ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Tourcoing (1960-1967) :
parole d’utopie


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à
  Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
  . Introduction
  . Création et alliance
  . Mort de la religion
  . Résurrection
  . Reniement et foi
  . L’alternative
  . De la solitude à la
    communion

    - Libérés des tabous
    - Pierre et Corneille
  . À l’œuvre dans le monde
- L’impasse
- Recherche de structures
   nouvelles
- Expériences nouvelles
- Vers la crise

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

De la solitude à la communion :
libérés des tabous


   Dans la rencontre de Jésus avec la femme de Samarie figurent quelques-uns des obstacles à franchir pour vaincre la solitude des hommes. Il n’était pas courant pour un juif des passer par la Samarie pour se rendre en Galilée, car les juifs n’avaient pas de relations avec les Samaritains (1). Il y avait donc nécessité pour Jésus d’affirmer un nouveau genre de relations humaines et de transgresser ce premier tabou : il a traversé le rideau de méfiances, de mépris, d’hostilité et d’ignorances mutuelles. Aujourd’hui, il y a nécessité aussi à abattre les frontières qui divisent les peuples, ceux de l’Est et de l’Ouest, ou du Tiers-Monde.

   Obstacles extérieurs : voici Jésus en Samarie, à Sychar, près du puits de Jacob. Une femme de Samarie, comme à l’accoutumée, vient y chercher sa provision d’eau. Le juif est devant la Samaritaine ! Le lieu de la rencontre est celui de l’autre. Mais nous, nous attendons que les autres viennent vers nous : le juif, le noir, le nord-africain, le communiste, le voisin… Les rencontres ne s’effectuent qu’aux lieux familiers de l’existence des hommes : lieux de travail, d’habitation, de loisirs, syndicats ou clubs…

   « Donne-moi à boire ». Acte commun, élémentaire, vital pour tout homme. Parole de paix. Cependant, ce geste vital divise les hommes : « Comment toi, qui es juif, ma demande-tu à boire, à moi qui suis Samaritaine ? » Comment toi, qui es de l’Est, parles-tu de paix à moi qui suis de l’Ouest, ou d’Asie, ou d’Afrique ? Pourquoi serait-il tabou de parler un langage aussi élémentaire, vital pour tous les hommes ?
   Et puis, comment toi, qui es un homme, parles-tu à une femme en public, à moins qu’elle ne soit une prostituée ? Toujours un tabou, même si, aujourd’hui, il semble dépassé. Voyez pourtant comment la femme est « imaginée » dans la mentalité courante de l’homme ! Écoutez les conversations, regardez les affiches, lisez les journaux ! Si la publicité la plus terre-à-terre n’expose pas la femme, le produit se vend mal ! Tant de tabous sexuels aussi à lever, qui enferment hommes et femmes dans des solitudes si profondes qu’elles provoquent des drames qui ne se dénouent pas toujours dans des divorces publics !

   Obstacles intérieurs… Jésus et la Samaritaine sont l’un près de l’autre, ils se parlent mais ne se comprennent pas encore. « Si tu connaissais le don de Dieu » dit l’un ; « Donne-moi de cette eau et que je n’aie plus soif », répond l’autre. Dialogues de sourds, mots communs où chacun entend un contenu différent : boire, paix, justice, liberté ! On reste seul, prisonnier de sa vérité.

   Étrange paradoxe ! La communication pourra s’établir par une rupture. « Va, appelle ton mari » dit l’un ; « Je n’ai pas de mari » répond l’autre. Un tabou plus existentiel bloquait cette femme, car la communication exige la transparence : être véridique avec soi-même pour le devenir avec autrui. Notre personnalité, qui se masque d’honorabilité, de fausses pudeurs, de susceptibilités ou de fautes, doit émerger à la lumière de la conscience. Être délié, libéré de ce tabou, voilà le « don de Dieu » qui ouvre à la communication et brise la solitude d’un être. La femme de Samarie a fait cette découverte à l’instant où elle n’a plus fui derrière son personnage public ou ses vérités apprises. Femme libre, elle s’est empressée de proclamer sa libération. En cet homme assis au bord du puits de Jacob, elle a rencontré quelqu’un de sa condition d’humanité qui sut entendre son désir secret de partage et d’amour.



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(1) Voir l'analyse référentielle et archéologique de la rencontre par Ennio Floris (Sur les bords du Jourdain, 1984)   Retour au texte



1992




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tc434610 : 22/07/2019