ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa rupture cartésienne et la naissance
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Le De nostri temporis studiorum ratione (1708)1- Vue d’ensemble de l’œuvre |
13- Motivations |
Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
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Il est nécessaire de rappeler brièvement cette expérience primitive. Dès son retour de Vatolla, Vico avait été frappé par la ferveur avec laquelle les milieux napolitains avaient accueilli le cartésianisme. Mais son étonnement se transforma en indignation, en s’apercevant que cet accueil constituait une défaite des humanistes. Tous, professeurs et élèves, avaient suivi le courant dominant avec une telle facilité qu’elle manifestait chez eux le vide philosophique et le manque de connaissance de leur propre culture. « Il est aisé de comprendre avec quel dommage pour la formation culturelle des jeunes, quelques-uns ont introduit dans la méthode des études deux pratiques pernicieuses : l’une est l’enseignement de la philosophie au moyen de la logique d’Arnauld aussitôt après la grammaire... l’autre, le fait d’enseigner en bas âge les éléments de la science des grandeurs par la méthode algébrique... ». À Gherardo degli Angioli il écrira, lorsque le triomphe de la méthode nouvelle sera consommé : « Les temps se sont énormément sophistiqués à cause des méthodes, raidis par la rigueur d’une philosophie qui tend à amortir toutes les facultés de la sensibilité, surtout l’imagination, considérée aujourd'hui comme la mère de toutes les erreurs des hommes... temps d’un savoir qui dessèche tout l’élan de la poésie la plus haute qui ne peut s’exprimer que par des métaphores » (7). Renouvelant une pensée déjà exprimée dans le De ratione, il écrivait à Severio Estrevan : « Tant que leur intelligence demeurait dépourvue de cette sorte de quatrième opération qu’on appelle " méthode ", les savants ont produit tout ce que nous trouvons de merveilleux et de grand dans notre culture. Mais aussitôt que l’esprit de l’homme a été dominé par ces philosophes, il s’est stérilisé et épuisé, ne produisant plus rien de remarquable » (8). Les Discours et le De ratione ont été pensés au sein de la tension de ce problème. Le même esprit les traverse, mais dans un but différent. En conclusion du dernier écrit, Vico a mis en relief la continuité et la diversité de ces deux œuvres. Il a affirmé que les premiers s’inscrivaient dans le cadre de son devoir (officium) de professeur de rhétorique, auquel le statut de l’université avait confié la tâche d’« exhorter les étudiants à l’acquisition de toutes les sciences ». Le De ratione trouvait chez Vico ses motivations profondes dans la prise de conscience, de sa part, non de son devoir mais de son « droit » de savant qu’il estimait inscrit dans son statut de professeur. Il pensait, en effet, que le statut conférait au professeur de rhétorique la tâche d'exhorter aux sciences dans la mesure où il en possédait aussi le savoir. Sans doute interprétait-il l’intention de la loi en philosophe ; ceci explique sa révolte contre le peu d’estime qu'on avait du professeur de rhétorique et sa pointe polémique contre ceux qui l’accusaient de jouer au philosophe. Comme l’avait fait Pic de la Mirandole, il se déchargeait de l’accusation de présomption en voulant rester fidèle au respect des autres ; mais il ne reculait pas. Il conviendrait d'ajouter que Vico prenait conscience de son échec. En effet, qui l’avait vraiment écouté ? Qui, parmi les jeunes, ses protégés, les héros de ses Discours, l’avait suivi jusqu'aux perspectives humanistes ? Vico ne pouvait-il pas toucher du doigt que tous passaient inexorablement du côté de la doctrine dominante ? Qui lisait Valla, Ficino, Pic de la Mirandole, Telesio et Zabarella ? Les derniers grands, eux-mêmes, tels Bruno, Galilée et Campanella, avaient été oubliés. La rupture était accomplie : il ne suffisait plus de persuader, il fallait convaincre. L’orateur devait devenir juge. |
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t312130 : 09/08/2017