Le roman inachevé d’un utopiste

Résurrection :
sur le chemin d’Emmaüs

   Deux hommes rentraient dans leur village d’Emmaüs (1) et s’entretenaient de tout ce qui s’était passé trois jours auparavant. Tout était bien fini, la mort avait enseveli leur espérance ! Voici de nouveau la grisaille des jours où tout est toujours à recommencer, où ce qui a été sera encore. On souhaitait que cela change dans le monde, où l’injustice règne presque partout, où la paix n’est qu’un équilibre précaire : avoir enfin un monde neuf, propre, où il ferait bon vivre sans crainte, où seule la vie s’épanouirait… ce n’était qu’un rêve !
   Deux hommes cheminaient ainsi à côté de l’événement nouveau. Tout était changé et ils ne voyaient rien : « nous espérions… » En ce vingtième siècle de « progrès » et de possibilités apparemment illimitées pour l’humanité, c’est encore la question fondamentale.

   À moins que… ce qui s’est passé pour ces deux hommes du chemin d’Emmaüs… Mais que s’est-il passé au juste ? À vrai dire, je n’en sais trop rien ! Pourtant, soudain, l’événement nouveau de la vie a cessé de cheminer à côté d’eux pour faire une percée à l’intérieur de chacun. Se remémorant les Écritures, nous est-il dit, ils « comprirent ». L’événement de l’amour ne leur était désormais plus extérieur, mais en eux et par eux. Pour que cela change, il faut se laisser pénétrer, féconder, par la parole de l’amour. Un long cheminement parfois est nécessaire : aussi longtemps que les deux hommes ont cheminé à côté de l’événement de l’amour, celui-ci leur est demeuré étranger, mais à l’instant où ils ont compris que la mort de Jésus de Nazareth n’était ni un échec ni la fin de leur espérance, mais l’expression la plus éclatante de l’amour et du service, du partage et de la communion, alors ils reconnurent en eux la présence de la vie !



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   (1) Voir l’analyse référentielle et archéologique de la rencontre d’Emmaüs (Ennio Floris, 2006).