jouant de l’habileté et de la ruse ; intérieurement il se tait, n’éprouvant sa force que dans sa conviction intime.
LE SILENCE DE JÉSUS
Tu n’as pas défendu ton innocence
Comme accusé dans le procès romain ;
Et quand le juge a rendu sa sentence
Tu as été très digne, en souverain.
Déjà entré au règne du silence,
Tu n’éprouvais qu’un méprisant dédain
Pour ceux qui sacrifient leur existence
Pour la conquête d’un pouvoir mondain.
Ton âme était cependant si sereine
Que l’amour rayonnait dans tes regards,
La paix et la douceur dans ton haleine.
Mais ton aimée n’était pas là ce jour,
Pour inviter ces gens vils et bavards
À recevoir la paix de ton amour.
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