ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Chronique  de  Marie-Madeleine



Roman





Chapitre 15 - Le procès :

La sentence



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Présentation


Texte intégral :

La rencontre d’amour

Les disciples du Royaume

Le banquet des noces

Itinéraire d’un bâtard

Le défi

La fugue

Sur le pont du bateau

Chemins d’amour

Dalmanutha

Transfiguration et insurrection

La Dédicace

Correspondances

Béthanie

Gethsémani

Le procès
- La cause
- L’accusation
- La défense
- La sentence
- Noctula

Golgotha

L’enterrement

Le jour de la Pâque

Le tombeau vide

Les semeurs


ilate se rend au milieu du prétoire, encadré par les licteurs. Concentré, pénétré de sa fonction, il caresse l’anneau de sa main gauche pendant que des esclaves posent sur ses épaules un manteau écarlate ; puis, s’adressant à l’assistance :

" Conseillers du Sanhédrin, peuple de Jé­rusalem, vous m’avez présenté cet hom­me pour des accusations qui relèvent de deux juridictions : celle de votre loi et celle du Droit romain. Je dois donc le juger comme si j’avais affaire à deux inculpés ; d’ailleurs, vous me l’avez présenté vous-mêmes sous deux noms : Barabbas, fils du père, et Jésus de Nazareth.
" Concernant Barabbas, je ne peux le ju­ger que pour ce qui est des transgres­sions à votre loi, donc sur le délit de ma­gie. J’ai considéré attentivement vos accu­sations, la déposition des témoins et la plaidoirie de la défense, je n’y trouve au­cun acte de magie. Il est donc acquitté de ce délit. Pour ce qui est de sa culpabilité envers vos lois, vous le jugerez en consé­quence, mais je déclare qu’elle ne mérite pas la mort.

- À ces paroles, c’est le tumulte dans le peuple et chez les grands prêtres, mais Pilate leur impose si­lence en levant la main :

" Je suis le représentant de l’empereur, Cé­sar parle par ma bouche !
Jésus de Nazareth, par contre, est bien res­ponsable d’une émeute populaire, mais il n’a pas commis le crime d’atteinte à la sûreté de l’État. En effet, ou il était fou et je ne peux pas le juger, ou il ne l’était pas, et les moyens qu’il a utilisés étaient inef­ficaces et ridicules pour une telle entre­pri­se. La défense a eu raison de dire que le mo­bile n’était pas la chute du pouvoir. Il serait indigne de la puissance de l’em­pire de considérer cette émeute comme un cri­me contre l’État. En conséquence, je pu­ni­rai Jésus de Nazareth selon la gravité de son délit : qu’il soit flagellé jusqu’au sang de soixante coups alternés ! Qu’il sa­che que Rome ne peut tolérer que quel­qu’un, fût-il prophète, mette en péril l’or­dre qu’elle a établi.

- À ma grande surprise, le peuple ne réagit pas et semble satisfait du verdict. Des soldats s’approchent alors, avec des fouets à lanières de cuir munies de crochets de fer. Ils entraînent Jésus au milieu du pré­toire, lui ôtent ses vêtements et le frappent à coups rythmés, comme des rameurs sur une galère. Aux pre­miers coups, Jésus s’affaisse ; le sang ruisselle de ses blessures, mais il n’exhale aucune plainte. Pilate, qui s’est retiré derrière les tentures, réapparaît à la fin de la sanction, souriant et comme soulagé. Ordon­nant à Jésus de se relever il le montre à la foule :

" Voici votre roi ! " Mais les gens, pris de fureur, se mettent à hurler : " Ôte cet hom­me de notre vue ! Nous n’avons pas de roi ! Qu’il soit crucifié !
" Noble Pilate, intervient un grand prêtre, nous ne pouvons pas recueillir cet indivi­du, que nous offre ta pitié plus que ta jus­tice. S’il échappe à ton jugement, il tom­be­ra sous celui du peuple qui ne pour­ra pas supporter un homme qui revendi­que la royauté. Sans doute le lapidera-t-il, et nous ne pourrons rien y faire. D’ail­leurs, nous serons tiraillés entre le souci d’éviter un crime et celui de satisfaire le besoin de justice du peuple.

