ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Les  Discours  (1689-1717)



6-  Le  droit  de  la  guerre
et  la  sagesse  du  droit



Les États sont d’autant plus glorieux militairement et puissants politiquement qu’ils sont florissants dans les lettres (1).




66- Le triomphe de la sagesse
et l’appel à la paix



Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit
Le problème politique de
  la guerre
Les lettres et les armes
L’État comme sujet politique
  de la guerre
Fondement juridique de la
  guerre
Fondement philosophique du
  Droit
Triomphe de la sagesse et
  appel à la paix


La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico


DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691 uisque le jus gentium implique la reconnaissance des principes de la raison, donc de la sagesse, il con­vient de conclure que la guerre, institution de ce droit, doit être déci­dée par les sages. Bien qu’exercée par les mi­li­taires, elle ne peut être proclamée que par l’au­torité politique de l’État : retour en force de la théorie de Machiavel, dans un esprit dif­férent et une autre profondeur.
   Même si l’État est fondé par un double droit – droit civil et droit des gens – seul ce dernier légiti­me la guerre, ce qui signifie que, pour justifier la guerre, la raison d’État, émanant de l’utilité politique, doit s’inscrire dans une rationalité de sagesse, fondatrice de la paix entre les hommes parce qu’elle lie l’État aux autres. Ainsi ce qui apparaissait au commencement comme difficile­ment conciliable – la guerre et les études libérales – se révélait aisé : en effet, le sujet responsable de la guerre est l’État lui-même, rendu sage par les études et la prudence.

À ce point apparaît nettement la différence de perspective entre Vico et Machiavel, celui-ci ados­sant l’État à la puissance militaire, celui-là à l’ef­ficacité de la sagesse politique.
   Vico se complaît dans le paradoxe en affirmant que l’efficacité de la guerre est elle-même rede­vable moins à la force des armes qu’à la sagesse. S’adressant à des peuples de haute culture, il les assure qu’éclairés par une intelligence politique, ils peuvent parvenir à gouverner dans la paix un immense empire, même au cas où dans celui-ci les institutions libérales prévalent sur la prépa­ration militaire. Il donne en exemple l’empire chinois, et il affirme qu’un État puissant et inculte tombera en ruine, tandis qu’une nation cultivée et sage, même inférieure en puissance, prévaudra, à l’exemple de la Hongrie contre la Turquie. En bref, la raison prévaut sur la force.

Il ne faut pas s’étonner de trouver dans ce texte un appel concret à la paix, en relation directe avec la guerre de succession. En dépit du ton élevé de l’écrit et du souci d’érudition, nous avons affaire à un discours dans lequel l’auteur se présente non en philosophe, mais en orateur, visant les situa­tions concrètes de ses auditeurs qui sont tout en­semble ses élèves, les professeurs et, à travers eux, les belligérants eux-mêmes.
   Quoique l’orateur aime cacher ses intentions et ses vues sous des lieux communs, son message demeure suffisamment clair, laissant entendre que cette guerre ne peut être appréhendée dans le cadre d’un « jugement de droit », parce qu’elle est motivée par le prestige et la raison d’État. Ses paroles sont ainsi un retour à la sagesse.

À long terme, dans la mesure où il s’adresse à des élèves, son message apparaît beaucoup plus efficace. On peut légitimement penser que cette guerre avait plongé les étudiants dans une crise qui, par ailleurs, a déterminé le choix du sujet de ce Discours. À quoi bon étudier – pensaient les jeunes – si ce n’est que pour devenir le jouet de puissances étrangères ? Un idéal existe-t-il encore pour les études ? Mieux vaudrait les entreprendre dans le seul but professionnel, en vue du profit.
   Dans le précédent Discours d’ouverture, Vico les avait détournés de cette tentation ; il les avait exhortés à toujours croire à un idéal humain et politique qui leur fût propre. « Cette université d’études est le temple où l’esprit se cultive à la guerre et où il grandit dans la prudence de la guerre ». Vico ne renonçait pas à penser que l’université était la force de la classe dirigeante du pays. Il s’adressait aux jeunes, dont il attendait « le sens généreux des armes, la haute décision politique et les arts illustres des chefs de la nation. D’eux doivent provenir la gloire de la guerre et la grandeur de l’empire ».
   Mots sans doute pompeux, tragiquement vides par rapport à la situation actuelle de Naples et de l’Italie, mais pédagogiquement utiles pour insuffler quelque chose de cette sagesse grecque et de cette grandeur romaine qu’il s’était proposé d’offrir par ces Discours.

Par delà ces résultats, cet écrit montre que Vico a adhéré avec enthousiasme et conviction au mani­feste de paix lancé par Pic de la Mirandole, le transposant cependant à un autre niveau. En effet, la fin de l’humanisme, sa propre expérience politi­que, ainsi que la lecture de Machiavel, de Hobbes et de Grotius, lui avaient fait prendre conscience de l’impossibilité de parvenir à une rencontre entre les hommes par la seule voie des études.
   Ainsi, à l’homme parfait de Pic de la Mirandole il substituait la république, lieu historique de la rencontre de tous les arts, de l’art militaire et des lettres, de l’éloquence et de la philosophie, ainsi que le sujet possible et concret de toutes les ver­tus humaines (12). Le génie universel disparaissait pour céder la place au génie du peuple, réalisé par sa conscience politique.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t311660 : 03/09/2019