ette théorie dépasse les limites imposées par la question de la guerre. Elle nous montre aussi que Vico demeure toujours sensibilisé par Hobbes, auquel il cherche à répondre en approfondissant le jus naturalisme de Grotius.
Hobbes repose le fondement du juste et de l’injuste dans le contrat qu’il a placé comme fondement de la vie sociale. La justice coïnciderait avec la logique du contrat. Juste est celui qui se comporte de façon cohérente à l’acte de cession de sa propre liberté (10).
Vico s’approprie la théorie contractuelle hobbsienne, mais la trouvant insuffisante pour fonder le juste et l’injuste et pour expliquer les relations entre les États, il la limite au domaine du droit civil. Pourquoi serait-il juste de rester lié au contrat, si chacun l’a signé librement ? Quelle raison en empêcherait la résiliation ? Pourquoi ne peut-on pas redevenir barbares ? En outre, d’où jaillit l’équité des pactes par lesquels les États s’associent ? Sans doute y sont-ils poussés par des motifs d’utilité, mais où est le fondement du juste et de l’injuste justifiant la guerre ?
Vico – avons-nous dit – conserve la bipartition juridique ; mais au lieu de faire coïncider le droit naturel et l’usage de la liberté propre à l’âge primitif, il l’identifie à la condition universelle de rationalité, commune à tous les hommes. Le droit naturel, chez Hobbes, est un a priori historique, chez Vico un a priori logique. Ainsi le contrat qui fonde l’État, et le pacte qui serait à la base des relations internationales sont-ils justes ou injustes selon leur conformité aux principes de la raison. Ils obligent, dans la mesure où ils traduisent au niveau de l’histoire les impératifs pratiques de la raison.
Cette conception, qui l’oppose à Hobbes, le rend également solidaire avec les principes généraux de la philosophie de Grotius. Il reste, toutefois, personnel au point de marquer ses distances vis-à-vis de son maître. Pour Grotius, le droit naturel est un arrêt de la raison, correspondant à l’ordre fondé par Dieu au moment de la création de l’homme, et rétabli par le salut du Christ (11). Mais il serait possible de dire qu’existe un hiatus dans le système, parce que l’ensemble du droit relève d’une rationalité qui n’est pas définie juridiquement.
Au contraire, en référant ce système à la dimension de liberté créée par l’alliance de Dieu, Vico traduit l’intention d’expliquer le droit par une métaphysique du droit. Ainsi l’homme, la raison et même Dieu ne sont que des moments d’une idéalité juridique, fondatrice de la sociabilité. Étant social, même sans son idéalité, l’homme ne parvient à se réaliser historiquement qu’au niveau social. Vico est parvenu à cette conception, parce qu’il a associé la notion de liberté de Pic de la Mirandole et la conception stoïcienne de la république dans le cadre de la notion traditionnelle patristico-thomiste de la loi éternelle.