Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
. Introduction
. Création et alliance
. Mort de la religion
. Résurrection
. Reniement et foi
. L’alternative
. De la solitude à la communion
. À l’œuvre dans le monde
- En pleine eau
- Dieu et César
- Lettres du Christ
- L’impasse
- Recherche de structures nouvelles
- Expériences nouvelles
- Vers la crise
La crise
Épilogue
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À l’œuvre dans le monde : en pleine eau
Le premier mai, le monde célèbre le travail des hommes. La scène se passe au petit matin au bord du lac de Génésareth. La veille, Jésus avait eu une lourde journée à Capharnaüm, et ce matin une foule se presse encore autour de lui. À l’aube d’un jour ouvrable, les groupes de pêcheurs qui, la tâche terminée, ont étalé leurs filets sur la plage les débarrassent des algues ou réparent les mailles rompues. Il y a beaucoup d’air frais dans ce récit ! Jésus monte dans la barque de Simon : sa « chaire de prédicateur » est l’outil de travail de ces solides travailleurs de la mer, sa prédication sentira ce jour-là les embruns et les odeurs de travail, ou la peine et la déception des hommes.
« Avancez en pleine eau et jetez vos filets pour pêcher ». Se moque-t-il ? Comprend-il quelque chose au travail de ces marins lui, l’homme de la parole, alors qu’ils ont travaillé toute la nuit en vain, que tout leur savoir-faire n’a servi à rien ?
Comment ignorer la situation des ouvriers du textile, le chômage latent, les bas salaires de beaucoup et la prospérité de quelques-uns ? Les techniciens n’ont-ils pas perdu la signification de leur travail, prisonniers de leur technicité, de leurs spécialisations de plus en plus étroites ? Récemment, j’entendais dire que des physiciens atomistes français étaient si accaparés par leurs problèmes techniques qu’ils en perdaient de vue le but de leurs travaux : la fabrication de la bombe atomique !
Il est un autre travail qui, parfois, s’accomplit aussi sans perspective, celui de l’enfantement. Pourquoi mettre au monde des enfants, s’ils doivent vivre à la rue, sans trouver plus tard une place digne en ce monde, ou qui devront servir au déchaînement de folie de la guerre ? Maternités trop nombreuses ou trop rapprochés, ou non désirées dans des logements trop exigus, avec de maigres salaires.
Et le travail scolaire de nos enfants a-t-il encore un sens, quand les jeunes ne savent plus pourquoi ils sont là, ou s’ils auront un avenir, quand les maîtres sont en nombre insuffisant, que les locaux sont anachroniques ?
L’homme subit alors son travail sans joie, sans autre horizon qu’un gagne-pain qui permet parfois seulement de survivre ; les revendications ouvrières se réduisent à de simples demandes d’augmentation de salaires, sans recherche d’une vraie transformation de la société. Alors, à quoi bon ? « Nous avons peiné inutilement »…
« Avance en pleine eau… et vous allez voir ce que vous allez voir ! » S’il s’agissait d’un « miracle surnaturel », qu’ils auraient raison les sceptiques devant ce « Christ » d’un autre monde ! Au contraire, voici la parole du chef d’entreprise qui « ordonne » le travail et lui donne son sens. Rien n’est magique, seulement la logique d’une connaissance sure de l’homme lucide qui peut changer le « à quoi bon ? » de l’inutile peine des hommes en prospérité économique parce qu’il a vu quand il fallait voir. Sa connaissance sait modifier les plans établis, et même les techniques « éprouvées ».
Mais ce chef d’entreprise est « serviteur » des hommes, et non « patron » qui sert ses intérêts. Le travail devient alors œuvre commune : la parole a donné pouvoir et suscité la responsabilité des travailleurs, la réussite a été au bout de l’œuvre commune et la prospérité a profité à tous. Ce n’était pas un « miracle », mais un acte prophétique qui assurait au travail humain sa valeur de libération et de collaboration à l’œuvre de la vie.
On ne subit plus les événements, on les « domine » : le travail est fruit de la responsabilité partagée des techniciens et des ouvriers. Effroi de Simon ! Où peut conduire une telle reprise en mains par tous d’un travail libérateur et source de prospérité pour tous ?
« Tu seras pêcheur d’hommes ! » Jeu de mots qui n’est pas sans lien avec ce qui s’est passé. L’événement prophétique de ce jour-là devra s’achever dans l’histoire humaine. Ce matin-là, sur les bords du lac de Génésareth, la libération des hommes avait commencé. Désormais, la parole qui a valorisé le travail de ces pêcheurs devra poursuivre sa mission : convertir le travail aliénant des hommes en œuvre de liberté.
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