ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



3-  La  nouvelle  science






35- René Descartes :
de la langue aux idées



La logique ou l’art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science
Giordano Bruno : foi et
  philosophie
Campanella : la métaphore des
  deux livres
Bacon : volonté et puissance
Galiléo Galiléi et le langage
  mathématique
Descartes : de la langue aux
  idées

Galilée et Descartes

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


e premier à avoir définitivement rompu avec la tradition du livre, Descartes, aurait-il pu éviter de se servir de l’image du livre pour parler de la na­ture ? Suivons-le dans le De Mundo, où il aborde pour la première fois le problème de la nature. Avant tout, il est dominé par le souci de refuser la théorie aristotélico-thomiste de la connaissance, fondée sur le principe de la production des es­pèces. Ne voyant dans la sensation que l’effet d’un mouvement, celle-ci n’est qu’une modifi­cation sans ressemblance avec la chose. L’idée de la chose ne peut donc provenir d’elle (19). La critique de la théorie des espèces avait été pré­sentée par l’école napolitaine. Je me limiterai à Campanella et à Galilée, dont Descartes avait une certaine connaissance.

La critique de Campanella se réfère à la fonction épistémologique de la sensation, dans laquelle les aristotéliciens voyaient la « forme », c’est à dire la représentation objective de la chose. C’est pourquoi la sensation n’est pas forme, mais modi­fication du sujet.

Entre Campanella et Descartes n’existe qu’un ac­cord apparent, puisque pour Descartes la modifi­cation est passive, tandis que pour Campanella elle est active : le sujet est modifié dans la mesure où il subit une action de la part de l’objet ; il est donc attiré vers l’objet, devenant autre que lui.

Bien que la sensation ne soit pas la forme de la chose, elle en porte activement la similitude : elle transforme le sujet en le rendant semblable à l’objet. « Le sens se produit, non par un proces­sus d’information, mais de transmutation » (20).

Cette théorie demeure liée cependant à une con­ception animiste de la nature. C’est pourquoi Gali­lée a soumis la théorie aristotélicienne à une cri­tique plus radicale encore, ne voyant dans la sen­sation qu’une entité subjective, sans autre valeur que verbale. Quant à la sensation active, c’est à dire comme mouvement, il y a découvert le mo­yen de comprendre la nature dans le cadre du langage mathématique (21).

Descartes se situe dans la visée de Galilée. Ce­pendant, en écrivant le De Mundo, loin de rallier le processus de la connaissance de la nature ex­primé par Galilée, il confère à la sensation une fonction de signification. Bien que la sensation ne soit pas semblable à la chose, elle joue vis à vis d’elle le rôle de signe qui lui revient du fait qu’elle provient de la chose. Elle est comme le mot dans la langue.
   Bien que le mot, comme son articulé, soit tout à fait différent de la chose signifiée, il la signifie néanmoins. La sensation jouerait donc le rôle de signifiant. Le sujet de la connaissance est l’esprit, et non le sens. La connaissance ne serait pas con­crète – connaissance du monde – si la sensation ne venait l’informer que l’idée est la chose. L’es­prit connaît donc la chose même que la sensation signifie (22). Descartes n’utilise pas le mot « li­vre », bien qu’il faille conclure que la connais­sance de la nature s’inscrit dans un processus de langage.

Nous retrouvons le même problème dans la six­ième Méditation. Entre le De Mundo et cette Mé­ditation, toute la philosophie cartésienne se trou­ve exposée. Ainsi la recherche de la connaissance de la nature ne se trouve pas au commencement de la réflexion philosophique, mais à son aboutis­sement (23). Soulignons que nous ne rencontrons ni le mot « livre », ni celui de « signe ». Toute­fois, y est affirmé que la nature « enseigne », et le mot de « signification » est employé à propos de la sensation.

Descartes ne remettait pas en question une fonc­tion signifiante de la sensation. Cependant, on peut s’interroger sur l’objet de cette fonction. Comment la sensation pourrait-elle signifier la chose, si elle n’est que subjective, modification du sujet ? En pénétrant plus profondément dans l’impulsion sensitive, Descartes a découvert deux niveaux : celui du mouvement des impulsions et celui des modifications produites dans le sujet, telles que la couleur, le son, la saveur, etc. (24) Par son caractère subjectif, la sensation ne peut jouer aucun rôle vis à vis de la réalité. Elle n’est pas signifiante de l’objet, mais de l’« utilité et la nuisance » des objets à l’égard du sujet.
   Ainsi la fonction de signification se déplaçait de l’objet vers le sujet, de l’ordre de la connaissance à la pratique. La fonction médiatique entre les idées et les choses ne serait donc exercée que par le mouvement des impulsions dans lesquelles un ordre se découvre en correspondance avec l’ordre de la chose. Mais le mouvement serait-il alors le signe de la chose ? L’interrogation demeure en suspens. En effet, puisqu’il n’est pas la chose, il ne peut être considéré que comme une trace, donc comme un signe.
   Descartes n’a pas reconnu une fonction de signification, parce qu’elle est réservée à l’utilité pratique. Je dirai qu’il s’agit d’un signe, non au sens linguistique, mais au sens de trace, de mar­que, que l’esprit, assuré de l’infaillibilité de Dieu, prend comme support lui permettant de référer la connaissance de l’idée au monde. Mais ce signe demeure muet et n’enseigne pas. Il ne fait que diriger vers le monde celui qui serait éclairé sur la chose par la certitude de l’évidence du « co­gito » (25).




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312350 : 21/08/2017