ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



3-  La  nouvelle  science






33- Francis Bacon :
volonté et puissance



La logique ou l’art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science
- Giordano Bruno : foi et
  philosophie
Campanella : la métaphore des
  deux livres
Bacon : volonté et puissance
Galiléo Galiléi et le langage
  mathématique
Descartes : de la langue aux
  idées
Galilée et Descartes

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


hez Bacon, à l’opposition campanellienne entre intention et production se substitue l’écart séman­tique « volonté-puissance ». Les Écritures révè­lent la volonté de Dieu, tandis que la nature mani­feste sa puissance. En dépit de cette différence, l’accord entre Bacon et Campanella est total, puisque l’imagination recouvre la volonté, et la production la puissance. Le choix des mots n’est, cependant, pas gratuit, puisque chez Bacon la dis­tinction des deux livres est plus manifeste et leur interaction mieux équilibrée.
   En exprimant la volonté divine, les Écritures jouissent d’une primauté que la nature ne possède pas, de même que la volonté prime sur la puis­sance qui l’exécute. Cependant, pour l’homme, le livre de la nature possède une priorité à laquelle les Écritures ne peuvent pas prétendre. La dignité des Écritures ne permet de connaître la volonté de Dieu qu’à travers la connaissance de la nature qui l’a effectivement réalisée. Si l’objet des Écritures n’est connu que par le livre de la nature, celui-ci prime donc au niveau de l’interprétation. À quoi servirait la connaissance de la volonté divine, si étaient inconnues les lois par lesquelles cette volonté a été réalisée ? La connaissance de la nature – la science – devient donc le critère (clavia) de l’interprétation des Écritures (8).

Malgré son apparente orthodoxie, cette théorie est plus choquante que celle de Bruno ; sauvée in abstracto, la dignité des Écritures était subordon­née à la science, au niveau des hommes. Ainsi, reine coram deo, elle était impuissante dans l’en­treprise philosophique de l’homme, comme si sa noblesse l’obligeait à se soumettre à l’arbitrage de sa servante. Mais ainsi, Bacon parvenait à éviter le dualisme. L’accent porté sur le couple volonté-puissance ouvrait des perspectives nouvelles.
   En effet, si l’étude de la nature conduit l’hom­me à saisir les lois de cette puissance établie par Dieu pour la créer, il a aussi le pouvoir de la mo­difier. La lecture de ce livre lui donne non seule­ment la possibilité d’interpréter l’Écriture, mais elle lui permet aussi d’accéder au pouvoir créa­teur. Interprète, il devient transformateur de l’œu­vre divine. La relation entre volonté et puissance trouve alors son véritable sens dans celle d’inter­prétation et de transformation. « La science et la puissance humaine, dit-il, coïncident, parce que l’ignorance de la cause fait perdre l’effet. La nature n’est vaincue que par obéissance, et ce qui, dans la contemplation des causes, devient norme (règle) au niveau de l’action » (9).

Toutes les recherches logiques et épistémologi­ques de Bacon se fondent sur la découverte que connaître, c’est faire. Bacon se rendait compte lui-même du bouleversement que produisait cette in­tuition sur la science. Il avait constaté que l’hom­me auquel l’humanisme avait abouti était dans une situation tragique. Il avait été défini dieu de son monde, on avait célébré sa gloire et exalté sa dignité, et cependant il marquait le pas face à la nature. Son pouvoir créateur s’était exercé sur les fresques et sur les toiles, dans la poésie et sur les coupoles, mais il s’était arrêté aux limites de la réalité du monde, qu’il ne pouvait connaître qu’au travers de la parole religieuse et magique. Ainsi la science demeurait soumise à la philologie, la vérité à l’autorité des anciens. La dignité de Dieu relevait de son artifice, et non de la science.
   Lorsque le baroque a poussé cet artifice jusqu’à faire jaillir le réel de l’imagination, l’être de la métaphore, Bacon a lancé son défi pour rejoindre le réel. Il a eu conscience d’avoir allumé le feu qui rend l’homme semblable aux dieux. En cela, il a réalisé le rêve humaniste. Jadis tourné vers le pas­sé, l’homme se trouvait désormais face au futur, sans être effrayé par son infinitude. Il n’était plus le héros soumis à la parole, contraint à un travail dont les raisons lui échapperaient. Il n’était plus Hercule, mais Prométhée porteur du feu aux hommes, qui connaît la raison des choses.

Voici donc l’invention de Bacon, qu’on a accusé de n’avoir rien inventé. Son invention s’est située au niveau de la pensée elle-même, dans cette science « qui contient en puissance toutes les inventions postérieures, afin d’ouvrir l’esprit hu­main aux voies nouvelles, qui l’acheminent vers des choses nouvelles et vers les fins les plus lointaines » (10). Mais alors, se demandait Ba­con, l’homme pourra-t-il égaler Dieu ? Non, ré­pondait-il, parce que tout son savoir et sa puis­sance relèvent de la connaissance et de la puissance de Dieu. Il n’a fait que retrouver les lois de l’être avec la même puissance que Dieu a employée pour les cacher dans la nature. L’hom­me est Prométhée, mais délivré et réconcilié.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312330 : 20/08/2017