- Le procurateur, furieux, s’adresse à eux avec tout le mépris dont il est capable :

" Jusques à quand, ô grands prêtres, abu­serez-vous de ma patience ? Je n’ai pas pro­noncé une sentence de clémence, mais de justice. Ceux qui s’y opposent sont des ennemis de Rome ! Ignorez-vous que j’ai le pouvoir de vous maintenir dans vos of­fices ou de vous en déchoir ?
" Que le procurateur ne s’irrite pas contre nous, car nous désirons rester soumis au pouvoir de Rome. Mais nous deviendrions des ennemis de Rome si nous tolérions par­mi nous quelqu’un qui a prétendu se faire roi. Nous ne reconnaissons d’autre roi que César !
" Est-ce au juge des affaires intérieures de la province, ou au lieutenant de l’empe­reur que vous vous adressez ?
" Nous n’agissons pas en tant qu’accusa­teurs, mais en chefs responsables du peu­ple, de par l’autorité que César nous a con­férée. Nous livrons au procurateur un homme qui a osé usurper le pouvoir de César.
" Reconnaissez donc que le procès s’est dé­roulé dans les formes légales et soumet­tez-vous à la sentence. Mais, dans une au­tre instance de mon pouvoir, comme chefs du territoire vous faites acte d’allé­gean­ce à l’autorité romaine, en reconnais­sant que seul César est et restera votre roi.
" Oui, nous ne connaissons pas d’autre roi que César !
" Je ne pourrais pas, dans le même temps, accepter votre soumission et refuser l’exé­cution du prisonnier que vous me livrez. Qu’il soit crucifié, comme tous ceux qui se dresseront pour se faire proclamer roi : en reconnaissant César comme seul maî­tre, vous me livrez le dernier roi des Juifs, en cet homme, je supprime votre roi ! Puis, s’adressant à la cour : Que Jésus de Naza­reth soit condamné à la croix en tant que roi des Juifs. Notez cet attendu dans les actes du procès et sur un écriteau sus­pen­du à son cou.

- Le peuple exulte, mais les grands prêtres protes­tent :

" Tu ne dois pas le condamner parce qu’il est le roi des Juifs, mais parce qu’il s’est prétendu tel !
" Je ne l’ai pas jugé comme quelqu’un qui se prendrait pour le roi des Juifs, mais je l’ai condamné à mort en gage de votre fi­délité à César. Vous m’avez livré celui que vous nommez, vous-mêmes, le ’ roi des juifs ’, ce qui est écrit est écrit !

- Ceci dit, il ordonne qu’on lui apporte de l’eau. Un esclave lui présente alors un bassin, il fait couler de l’eau sur ses mains puis les essuie.
- Pourquoi a-t-il agi de la sorte ?
- Il est difficile d’en saisir le vrai motif. Peut-être par mesure d’hygiène, mais peut-être a-t-il manifesté ain­si qu’il laissait la responsabilité du jugement aux au­torités juives, tout en exprimant son mépris et son aversion. Il n’ignorait pas qu’il était tombé dans un piège et il s’efforçait de sauver son autorité en ca­chant sa faiblesse sous son dédain.
- Et Jésus, pourquoi ne s’est-il pas défendu ?
- De quoi et contre qui ? Il savait qu’il était con­dam­né d’avance. Extérieurement, l’homme parle et lutte, jouant de l’habileté et de la ruse ; intérieure­ment il se tait, n’éprouvant sa force que dans sa conviction in­ti­me.



LE SILENCE DE JÉSUS

Tu n’as pas défendu ton innocence
Comme accusé dans le procès romain ;
Et quand le juge a rendu sa sentence
Tu as été très digne, en souverain.

Déjà entré au règne du silence,
Tu n’éprouvais qu’un méprisant dédain
Pour ceux qui sacrifient leur existence
Pour la conquête d’un pouvoir mondain.

Ton âme était cependant si sereine
Que l’amour rayonnait dans tes regards,
La paix et la douceur dans ton haleine.

Mais ton aimée n’était pas là ce jour,
Pour inviter ces gens vils et bavards
À recevoir la paix de ton amour.




Roman achevé en 2002




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t321559 : 21/10/2020