l peut sembler superflu de chercher à définir la finalité de l’œuvre, puisque nous en connaissons déjà l’objet et les motivations. Mais précisément, un décalage existe entre les finalités qui se dégagent des motivations aperçues et de l’objectif de l’écrit. En mettant en balance les « avantages » et les « nuisances » (incommoda) des deux méthodes, il ne faut pas croire que Vico se contentait d’une mise en confrontation ; en effet, il devait juger, ainsi que je l’ai dit. Mais au nom de quels principes pouvait-il le faire ? Comment pouvait-il déterminer la valeur respective des méthodes sans recourir à un critère qui était le sien ? Puisqu’il s’agit de juger en faveur de l’homme nouveau, il convient de conclure que Vico possédait un projet de l’homme.
L’objectif de vouloir limiter l’œuvre à une étude parallèle n’est suggéré que par la crainte de ne pas pouvoir atteindre son but véritable, qui est la « conciliation entre l’actuelle méthode des études et l’ancienne » (11). Ce but est dévoilé au terme de la lecture de l’œuvre. Le mot « conciliation » confirme, une fois encore, que Vico demeurait dans l’esprit des Discours, qui ont recherché la conciliation des courants de pensée au niveau de la communication, alors qu’ici il la recherchait au niveau de leur méthode. Il convient de remarquer qu’en dépit de l’importance donnée à la découverte de Bacon, Vico s’est toujours senti lié au projet culturel de Pic de la Mirandole.
À ce moment, en effet, il commençait à réaliser les perspectives pichiennes, travaillant effectivement à l’œuvre de conciliation des disciplines – platonisme et aristotélisme, thomisme et scottisme, humanisme et scholastique, rhétorique et philosophie, histoire et science – qui avait hanté le jeune philosophe humaniste.
On comprend ainsi l’origine de l’image de l’homme que Vico a placé comme archétype idéal dans la confrontation des deux méthodes : la représentation démiurgique de la liberté humaine, l’homme créateur et poète que l’académie platonicienne de Florence avait façonné en contemplant Platon et les grands artisans du Quattrocento. C’est le portrait de l’homme que Bacon s’était aussi fabriqué. Toutefois, Vico a cherché à le rendre plus proche des traits d’Hercule que de ceux de Prométhée, comme le voulaient d’ailleurs ses ancêtres de la Renaissance.
En dévoilant son véritable but, Vico laisse apparaître la nature de sa réflexion. Pour réaliser la conciliation, il a été contraint de dépasser les deux systèmes en conflit, afin de les faire coexister dans une unité supérieure. Sans doute cette unité sera-t-elle dégagée du projet de l’homme : elle comportera la traduction de l’image en concepts, la recherche des principes unificateurs des oppositions découvertes dans les deux méthodes. Sa technique de travail a donc été analytique, dans le cadre d’une recherche synthétique propre à la découverte. C’est sous cet angle que son travail a le plus d’intérêt. Dans l’exécution de l’œuvre, Vico s’est montré fidèle aux principes de sa logique, qui exige la primauté de la topique sur la méthode, de l’invention sur la structuration.