e problème n’est pas résolu pour autant : il faut en effet rechercher le sujet responsable de la guerre et des études. Puisqu’elles sont des arts, convient-il de les abandonner au libre arbitre des individus, en sorte que quiconque puisse faire la guerre à chacun, et que quiconque devienne le maître dans l’orientation à donner aux études ? Pour Vico, ce sujet est l’État (respublica) (6). Puisque la finalité de l’État est la paix, la guerre et les études (l’art militaire et l’art libéral), justifiées par celle-ci, ne se contredisent pas.
Cette thèse révèle que Vico a poursuivi la lecture de Machiavel. Peut-être en a-t-il ressenti la nécessité pour mieux approfondir politiquement et historiquement le sujet de la conjuration qu’il devait traiter dans son livre. Il ne pouvait pas bien comprendre la guerre de succession sans se référer au Dialogue de l’art et de la guerre de Machiavel, trop célèbre pour être ignoré.
Dans sa préface, Machiavel avoue s’être décidé à traiter de la guerre pour tenter d’expliquer l’opposition ressentie par l’opinion courante entre la vie militaire et la vie civile. Sans doute ces deux systèmes de vie présentent-ils des caractères inconciliables, l’un se fondant sur la violence, l’autre sur la paix. Ils le seraient, en effet, si l’art militaire devenait individuel et personnel, comme le sont les arts libéraux. En devenant individuelle, la vertu militaire rendrait les hommes violents et féroces, n’ayant d’autre justification que le caprice et la bravoure.
L’art militaire ne peut être exercé que par l’État. Il trouve ainsi sa raison d’être dans la paix qui fonde aussi la vie civile. Sans doute, la paix est-elle l’unique finalité de l’État ; mais pour qu’elle devienne effective, et non seulement fictive, l’État doit être prêt en tous temps à repousser tous ceux qui lui porteraient atteinte. Au lieu de mettre en péril les institutions civiles, l’armée représente le fondement de leur stabilité. Les arts eux-mêmes ne pourraient être garantis si l’armée n’éloignait d’avance les dangers extérieurs.
Les peuples anciens n’étaient pas affectés par la tension entre les lettres et les armes, parce qu’ils respectaient le fondement politique de la guerre. Au moment où Machiavel écrit, l’opinion publique a changé, parce que les consciences se sont corrompues, les hommes transformant l’art militaire en une vertu individuelle. En disant cela, Machiavel s’en prenait aux bandes de mercenaires (compagnie di ventura), dans lesquelles il voyait, avec le pouvoir temporel des papes, une des raisons fondamentales de la ruine des États italiens. Ne possédant pas par eux-mêmes les moyens de défendre leur propre paix, ils étaient instables, soumis au vouloir de ceux qui ne connaissaient que l’art de la guerre. Ainsi, le pouvoir politique n’était guidé que par la force et la nécessité militaire (7).