ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Les  Discours  (1689-1717)



3-  Conscience  éthique  et  conscience  historique



Nul n’est ennemi plus cruel à l’encontre de son ennemi, et plus haï par lui que l’insensé à l’égard de lui-même (1).




32- Le conflit des passions
et la liberté morale



Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique
Aliénation et responsabilité
  humaine
Le conflit des passions et la
  liberté morale

Liberté et grâce
La loi naturelle et la loi éternelle
Le décalogue de la loi naturelle
Le salut par la sagesse

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico


DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691 a notion d’alliance (foedus) avec laquelle Vico interprète l’ordre de l’univers et la liberté morale renvoie directement au texte du De hominis dignitate. Le même schéma s’y re­trouve.
   À sa naissance, l’homme s’inscrit dans l’éco­nomie d’une alliance par laquelle Dieu s’unit à toutes les créatures. Le but de cette alliance est la paix. L’homme se trouve cependant dans une situation spéciale, bien que privilégiée. N’étant pas contraint en ce qu’il n’a pas de nature, il est libre de se diriger vers les choses célestes ou bien vers les « infernales », c’est à dire les matérielles. D’où sa situation de lutte intérieure.
   Pic de la Mirandole exprime par l’image dan­tesque du lion l’obstacle que l’homme doit franchir pour parvenir à la paix avec lui-même (3). Pour progresser sur le chemin de l’humanité, il faut tuer la bête, lutte que les hommes doivent entrepren­dre à tous les niveaux, mettant en œuvre toutes les disciplines, de la dialectique à la philosophie de la nature. Seul parviendra à la paix celui qui aura conduit toutes les facultés et les disciplines à l’uni­té de l’esprit. C’est l’union la plus réelle comme la plus « sainte » qui relie d’une manière indissoluble l’homme à l’alliance, afin qu’il puisse jouer dans la création son rôle de médiation.

En effet, l’homme pichien se trouve moins dans le sillage d’une culpabilité originelle qu’au sein d’un monde inachevé, dont l’accomplissement lui a été confié. Sa réponse est décisive, autant pour lui-même que pour tout l’univers. En effet, si l’homme refusait son « oui », les deux parties du monde – le spirituel et le matériel – resteraient écartelées, ne pouvant rejoindre le Créateur. La morale s’inscrit dans l’ontologique et la liberté humaine devient médiatrice de l’harmonie univer­selle des êtres. Ainsi se déploie l’envergure du message pichien : la conscience des hommes n’est que liberté, leur comporte­ment éthique devient la condition de la valeur et du sens de l’univers.

Vico emprunte à Pic de la Mirandole la notion de foedus pour l’étendre dans un sens social et poli­tique. S’ils sont liés par une alliance avec Dieu, les hommes sont inscrits en même temps par elle dans une république universelle (4). Au rôle de médiateur s’ajoute celui de prince. Sous cet as­pect, l’affirmation que l’homme est privé de na­ture semble le gêner, car – pour lui – l’homme a pour nature la possibilité de liberté que l’alliance de Dieu lui offre. En d’autres termes, l’homme a pour nature son devoir-être qui ne serait que l’ap­propriation de sa part de la Loi éternelle cons­titutive de l’Alliance. Son essence est la loi éter­nelle elle-même dans toute son étendue.

Cette précision, d’origine stoïcienne, offre une meilleure compréhension de la liberté. Selon la théorie de Pic de la Mirandole, l’homme était foncièrement esclave, conditionné par l’attrait des deux natures – la céleste et la sensible – en sorte que sa décision n’était pas seulement motivée par sa liberté, mais aussi par l’interaction à caractère cosmique des deux natures.
   Vico, par contre, donne à la liberté une valeur exclusivement morale. Le conflit subi par l’hom­me dans son être propre n’est pas cosmique, mais éthique. De même que sa nature est sa propre éthicité, son existence est son choix éthique. Vico parvient ainsi à dépasser le naturalisme où Pic de la Mirandole semble s’enliser, malgré l’accent mis sur la liberté. Abandonnant la nature, Vico s’achemine vers ce monde humain qui constituera l’objet unique de sa philosophie.

En conséquence de cette thèse, les deux extrêmes qui marquaient les limites du choix – l’ange et la bête – deviennent chez Vico pôles de la dia­lectique de l’être. Pic de la Mirandole avait sur lui l’avantage d’affirmer un existen­tialisme hardi, surprenant, révolutionnaire. Vico semble le suivre, mais en même temps il le limite par un retour subtil à l’essentialisme. En cela, il le libère de ses attaches cosmologiques. La distinction entre es­sence et existence est réintroduite.

Existant dans un libre choix, l’homme accomplit cependant sa nature s’il obéit ou s’il désobéit à la loi éternelle.
   S’il obéit, il vit en sage, réalisant en lui-même les perspectives ouvertes par l’alliance : il devient dieu de son monde, capable de comprendre l’uni­vers par cette « même raison avec laquelle Dieu y opère ».
   S’il désobéit, il est insensé, s’aliénant de sa propre nature idéale. Sage, il est citoyen et prince de la république de l’univers ; insensé, il est chassé de la cité, privé de demeure. Incapable d’exercer son rôle, il vit sans but, dans une situa­tion d’errance. Il est là où il n’est pas, là où pour lui n’existe pas d’être. Même dans cet état, il est homme, dans la mesure où il demeure dans cette loi constitutive de sa nature propre. Mais au lieu d’en recevoir les bienfaits, il en subit la malé­diction, soumis à son pouvoir de vengeance. Sa vie devient ainsi une punition, et le corps dans lequel il existe devient une prison. L’homme n’a plus alors d’autre possibilité de communiquer avec les êtres qu’à travers les sens et l’erreur (5).




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t311320 : 01/09/2019